« Quand le lion est mort, les chacals se disputent l’empire »
Les politiques, ça ose tout… Elisabeth Borne, Gabriel Attal, Michel Barnier, François Bayrou, Tournez manège ! La Main passe ; Le Dindon ; Interdit au public ; La Facture ; J’y suis, j’y reste… Feydeau et Labiche, avant Macbeth. Les mouches vont de nouveau changer d’âne, se poussent de giron en giron pour sauver un maroquin, arracher une breloque, un fromage, la présidence d’une Haute autorité. Bruno tient la place Beauvau. Rachida, nerveuse, rédige des placets. Elle adore D’Artagnan, les Branlos, la poule au Pot, skier à Font-Romeu. Xavier Bertrand, Pierre Moscovici, Thierry Breton, des ours solitaires, dominants, rodent, ils ont faim… A qui l’or des réceptions de l’ambassadeur, les rochers Ferrero du Quai d’Orsay ? « L’honneur, ils l’ont dans les dents, comme du caramel » (Marcel Aymé).
Le Mahabharatin
Les allocutions de passation de pouvoir condensent toutes les naïvetés, impuissances et médiocrités politiques. Les jeunes fanfarons, vieux guides de hautes crevasses, premiers de cordée, qui tous ont mené le pays au fond de l’étang, se font la courte échelle. Nestor manager de transition, digne et urbain, Michel Barnier connaît le refrain : « Je continue à croire que notre pays a besoin de vérité, d’apaisement, de dignité, de réconciliation. Notre pays a aussi besoin de justice. Trop de Français ont aujourd’hui le sentiment que leurs préoccupations quotidiennes ne sont pas prises en compte par les gouvernants ».
Après les Alpes, les Pyrénées et le caquet de Gascogne. Bretteur et menteur, François Bayrou prévient qu’il sera un Premier ministre « de plein exercice et de complémentarité » … une aide contre l’Elysée. Il est conscient de « l’Himalaya qui se dresse devant nous ». Tartarin au Tibet a vu le Migou, connaît « mieux que personne » Henri IV et la difficulté de la situation. « Nous avons le devoir, dans un moment aussi grave pour le pays, pour l’Europe et devant tous les risques de la planète, d’affronter les yeux ouverts, sans timidité, la situation qui est héritée de décennies entières ». A la fin de l’envoi, Montfleury mollit, se couche : « Si je peux, à mon tour, j’essaierai de servir cette réconciliation nécessaire ». « Les mots soulèvent les montagnes quand ils sont des mots vivants ; ils les sapent quand ils sont des mots morts » (Montherlant).
Dans la coulée du grand bronze, sur des pistes vertes, roses, rouges, les Popeye du NFP, Bronzés au pays des Soviets, coconstruisent leur bonhomme de neige rassembleur : une tête de Castets, un ventre de Glucksmann, le chapeau de Cazeneuve… Où placer la carotte de Mélenchon ? Gare au virilisme. Le problème c’est le grisbi. Qui va régler la douloureuse à la fin du Grand Guignol ? Moody’s vient d’abaisser notre note souveraine : Aa2, assortie d’une perspective négative, le Aa3 nous pend au nez.
Le Mexicain, Monsieur Fernand, Raoul et les autres
Barrages républicains, arcs de contrefort – brisés, surbaissés, plein centre -, soupe à l’union, pactes de non-agression, coalition des modérés bios, stage d’apprentissage de non-censure, traîtres en période d’essai, autodissolution de l’Assemblée : aucune tartufferie ne nous est épargnée. Le blocage est durable, structurel. 2027 se rapproche. Le suffrage universel menace la démocratie… Enferrés dans l’idéologie, des promesses ubuesques, contradictoires, les partis et le Parlement paniquent. Tout compromis est impossible, suicidaire, ferait immanquablement tomber les masques, la fausse monnaie des concertos pour flûte de paons et mandoline, qui mènent au Palais-Bourbon. L’union ça craint.
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Cornérisé, le président a hissé le drapeau blanc. Le diplomate prend le pas sur l’homme d’action, l’époque est aux tables rondes, à la détente. Il suggère un « gouvernement d’intérêt général représentant toutes les forces politiques d’un arc de gouvernement qui puisse y participer ou, à tout le moins, qui s’engage à ne pas le censurer » … « En 2016, Manu le Mexicain, tout le monde l’aurait donné à cent contre un : flingué à la surprise, mais c’t’homme là, ce qui l’a sauvé : c’est sa psychologie. Ça été une épée, un cador ; moi je suis objectif, on parlera encore de lui dans cent ans. Seulement, faut bien reconnaître que Jupiter a décliné, surtout de la tête…Quand le lion est mort, les chacals se disputent l’empire. On ne peut pas leur en demander plus qu’aux fils de Charlemagne » (Les Tontons flingueurs).
LFI a gardé l’esprit fantassin, un côté maquisard. Madame Mado, Mathilde Panot, Folace, Freddy, Bastien, Boyard, sans peur ni reproche, tirent en rafale, multiplient les fermés et les rabats. Taratatata ! Raoul Mélenchon Volfoni dynamite, disperse, ventile, veut renvoyer le gugusse de Matignon tout droit à la maison mère, au terminus des prétentieux. Mais sa priorité, ce n’est pas le Béarnais. Son objectif, c’est le gros lot, l’Elysée, le patron. « Mais y connaît pas Raoul ce mec ! Y va avoir un réveil pénible… J’ai voulu être diplomate à cause de vous tous, éviter qu’le sang coule… Mais maintenant c’est fini… je vais le travailler en férocité… le faire marcher à coups de latte… A ma pogne je veux le voir… Et je vous promets qu’il demandera pardon !… Et au garde-à-vous ! » (Les Tontons flingueurs).
Sous le signe de l’Hexagone
La morale de l’histoire, honteuse, est passée sous silence. N’en déplaise aux journalistes naïfs, sociologues amnésiques, politiques démagogues, la démocratie et la France, cela fait deux. Notre fond de sauce tricolore n’a jamais été athénien ni parlementariste. La tradition nationale, c’est le vertical, la courtisanerie, le ressentiment, les jalousies, furieuses, durables. Notre Credo c’est le « bien commun » en ordre serré – au pas camarades, en cadence citoyens -, en tranchant tout ce qui dépasse.
L’amour de la liberté, le dialogue, le sens du compromis – sinon fraternel, du moins apaisé -, consubstantiels à toute démocratie (représentative, parlementaire, directe, de terrain) nous ont toujours fait défaut. Avec ou sans culotte, gilet jaune, rouge ou noir, le vice incurable des Français, c’est « L’amour du censeur » (Pierre Legendre), des statuts, grilles, les décorations, le bâton, les chefs – grands et petits – surtout petits. Pas de liberté pour les amis de la liberté !
L’inavouable est masqué, enrobé dans des promesses de Nupes, des pétitions de grands principes, est maquillé dans des devises éblouissantes, schibboleths de pacotille aux splendeurs invisibles et mutantes, aujourd’hui le « toutlemondisme », la « diversocratie », une mythologie démonétisée. L’art de faire passer la servitude volontaire pour une civilité, pour l’amour du prochain et de l’égalité. Un seul Maître nous manque et tout est dépeuplé. Sieyès a vendu la mèche : « Le pouvoir vient d’en haut et la confiance vient d’en bas ».
« L’État c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde » (Frédéric Bastiat).
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