Les autorités regrettent amèrement d’avoir tenté de rallier ce mouvement violent au projet d’accord entre l’État et les distributeurs pour faire baisser les prix.
Nous écrivions en octobre dernier que la situation en Martinique était préoccupante pour les habitants de l’île et l’activité économique. Malheureusement, rien ne s’est arrangé depuis lors. L’accord, historique, trouvé entre l’État et les distributeurs pour baisser de 20% les prix de l’alimentaire en moyenne sur l’île n’a pas été approuvé par le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens mené par Rodrigue Petitot dit « Le R ». Son application est désormais suspendue par la censure – votée par une majorité de députés ultramarins – du gouvernement Barnier et le départ de François-Noël Buffet, ministre démissionnaire des outre-mers. Pendant ce temps, le bilan matériel des protestations ne cesse de s’alourdir, menaçant la survie de nombreuses entreprises et terrifiant les acteurs du secteur du tourisme qui craignent un rejet de l’île par les visiteurs venus de métropole. État des lieux.
Le RPPRAC va toujours plus loin
Le 11 novembre, Rodrigue Petitot s’est introduit au domicile du préfet de Martinique. Un geste d’une telle soudaineté et d’une telle violence qu’il a pu faire craindre le pire. Dès le lendemain, Monsieur Petitot était logiquement placé en garde-à-vue ce qui a provoqué le courroux de ses partisans littéralement fanatisés. Ces derniers ont ainsi pris d’assaut le commissariat de Fort-de-France, tirant au mortier et même à l’arme à feu sur les forces de l’ordre, selon l’AFP… C’est dire si ce mouvement, souvent complaisamment présenté dans les médias, semble ne plus vouloir faire machine arrière. Violent, le RPPRAC l’est au moins dans ses déclarations publiques. Sa radicalité fait d’ailleurs craindre le pire dans une île au bord du précipice économique.
Est-ce que la mise en détention provisoire de Monsieur Petitot le 5 décembre sera suffisante pour offrir un répit aux Martiniquais pris en otages ? S’il faut l’espérer, les premières déclarations des proches de Monsieur Petitot inquiètent. Son avocat Georges-Emmanuel Germany a ainsi dénoncé à l’issue de l’audience de jeudi 5 que la décision de l’enfermement pouvait avoir été « commandée par des motifs politiques ». Des propos de nature à exciter encore un peu plus les émeutiers… Maître Germany a-t-il omis de noter que son client a aussi été reconnu coupable lundi 2 décembre pour des faits « d’intimidations à l’encontre des maires de Martinique » et condamné pour cela à dix mois de prison ferme aménageables ? Une énième condamnation à ajouter à la collection de Monsieur Petitot, connu auparavant pour sa participation à diverses affaires de droit commun (dont une pour trafic de drogue).
Les dockers du port de Fort-de-France ont décidé de suspendre toutes les réceptions de conteneurs, en témoignage de solidarité à Monsieur Petitot… Notons que 36 kilogrammes de cocaïne ont été saisis entre 2017 et 2020 dans le cadre d’un trafic de drogue entre les Antilles et la métropole.
Un bilan matériel de plus en plus lourd
Depuis le 1er septembre, 298 véhicules, 33 bâtiments privés et six bâtiments publics ont été incendiés et 174 locaux commerciaux ont été cambriolés, selon la préfecture. Il faut ajouter à cela les 1200 demandes de chômage technique déposées selon la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS), ainsi que les 134 plaintes déposées pour violence rapportées par la procureure de la République… Cité par France TV Info, l’entrepreneur Emmanuel de Reynal se désole de la situation, plaidant pour « que changent les relations entre les communautés martiniquaises qui doivent enfin s’appuyer résolument sur ce qui les rassemble plutôt que sur ce qui les divise ». Sa voix est intéressante, car elle fustige le poison du racisme et du populisme propagé par les mouvements radicaux tout en appelant l’État à prendre conscience des difficultés sociales ultramarines, plaidant pour qu’enfin la métropole daigne se pencher sérieusement sur le problème.
Il n’est d’ailleurs pas inexact d’affirmer que ce qui se passe sur l’île n’intéresse que trop peu la sphère médiatique française. Les actualités nationales et internationales sont certes chargées, mais il est désolant que la Martinique ne semble intéresser que les célébrités qui en sont originaires, à l’image de Teddy Riner ou de Thierry Henry qui se sont exprimés. C’est aussi notre affaire. La France a le privilège d’être présente sur tous les fuseaux horaires grâce à ses territoires extra-métropolitains, mais ce privilège s’accompagne de devoirs et de responsabilités.
Dans une tribune très engagée, Jean-Marie Nol s’inquiète notamment de la faiblesse de l’État face aux mouvements violents : « Les autorités, en intégrant le RPPRAC dans les négociations, ont involontairement renforcé la position de ce mouvement populiste. Leur incapacité à anticiper le refus du RPPRAC de signer l’accord avec les acteurs économiques a amplifié les tensions, conduisant à des émeutes et à des actes de pillage. La Collectivité Territoriale a également aggravé la situation en demandant le retrait des renforts de sécurité, affaiblissant les dispositifs d’ordre public et encourageant l’impunité. Ce serait cette gestion erronée qui aurait transformé Petitot en martyr aux yeux de certains, accentuant la défiance envers les institutions. Alors que la crise révèle des problèmes structurels : une dépendance économique envers l’Hexagone, une fiscalité élevée et un coût de la vie supérieur à celui de la métropole. Les solutions proposées, limitées à des mesures temporaires, ne résolvent pas les causes profondes de la précarité et de l’inflation. »
À Paris et à Fort-de-France, les mêmes causes produisent les mêmes effets.
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