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Avant la Terreur ou la guerre : les leçons de Mirabeau

Il nous faut redécouvrir l'art de transformer le tumulte en solutions.


Avant la Terreur ou la guerre : les leçons de Mirabeau
Joseph-Désiré Court, Mirabeau devant de Dreux-Brézé, 23 juin 1789. "Nous sommes ici par la volonté du peuple..." / Bridgeman Images

La France a visiblement besoin d’une révolution mais quelle révolution pourrait éviter la guerre civile ou la Terreur ? Ecoutons Mirabeau, ce grand homme de la Révolution française, mort prématurément, adulé par la foule de son vivant, mais calomnié par ses ennemis politiques et considéré jusqu’à aujourd’hui comme un traitre à la révolution, en méconnaissance totale de sa pensée et de son œuvre.


La cour de Marie-Antoinette, reine de France de 1774 à 1792, est souvent décrite comme un lieu de corruption et de frivolité, ce qui a grandement contribué à la désillusion du peuple français envers la monarchie. Marie-Antoinette est connue pour son goût extravagant. Ses dépenses somptueuses sur des robes, des bijoux et des fêtes contribuaient à une image de déconnexion avec les réalités économiques du pays. La cour de Versailles était un lieu où les intrigues politiques et personnelles étaient monnaie courante. Les courtisans, cherchant à gagner les faveurs de la reine et du roi, se livraient souvent à des pratiques corruptives, telles que le favoritisme et la manipulation des décisions politiques pour leur propre profit.

Honoré-Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau (1749–1791), fut une figure centrale des débuts de la Révolution française. Tribun éloquent, écrivain prolifique et défenseur passionné de la liberté, il se fit connaître par ses talents oratoires à l’Assemblée nationale et par son rôle de médiateur entre le roi Louis XVI et le Tiers État. Malgré une vie marquée par les scandales et les controverses, il s’est battu pour une monarchie constitutionnelle et une société où les différences pourraient coexister. Son héritage demeure celui d’un homme convaincu que la force de la parole et la recherche de compromis peuvent transformer une nation en crise.

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Dans le fracas de son époque, Mirabeau avait cherché à transformer la colère en énergie créatrice, les divisions en solutions, les antagonismes en dialogues. Aujourd’hui, la France est encore un pays fracturé, menacé non seulement par ses divisions internes mais aussi par des dangers extérieurs, comme l’islamisme, qui cherchent à saper les fondements mêmes de nos valeurs républicaines. Comme l’avait écrit Mirabeau dans ses lettres, « Tout homme fort peut transformer les tempêtes en cheminements utiles »

Une France qui craque

Comme avant 1789, la colère gronde. Elle n’est plus consignée dans des cahiers de doléances, mais dans les manifestations, les grèves, les réseaux sociaux. La France s’enferme dans ses fractures : riches et pauvres, centres et périphéries, élites et peuples. Les inégalités se creusent, alimentant un ressentiment viscéral. Mirabeau disait : « Rien n’est plus dangereux qu’une société où l’espoir est refusé aux plus nombreux ». Ce constat n’a jamais été aussi pertinent. Une méfiance radicale nourrit des discours qui ne cherchent plus à convaincre mais à abattre l’autre, et les idéologies extrêmes, y compris l’islamisme, exploitent ces fractures pour diviser davantage. La violence devient le seul langage. Il avertissait : « Les peuples ne se soulèvent que lorsque leur misère n’a plus de mots ».

Un rejet systématique des médiateurs

Comme lui, ceux qui tentent de concilier deux camps sont perçus comme des traîtres. Hier, il était entre le roi et le Tiers État ; aujourd’hui, ce sont les voix modérées étouffées par les extrêmes et par ceux qui veulent imposer des visions radicales. « On accuse toujours le pont de fragiliser les rives », disait-il — et pourtant, bâtir ces ponts est la seule voie pour réparer. Mirabeau aurait compris que la colère ne disparaît pas par la répression ou les belles paroles. Il aurait vu qu’elle est une énergie brute, prête à exploser ou à créer, selon ce qu’on en fait. 

Redonner un cadre aux conflits

Il avait tenté de créer une monarchie constitutionnelle comme compromis, car « il n’y a d’ordre que dans la liberté réglementée ». Aujourd’hui, nous devons réinventer nos institutions pour que chacun y trouve une place, en intégrant la diversité des populations tout en préservant notre identité républicaine et nationale. Les citoyens doivent se sentir acteurs, pas spectateurs. Une démocratie vidée de sens ne peut qu’alimenter la frustration. Que nous dirait Mirabeau?

Faire se parler les mondes qui s’ignorent. Les élites urbaines doivent écouter ceux qui vivent à la marge. Les territoires oubliés ne doivent pas rester isolés des grandes décisions. Mirabeau disait : « L’éloignement des conditions de vie engendre l’ignorance, et l’ignorance, le mépris ». La France doit redevenir une communauté, et cela commence par recréer des dialogues entre ceux qui se méprisent, tout en restant vigilants face aux idéologies qui menacent notre cohésion.

Canaliser la violence, pas l’éteindre. Comme lui, on peut voir que la colère n’est pas un problème, c’est un signal. La nier, c’est la renforcer. La comprendre, c’est la transformer. Il avait raison en disant : « Les passions sont des torrents, et il est inutile de les tarir. Ce qu’il faut, c’est leur tracer un lit ». Il faut des lieux où cette énergie peut s’exprimer, être reconnue et devenir un moteur de solutions, tout en combattant les forces de la radicalisation qui cherchent à déstabiliser notre société.

Dépasser les dogmes et les extrêmes. Il avait vu que les factions révolutionnaires, en refusant le compromis, menaient au chaos. « Le dogme inflexible est l’ennemi du progrès », écrivait-il. Aujourd’hui, nous devons dépasser les simplismes idéologiques et trouver des solutions concrètes qui incluent tout le monde, tout en restant fermes contre les idées qui prônent la violence et la division.

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Rien de ce travail n’est simple. Mirabeau avait été hué, critiqué, accusé de trahison par les deux camps. Nous faisons face aux mêmes obstacles aujourd’hui :

La polarisation totale. Chacun reste enfermé dans son camp, sa bulle, ses certitudes. Le dialogue est vu comme une faiblesse, le compromis comme une trahison. Il disait : « Le sectarisme est l’aveuglement de ceux qui préfèrent avoir raison seuls que construire ensemble ».

L’urgence permanente. Entre crises climatiques, économiques et sociales, tout semble si urgent qu’on n’a plus le temps d’écouter. Pourtant, sans cela, aucune solution durable n’est possible. « La précipitation n’a jamais bâti que des châteaux de sable », rappelait-il.

La méfiance généralisée. Comme on l’accusait de duplicité, on soupçonne aujourd’hui toute tentative de médiation. « Le soupçon est le poison des sociétés fragiles », disait-il. Cela rend la tâche plus difficile, mais pas moins nécessaire.

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Mirabeau est mort avant de voir sa vision s’accomplir. Mais son action laisse un message clair : il n’y a pas d’avenir dans la division. La colère, quand elle est abandonnée à elle-même, détruit tout sur son passage. Mais si elle est accueillie, écoutée, transformée, elle peut reconstruire. Aujourd’hui, la France a besoin de bâtisseurs de ponts. Pas des rêveurs, mais des pragmatiques comme lui, capables de descendre dans l’arène, de parler à tous les camps, et de transformer le tumulte en solutions. Mirabeau nous rappelle que « la véritable grandeur consiste à faire des petites choses avec un grand cœur », et cela implique d’affronter les défis avec détermination et solidarité. Il nous enseigne qu’un monde meilleur ne naît pas de la haine, mais du courage d’affronter la complexité et de chercher des voies nouvelles, tout en restant vigilants face aux menaces qui pèsent sur notre cohésion sociale et nos valeurs. La tâche est immense, mais le chemin est essentiel. Comme l’a dit Mirabeau : « La Révolution est faite, elle est dans les esprits ; il ne s’agit plus que de l’organiser ».



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Essayiste et fondateur d'une approche et d'une école de psychologie politique clinique, " la Thérapie sociale", exercée en France et dans de nombreux pays en prévention ou en réconciliation de violences individuelles et collectives.

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