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Verdict Paty: que retenir du procès du séparatisme?

La cour d'assises spéciale a condamné à des peines allant de 3 ans avec sursis à 16 ans de réclusion criminelle les huit accusés jugés pour leur rôle dans l'assassinat de Samuel Paty par Abdoullakh Anzorov en 2020


Verdict Paty: que retenir du procès du séparatisme?
Verdict du procès de l'affaire Samuel Paty, Paris, 20 décembre 2024 © Gabrielle CEZARD/SIPA

Contrairement à l’affaire de Gisèle Pelicot, le procès de Samuel Paty concernait bien l’ensemble de la société française et son avenir, explique notre chroniqueuse, qui regrette que le verdict ait été si peu commenté en fin de semaine dernière.


Le verdict du procès Paty est tombé vendredi. Les magistrats sont allés plus loin que les réquisitoires et ont essayé de donner à ce procès une réponse à la hauteur de l’abomination commise. Mais pour le suivre dans ses détails, il aura fallu faire preuve de ténacité tant sa couverture a été légère. Heureusement qu’Emilie Frèche, écrivain et réalisatrice a suivi pour Le Point toutes les audiences. Elle a été exemplaire, mais elle a surtout été très seule à en rendre compte. Or autant le procès de Dominique Pelicot a occupé l’ensemble des rédactions et des médias, autant celui de Samuel Paty a été étonnamment peu couvert. Pourtant c’est ce dernier qui nous parle du danger qui menace notre avenir en tant que nation. Mais c’est sans doute ce qui le rend très perturbant, là où le procès Pelicot est rassurant : les méchants sont punis, la société a fait son travail, le politique a été clair et le verdict met tout le monde à l’aise.

Le mois des grands verdicts « sociétaux »

Pour autant, le procès Pelicot ne dit pas grand-chose de nos sociétés, sauf pour quelques féministes radicales qui pensent que la perversion est une norme chez tous les hommes. Le procès Paty, lui, nous concerne tous. Il est la pointe émergée d’un iceberg qui montre sous une forme exacerbée l’existence d’un écosystème qui vise à radicaliser la jeunesse musulmane pour essayer de se constituer une armée de réserve. Le séparatisme basé sur la haine de la société d’accueil qu’implique l’islamisme nourrit ainsi la déstabilisation politique, l’assassinat de proximité et le massacre de masse. Le but : imposer sa vision du monde et faire céder les institutions. C’est de cela que parle aussi le procès Paty et c’est sans doute pour cela qu’il n’a pas été très couvert. Ce qu’il raconte est atroce ; mais surtout, comme il n’y a pas eu « un avant et un après » suite à la décapitation du professeur en pleine rue, il met en relief une impuissance collective, institutionnelle comme politique, effrayante alors que la cible de l’islamisme c’est nous tous en tant que peuple et chacun de nous en tant que kouffars… Personne n’a envie de se confronter à cela s’il pense que ses représentants politiques sont incapables de l’en protéger.

Or ce procès a été très instructif, jusque dans son dénouement qui a mélangé courage et faiblesse. Courage des magistrats qui sont allés au-delà des réquisitions du Parquet, mais faiblesse symbolique également. Il a fallu ainsi exfiltrer Mickaëlle Paty du Palais de justice car elle était menacée par la famille et les proches des islamistes condamnés, en nombre dans la salle. Alors que ces personnes auraient dû être sorties manu militari, avec toute l’absence de ménagement qu’elles méritaient, c’est elle qui a dû sortir par une porte dérobée. Elle avait fait l’objet d’une apostrophe menaçante de la fille de M. Chnina, l’adolescente menteuse à l’origine de la campagne qui aboutira à la mort de Samuel Paty. Visiblement, elle n’a rien appris et est toujours aussi radicalisée. Mais au vu de l’indulgence ridicule du tribunal pour enfant, cette adolescente qui est responsable de la mort de son professeur n’a pas pris conscience de ses actes et étale une absence de remords et une violence qui promettent pour l’avenir.

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Mais surtout le verdict a montré l’absence totale de remords et de prise de conscience des accusés. Notamment de Sefrioui, le prédicateur et leader d’opinion qui a permis que l’incitation à la haine et l’appel au meurtre codé et sous-jacent trouve un exécuteur. En bon islamiste, il retourne l’accusation pour en faire un procès politique destiné à humilier l’islam et les musulmans. L’horreur de ce qui est arrivé à Samuel Paty est le cadet de ses soucis et face au verdict, le prédicateur montre son vrai visage, il n’a plus rien à gagner à se dissimuler. Pareil pour Chnina et sa famille.

Une contre-société violente qu’on se refuse à décoder

Le procès Paty a démontré ce que les gens qui travaillent honnêtement sur ces sujets savent : il existe un écosystème islamiste dont une partie des musulmans partage les représentations, les codes et les modes d’action. Cet écosystème cultive la haine et l’inhumanité comme des marques de puissance à mettre au service du dieu de l’islam. Un évènement peut ainsi cristalliser cette haine savamment semée et cultivée contre les valeurs occidentales, la liberté d’expression, l’égalité entre les hommes. Ces principes et idéaux sont présentés comme une offense au dieu de l’islam et à son prophète, offense qu’un vrai croyant doit laver dans le sang.

Un registre de doléances en hommage a Samuel Paty à Nice, octobre 2020 © Lionel Urman/SIPA Numéro de reportage : 00986783_000001

Ce que raconte le procès Paty rappelle ce qu’expliquaient les policiers à propos des phénomènes de bandes qui se créaient pendant les émeutes. Ils racontaient que les jeunes violents, même venant de quartiers différents, agissaient de façon similaire car ils partageaient la même façon de voir et de fonctionner. Ils pouvaient donc se regrouper spontanément dans un but de prédation (agression, destruction), agir de façon coordonnée puis la bande se défaire aussi vite qu’elle s’était formée. Là c’est la même chose. L’écosystème islamiste est ce qui va permettre, en diffusant le message dans les réseaux islamistes avec les bons mots clés pour susciter la haine, de trouver un exécutant de basses-œuvres. Mais aussi un réseau pour le soutenir et l’encourager sans forcément avoir à passer une commande criminelle explicite.

L’étude des messages échangés sur les réseaux sociaux entre une femme, Priscilla Mangel dite « cicatrice sucrée », qui a soigneusement excité et provoqué le basculement de l’assassin tchétchène en utilisant tous les codes qui rendent fous les militants islamistes, montre encore à quel point les magistrats ou les procureurs sont encore naïfs. La fameuse Priscilla Mangel, radicalisée et qui multiplie les provocations n’aura qu’une sanction bien légère eu égard à son rôle essentiel. Or être magistrat et se confronter au terrorisme, c’est aujourd’hui devoir devenir spécialiste de l’islamisme, de ses méthodes et de ses éléments de langage. Ce sont les islamistes qui tuent en Europe, l’extrême-droite est aujourd’hui anecdotique dans le terrorisme et pour le coup, ses modes d’action et ses références sont connues mais comme le vrai fascisme chez nous est résiduel et peu actif, le combattre est sans danger et gratifiant.

En revanche, le procès Paty, lui, parle de notre société et de son avenir. Il parle d’une réalité de plus en plus lourde : l’existence en Europe d’une contre-société islamiste qui possède sa vision du monde, une forme de conscience de soi et une idéologie incompatible avec nos principes, lois et mœurs. Cette idéologie a créé une contre-société violente, qui n’est plus en gestation mais existe bel et bien. Elle pèse de plus en plus lourdement sur nos institutions. Et elle devrait continuer à le faire : ce procès témoigne d’un début de prise de conscience mais aussi du refus d’une partie de la classe médiatique et politique de regarder en face ces réalités. En cela il n’est au final pas très rassurant.



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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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