Le sentiment national, ça sent toujours très mauvais sauf si ce n’est pas français
Céline Pina a – comme toujours au demeurant – magistralement exposé ici même hier ce qu’il convient de penser du festival de lâcheté intellectuelle mis en scène sur France 5 par le service public de télévision autour du sort ignoble, épouvantable, fait à l’écrivain Boualemb Sansal, emprisonné en Algérie pour ne pas partager d’enthousiasme les beautés du régime de corruption, de falsification de l’histoire et d’hystérie anti-française qui sévit dans ce pays depuis des lustres.
Sur le plateau, l’historien de cour – macronienne, la cour – Benjamin Stora, suffisant et goguenard, s’en donne à cœur joie, accablant le prisonnier avec une gourmandise déplacée. « On ne tire pas sur une ambulance », disait fort pertinemment en son temps Françoise Giroud. Dans le nôtre de temps, on peut. C’est même bien vu. En tout cas, personne n’y trouve grand-chose à redire, surtout pas l’atone et servile passeur de plats censé veiller à l’équilibre et à la bonne tenue du débat.
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Au détour d’une de ses interventions, d’un de ses doucereux réquisitoires, voilà bien que l’historien charge l’emprisonné d’un crime assez inattendu. Du moins dans sa formulation. Par ses écrits, ses œuvres, ses déclarations, Boualem Sansal aurait blessé « le sentiment national algérien ». Je n’en croyais pas mes oreilles. J’avoue être resté sans voix un bon moment.
Certes, j’espérais fort qu’un jour ou l’autre, proche ou lointain, la notion de « sentiment national » serait réhabilitée, mais je n’attendais pas cela si tôt et surtout pas de ces bouches-là.
Il reste à souhaiter que l’argument assez surprenant de cet émérite historien fasse jurisprudence. Évoquer le sentiment national redeviendrait licite, admis, voire honorable. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple parmi cent autres, nous serions fondés désormais à porter contre M. Macron l’accusation de blesser notre sentiment national lorsqu’il ose affirmer que la colonisation de l’Algérie par la France relève du crime contre l’humanité… Mais voilà que je prends mes rêves pour des réalités. Oublions cela bien vite. Dans l’esprit de M. Stora et de ses compagnons de déroute, il est clair que ce sentiment n’est noble et n’est acceptable que chez les dirigeants de peuples nous ayant en détestation. Chez nous, il ne saurait être qu’ignoblement empuanti de fascisme. On ne connaît que trop bien cette chanson-là, hélas…
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