Secret des sources : l’Elysée n’est pas un indic comme les autres


Secret des sources : l’Elysée n’est pas un indic comme les autres

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Avec une belle unanimité, les sociétés de journalistes de quatorze médias nationaux[1. Les sociétés des rédacteurs et des journalistes du Monde, du Figaro, du Parisien, du Nouvel Observateur, du Point, des Echos, de Radio France, de Mediapart, de Rue 89, de L’Express, de Libération, d’Europe1, de RFI, et de TF1.] sont tombées à bras raccourcis sur leurs confrères de Valeurs actuelles, pour avoir publié une enquête sur les méthodes d’investigation de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, en charge des affaires judiciaires au Monde. Sa brièveté nous permet de le citer in extenso :

« Nous, journalistes, dénonçons collectivement et fermement les méthodes employées par le journal Valeurs Actuelles, qui a publié le 15 octobre un article intitulé « Retour de Sarkozy : les rendez-vous secrets des deux journalistes du Monde ». Cette atteinte grave au secret des sources est indigne de notre métier, dont nous devons tous préserver la liberté et l’indépendance. Nous soutenons nos confrères Gérard Davet et Fabrice Lhomme, chargés du suivi des affaires judiciaires au Monde, dont Valeurs Actuelles a détaillé les rendez-vous. Nous tenons à rappeler qu’il n’y a pas de sources sans protection des sources. Qu’il n’y a pas d’information libre sans sources. Que c’est la démocratie qui est menacée quand il n’y a plus d’information libre. Pour reprendre les termes de la Cour européenne des droits de l’homme, la protection du secret des sources est « une des pierres angulaires de la liberté de la presse ».

Qui ne souscrirait à ce rappel d’un principe qui garantit aux citoyens des pays démocratiques l’existence d’une presse libre de révéler les turpitudes des puissants ? Placé sous le haut patronage de  Carl Bernstein, Bob Woodward et «  Gorge profonde », il s’imprime dans le cortex de tout journaliste digne de ce nom le jour même où il reçoit sa première carte de presse tant convoitée. Non, jamais, même sous la torture, le vaillant chevalier de la plume ne révélera l’identité du pauvre hère qui a eu le courage de dénoncer les méfaits des détenteurs du pouvoir !

Il se trouve pourtant, que la vie réelle ne correspond pas toujours au récit héroïque rapporté du combat par les paladins de l’information. Le schéma idéal de la bataille pour la vérité et la justice est composé de trois éléments : un personnage subalterne de l’appareil de pouvoir, taraudé par sa conscience, prend le risque de révéler à la presse les turpitudes politiques, financières, ou autres dont il est le témoin dans l’exercice de ses fonctions. Le coupable  de ces vilenies tente, par des mensonges ou des coups tordus de se sortir du pétrin et châtier le responsable des fuites. Le journaliste surmonte tous les obstacles et fait éclater la vérité au grand jour. À la fin, ce sont les bons qui gagnent, et les méchants qui chutent aussi  lourdement qu’ils étaient montés hauts. C’est sur ce schéma, d’ailleurs, qu’on été conçues la plupart des saynètes du Guignol lyonnais, pour la plus grande joie des spectateurs, petits et grands.

Notre admiration inconditionnelle pour Laurent Mourguet, créateur de Guignol, ne nous empêche pas, une fois retombé le rideau du castelet, de constater que la vie réelle est plus compliquée que celle qui se raconte au comptoir du café du Soleil, montée du Gourguillon, où se pratique la philosophie carburant au beaujolais, dont la source n’a de, secret que celui  de sa fabrication, préservé jalousement par le bon vigneron.

On aura compris que le secret des sources est indispensable pour protéger le « lanceur d’alerte » de la vindicte de ceux qu’il dénonce, et ne pas dissuader les témoins d’actes répréhensibles commis par des gens de pouvoir de les dénoncer, sous couvert d’anonymat absolu. Donc, la « source » ne peut être, par principe, qu’une personne  dépendante, pour sa carrière ou sa sécurité, du pouvoir qui l’emploie. Mais qu’en est-il de ce principe lorsque cette source se situe au sommet de l’Etat, là justement d’où personne d’autre que le peuple souverain ne peut vous déloger ? Le «  secret des sources » n’est-il pas un moyen commode et sans risque de mener un combat politique sournois et souterrain, en transgressant au passage un autre principe, lui  aussi essentiel pour la démocratie et la protection des droits du citoyen, que le secret de l’instruction ? Dans l’affaire qui agite en ce moment le landerneau médiatique il est évident que les révélations sur les dossiers judiciaires concernant Nicolas Sarkozy ont été orchestrées au sommet de l’Etat, à l’Elysée, à la Chancellerie, au pôle financier du tribunal de Paris[2. Les juges auraient-ils reçu les journalistes dans leurs locaux, s’ils n’avaient pas l’assurance d’être couverts par la Chancellerie ? Poser la question, c’est y répondre… ] (situé, ironie de l’Histoire, dans les anciens locaux du Monde, rue des Italiens !). Valeurs actuelles ne dénonce pas un haut fonctionnaire, ou une secrétaire préposée à la photocopie horrifiés par les agissements d’un pouvoir indigne, mais met en lumière une opération de déstabilisation d’un adversaire politique par des méthodes pour le moins discutables. Vous avez dit «  Mondegate » ?



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