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Le nucléaire et les poulains à huit pattes

Avec Malville, Emmanuel Ruben nous offre un superbe roman à la fois inquiétant et poétique. Totale réussite.


Le nucléaire et les poulains à huit pattes
Centrale nucleaire de Tricastin dans le departement de la Drome, 13/08/2018. ALLILI MOURAD/SIPA

Avec Malville, Emmanuel Ruben nous offre un superbe roman à la fois inquiétant et poétique. Totale réussite.


Que dire d’autre, même si cela peut paraître banal ? Le nouveau roman d’Emmanuel Ruben est excellent, bien écrit, vif et profond comme un torrent ancien qui trace sa route dans un terrain friable. Que nous raconte-t-il ? Il imagine une France de 2036 gouvernée par l’extrême-droite et malmenée par des accidents nucléaires. Le dernier en date est survenu à la centrale de Malville qu’enfant, le narrateur, Samuel, connaissait bien. Son père, militant cégétiste, y travaillait. Sa mère a perdu son territoire d’origine – l’Algérie – et son père à cause de la guerre dans leur pays : « Elle était la seule juive de la cité ; mon frère et moi, nous étions les seuls juifs de l’école, les seuls juifs de la ville, du canton, de la circonscription, les seuls juifs à des dizaines de kilomètres à la ronde. Les derniers juifs qui s’étaient aventurés dans la contrée avaient fini leur courte vie fusillés en Estonie ou gazés à Auschwitz : c’étaient les quarante-quatre enfants d’Izieu et leurs six éducateurs ; un salopard les avait dénoncés à Klaus Barbie, le boucher de Lyon. » Le décor est planté. Le jeune Samuel est à la fois inquiet et fasciné par l’encombrante centrale ; elle cristallise tout : disputes, luttes, fraternisations. Samuel est aussi fasciné par Thomas, une manière de garçon sauvage qui vit dans la nature, et par Astrid, une adolescente belle et révoltée.

Dans ce roman d’anticipation, Emmanuel Ruben nous balade entre la France de 2036 qui crame, explose et confine, et celle, lointaine, de l’enfance et de l’adolescence du narrateur. Et pendant ce temps, comme la Seine sous le pont d’Apollinaire, le Rhône coule impassible, immuable ; il semble se moquer des choix des humains tandis que des gamins meurent de leucémie et que des poulains naissent avec huit pattes. D’un bout à l’autre ce livre nous interpelle, nous tient en haleine ; il nous charme aussi par ses descriptions des marécages du Rhône et de la vie dans cette cité de la centrale. On y parle même des colonies du CCAS qui, sans nul doute, rappelleront quelques souvenirs aux lecteurs nés de parents salariés d’EDF.

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Oui, ce roman est excellent, et Emmanuel Ruben – qui s’est inspiré de ses souvenirs d’enfance – n’est rien d’autre qu’un sacré écrivain !

Emmanuel Ruben, Malville (Stock, 2024).

Malville

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Il a publié une vingtaine de livres dont "Des Petits bals sans importance, HLM (Prix Populiste 2000) et Tendre Rock chez Mille et Une Nuits. Ses deux derniers livres sont : Au Fil de Creil (Castor astral) et Les matins translucides (Ecriture). Journaliste au Courrier Picard et critique à Service littéraire, il vit et écrit à Amiens, en Picardie. En 2018, il est récompensé du prix des Hussards pour "Le Chemin des fugues".

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