La théorie du genre serait-elle de retour? La presse conservatrice, et d’innombrables rumeurs, s’inquiètent du contenu du futur programme d’éducation à la vie sexuelle et affective à l’école. Le Ministre délégué en charge de la Réussite scolaire et de l’Enseignement professionnel, Alexandre Portier, s’est emporté mercredi, à l’occasion de la séance de questions d’actualité au gouvernement du Sénat: « Ce programme, en l’état, n’est pas acceptable (…) Je m’engagerai personnellement pour que la théorie du genre ne trouve pas sa place dans nos écoles ».
Tempête en maternelle et en classe primaire. Polémique ardente autour du contenu d’un programme d’instruction sexuelle destiné aux petites têtes blondes. Rien ne presse à cet âge, font observer les plus modérés non sans raison. C’est bien tôt, en effet. D’autant plus qu’il n’est pas certain qu’on mette autant d’empressement à bien former ces élèves à la lecture, à l’écriture, au calcul et accessoirement à la civilité la plus élémentaire.
Cela dit que l’enfance et la pré-adolescence puissent disposer de davantage de connaissances en ces matières que, par exemple ma génération, pour qui le seul sujet – du moins officiel – touchant au sexe était celui des anges, on peut y souscrire. Toute la question est de savoir à qui on confie cette transmission d’informations et dans le respect de quelle approche, scientifique, clinique, idéologique cela peut et doit se faire. Là semble-t-il, est le problème. Sous couvert d’éducation sexuelle, il apparaît clairement qu’on cherche à distiller un certain nombre de remises en cause d’une réalité biologique qui a au moins pour elle d’être associée à la vie de l’humanité depuis quasiment la nuit des temps. Ne serait-ce que du fait de cette permanence, de cette pérennité, cette bonne vieille réalité ne devrait pas être contestée à la va-vite, balayée d’un revers de main pour laisser la place à la dernière lubie libertaire en vogue. Lubie de mode à qui certes on peut reconnaître le droit d’exister mais qu’on pourrait, au prix d’un peu de courage intellectuel et moral, de fermeté politique, prier d’attendre la sortie des classes – je veux dire en âge – pour venir semer ses petites graines dont, d’ailleurs, on ne pourra juger la moisson qu’après une génération ou deux. Incertitude « scientifique » qui devrait inciter à la prudence. Et plus encore à l’humilité.
Évidemment, comme toujours, l’intention revendiquée est assez louable. On a entendu sur ce point la ministre, fraîchement assignée à ce poste à quoi pas grand-chose, apparemment, ne la prédisposait jusque-là. Il s’agit selon elle de lutter contre le harcèlement, les violences à caractère sexuel, de promouvoir la culture du consentement, du respect de l’égalité homme-femme, fille-garçon… Tout cela est bel et bon, en effet.
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Mais pourquoi diable cette obsession sexuelle ? Pourquoi s’ingénier à inscrire cela dans cette seule spécificité ? Pourquoi exclusivement dans ce casier particulier : le sexe ? Or, il n’y pas qu’en matière sexuelle que harceler doit être combattu, proscrit. Il n’y a pas non plus que dans ce même domaine qu’il doit être absolument impératif de s’enquérir du consentement de la personne à qui on s’adresse. Dans mille situations de la vie courante cette démarche de courtoisie et de simple bon sens s’impose. Même constat s’agissant de la violence, inadmissible dans maintes et maintes situations de l’existence. Et identique intransigeance de commande face à tous les cas de non-respect de l’égalité garçon-fille ? L’intégralité des activités sociales doivent impérativement être régies par ces principes. Principes qui sont la base même et la richesse de ce que d’aucuns appellent le vivre ensemble, et qui, notons-le, peuvent fort bien être rassemblés sous un seul et même terme, une seule et même vertu : le respect.
Le respect qu’on doit à tous et à chacun et qu’on est en droit d’attendre de tous et de chacun. Voilà ce qu’il faut impérativement enseigner dès la maternelle. Et les moments de la vie sexuelle, le temps venu, auront tout autant de chances que les autres moments de se trouver régis par ce sain et noble principe, oui, le respect.
Mais on n’est pas dupe. On comprend très bien pourquoi à l’Éducation nationale on tient absolument à ce que ces notions-là soient l’alibi de ce fameux programme. Cela permet de le livrer à des intervenants militants qui viennent en classe prêcher pour leur paroisse, distiller le venin du doute sur le genre de l’enfant, lui ouvrir des perspectives de pratiques plurielles pour l’avenir, etc, etc. J’ai cru comprendre que, dans un de ces documents, on donnait une description assez précise de la fellation. On y préciserait que cela, en terme courant, s’appelle une pipe (Et on se plaindra après cela qu’on n’apprenne pas assez les subtilités de la langue, pardon de la lecture, à nos enfants ! Passons). Pardonnez-moi de passer sous silence les hauts cris moralisateurs qu’on peut entendre par ailleurs. Je me contenterai seulement de prétendre que dévoiler cela à ces bambins n’est guère charitable. C’est les priver de l’émerveillement de la découverte le jour j. En un mot comme en cent, je trouve éminemment regrettable que l’Éducation nationale se permette ainsi de dépoétiser la chose, d’en vulgariser le mystère. Cette chose qui, de ce fait, risque à terme, de n’avoir pas la même saveur que si ce mystère était resté entier. On me pardonnera tant de grivoiserie. Je persiste : je me demande si, bien partis comme ces gens-là le sont, ils ne vont pas établir un programme de travaux pratiques dès la classe de sixième. Leur logique idéologique l’imposerait, me semble-t-il.
Je ne devrais pas plaisanter de la sorte avec cela. J’en ai conscience. Mais à ce degré d’indécence, d’ignominie, on se protège, on se défend comme on peut. Ignominie, oui. Car c’en est une que de chercher à abolir chez l’enfant ce qu’il a de plus précieux et de plus merveilleux, l’enfance, précisément. Et c’est bien ce qu’ils font !