Comme cadeau de Noël, les François ont reçu un nouveau gouvernement et le Père Noël qui l’a apporté, c’est François Bayrou. Mais comme beaucoup d’autres cadeaux, il risque d’être oublié dès le mois de janvier. Analyse de Céline Pina.
La composition du gouvernement a été annoncée. Elle acte d’emblée l’échec prévisible de François Bayrou. Celui-ci a été incapable d’élargir l’assise du gouvernement. Le nouveau gouvernement couvre le même périmètre que celui de Michel Barnier et force est de constater que l’on est confronté aux mêmes limites politiques, le côté sympathique et rassurant en moins. L’interview de François Bayrou qui a suivi ne pouvait que confirmer ce sentiment. Apolline de Malherbe comme Benjamin Duhamel ont bien tenté de faire dire quelque chose de consistant au nouveau premier ministre, mais à part de savantes dissertations sur la méthode idéale pour bâtir un gouvernement et des louanges auto-administrées sur sa propre lucidité et son courage, force est de constater que personne ne sait où va la France. Cela n’interpelle pas l’égo surdimensionné du nouveau chef du gouvernement qui ne parait pas voir que le seul chemin de crête qui reste dans sa situation oscille entre l’échec programmé et l’immobilisme guère salvateur. Il n’a pas déjà commencé son tour de ménage que la seule mélodie que l’on a en tête est la fameuse chanson de Jacques Brel : « Au suivant ».
Tout ça pour ça
L’échec de l’élargissement est symbolisé par le refus de soutien du PS, même si le ministre de l’Économie et des finances, Éric Lombard a été choisi pour donner des gages à l’ancienne gauche de gouvernement. Mais le trophée a d’ores et déjà été décroché du mur : la tentative de séduire le PS a échoué. Le parti est entre les mains de LFI, il a besoin de l’électorat radicalisé des quartiers mais, ce faisant, il a affaibli son propre électorat et a perdu toutes ses caractéristiques de parti de gouvernement. Il n’a guère d’autre choix que de rester à la solde de LFI, il n’a plus rien à dire au pays, pas de chemin à tracer, pas de personnalités susceptibles de constituer un repère, d’incarner même quoi que ce soit. L’ancien président Hollande a continué à montrer dans l’opposition la même médiocrité que lorsqu’il était au pouvoir et ne peut même pas se prévaloir de la sagesse issue de l’expérience. Pour la plupart des Français, il est insignifiant.
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Certes, quelques personnalités de gauche qui n’ont pas cautionné la dérive antisémite de LFI ni l’alliance avec les islamistes, comme Manuel Valls ou François Rebsamen, sont présentes, mais elles n’appartiennent pas à une force constituée ou à un courant d’opinion structuré. Elles n’ont pas de troupes parlementaires. Sans surprise donc la gauche adepte de l’antisémitisme s’étouffe de rage et nous sert à nouveau la complainte de ceux à qui on a volé l’élection alors qu’elle est tout aussi minoritaire que les autres forces représentées au parlement. Quant au leader du PS, tout en nuance et justesse, il hurle au fascisme sans se rendre compte qu’en s’alliant avec une LFI antisémite et adepte de la violence politique il cautionne au nom d’un fascisme qui n’existe pas (celui attribué à Marine le Pen), une dérive à gauche qui, elle, est bien réelle. Il parle donc de « provocation » et de « droite extrême au pouvoir sous la surveillance de l’extrême-droite ». Pour la gauche, regarder en face la question migratoire et sécuritaire, c’est sombrer dans le nazisme.
Certes l’annonce du tandem Retailleau-Darmanin, le premier à l’Intérieur et le second à la Justice envoie un message de cohérence sur le régalien et c’est une première, mais le gouvernement étant minoritaire, il n’y a guère de chemin législatif sans le soutien du RN. Mais peut-être sera-t-il possible d’afficher des résultats en matière d’expulsion, de rétablissement des contrôles et d’agir via tout ce qui est réglementaire. Marine Le Pen a à ce sujet une réaction de bon sens. Elle fait le constat que les Français n’attendaient pas grand-chose de cette nomination et que ce gouvernement « s’appuie comme le précédent sur une absence manifeste de légitimité et une majorité introuvable ». Quant à Laurent Wauquiez, président de la droite républicaine, il annonce que les « votes se décideront texte par texte » et ne s’interdit pas de « retirer son soutien », déjà peu ferme.
Un siège éjectable
Mais là où Michel Barnier avait au moins réussi à donner un peu de lustre et de hauteur à la fonction politique et avait su se montrer rassurant et élégant, François Bayrou peine à s’extraire du commun, voire d’une forme d’affrontement sans véritable objet qui fait du mal à la politique. Sa dispute avec Xavier Bertrand à coup de communiqués ne grandit pas les deux parties. On se demande pourquoi le ministère de la Justice aurait été proposé à Xavier Bertrand alors que ce ne pouvait être qu’urticant pour Marine Le Pen et que le gouvernement a besoin de l’abstention du RN pour durer. D’ores et déjà, le ministère de la Justice, institution contestée et peu reconnue par les Français, subit l’impact de cette querelle politicienne alors que les Français ont besoin de retrouver confiance en la justice de leur pays. Une justice dont ils trouvent les jugements laxistes ou déconnectés, en tout cas souvent incompréhensibles et peu fiables. Sur ce terrain, le règne de François Bayrou commence mal.
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D’autant plus mal que l’interview donnée pour expliciter le choix du gouvernement a montré un dirigeant sans colonne vertébrale ni feuille de route claire, ayant surtout l’air de jouir de sa propre image et de se contempler en majesté. Ici le chambellan n’est pas nu, mais c’est parce qu’il porte les vêtements du roi. Or, comme celui à qui il l’a subtilisé, le costume est bien trop grand et entrave plus ses mouvements qu’il ne les revêt de sens et d’éclat. De ce que l’on a vu, le gouvernement Bayrou devrait tenir tant que les oppositions n’auront pas intérêt à appuyer sur le siège éjectable. D’ores et déjà, Mathilde Panot a écrit ce que tout le monde sait. C’est la démission du président de la République qui se dessine si la France est incapable de voter un budget. Et cela ne dépend ni de François Bayrou, ni d’Emmanuel Macron, mais de l’agenda de Marine Le Pen, puisque côté LFI l’addiction à la censure est manifeste, reconnue et systématique.