Grêve dans les trains à Noël : le président de la SNCF Jean-Pierre Farandou met un coup de pression aux cheminots. Il les invite à «rester du côté des Français».
Ce qu’il y a de remarquable avec la SNCF c’est en effet sa culture de la ponctualité. Les choses y sont réglées avec la rigueur, la précision qui font la réputation de l’horlogerie suisse. Je ne parle pas ici du respect des horaires de départ et d’arrivée des trains, bien évidemment, mais de la régularité calendaire avec laquelle tombent les préavis de grève. À chaque Noël le sien. À chacune des grandes transhumances d’été les leurs.
La tradition n’a pas toujours du bon
Cette année 2024 n’échappe pas à la tradition. Un préavis de grève illimitée reconductible à partir mercredi 11 décembre est tombé à l’initiative de l’intersyndicale regroupant la CGT cheminots, UNSA ferroviaire, Sud Rail et CFDT Cheminots. Avec un petit tour de chauffe pour le jeudi de cette semaine. Une mise en bouche, en quelque sorte.
En cause, la disparition de Fret SNCF à compter du 1er janvier 2025, l’ouverture à la concurrence, une éventuelle insuffisance d’investissements dans le réseau. On s’en doute, le fait que la période coïncide avec l’ouverture des négociations salariales annuelles obligatoires n’est qu’une regrettable coïncidence. « Notre volonté n’est pas de faire du chantage », assure d’ailleurs Thierry Nier, secrétaire général de la fédération CGT cheminots. Loin de nous une telle pensée, allons donc!
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Devant la perspective de ce nouveau blocage, de ces nouvelles marées humaines à la dérive dans les halls et sur les quais de gare, Jean-Pierre Farandou, le PGG de la SNCF, tente une opération de dissuasion. Dans les colonnes de La Tribune Dimanche, il en appelle « au sens de la responsabilité des cheminots ». « Restez du côté des Français » les exhorte-t-il. Air maintes fois entonné, rarement avec succès. Dans une période aussi compliquée que celle que nous traversons, où les difficultés s’accumulent, ajoute-t-il, « les Français ne comprendraient pas qu’on les empêche de rejoindre leur famille pour les fêtes de fin d’année ». Des usagers qui, par ailleurs, pourraient bien être tentés à la fin de lancer un préavis de patience limitée, quelque chose de ce genre, considérant que cette fois la coupe est pleine. Nous verrons.
Gréviculture
Il en faudra sans doute davantage pour que ces syndicats de gauche renoncent à leur sacro-sainte « gréviculture », pour reprendre l’expression de Marine Le Pen. Il en faudra plus aussi, probablement, que les arguments de raison exposés par Jean-Pierre Farandou. Avec la réforme, imposée par la commission européenne en accord avec le gouvernement français, « l’activité fret serait en bien meilleure forme économique qu’avant, plaide-t-il, puisque nous bénéficierons d’une aide d’État supplémentaire au secteur de 30 millions par an. Étant donné les difficultés budgétaires du pays, c’est un signe fort. Sans compter que la surcotisation pour la retraite des cheminots transférés continuera d’être prise en charge à hauteur de 20 millions annuels par la SNCF ».
De plus, le PDG s’est engagé à « retrouver une place dans le groupe pour les cinq cents disparitions de poste ». Pour quoi y faire au juste ? pourrait s’interroger un esprit taquin.
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Enfin, le président Farandou n’omet pas de suggérer qu’à la SNCF il y a souvent une sorte de Noël avant Noël. Il rappelle ainsi que les salaires ont progressé de 17% (21% pour les plus bas) entre 2022 et 2024 pour une inflation à 13%, que la rémunération de base dans l’entreprise est de 10% supérieure au SMIC, que 17100 recrutements ont été effectués en deux ans et que si, depuis six semestres consécutifs, les comptes sont au vert et l’entreprise bénéficiaire, chaque jour de grève coûte quelque 20 millions d’euros. Quand on sait qu’une rame neuve vaut 35 millions, on a vite fait de calculer que tous les deux jours de blocage on rate un train entier. Et même quelques wagons de plus. Du beau boulot, vraiment…
Reprenant la proposition des sénateurs Marseille (centriste) et Tabarot (LR), Éric Ciotti plaide pour un système à l’italienne interdisant les grèves de transports à certaines périodes, Fêtes de fin d’année, grands départs… M. Attal, qui entend sans doute se ménager une bonne place dans le TGV terminus Élysée de 2027, s’est déclaré résolument contre. Il y voit un biais de non-constitutionnalité, le droit de grève étant inscrit dans la Constitution française. Le droit de grève sans aucun doute. Le droit de grève avec prise d’otages, je n’en suis pas absolument convaincu. Car de quoi s’agit-il d’autre, en vérité ? Un jour, il faudra bien que les politiques aient le courage d’appréhender le problème sous cet angle. À mon humble avis, il n’est que temps.
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