Antispécisme. L’agaçant Nagui (et ses rires sur commande irritants) va relancer le jeu populaire « Intervilles ». Sans ses vachettes. Le producteur déclare dans Ouest France vouloir apporter de la « modernité à cette grande kermesse avec diversité, parité et respect de tous les êtres ». Plusieurs municipalités annoncent qu’elles vont boycotter le jeu. « J’entends les discours de tradition. Mais que des déclarations comme ça sortent au moment où une loi veut interdire des mineurs dans les spectacles de tauromachie, ce n’est pas un hasard » veut croire la vedette de la télé.
Dax – Mont-de-Marsan. J’ai appris à situer ces deux villes sur une carte de France au fil des saisons d’Intervilles. Leur querelle de clochers était à l’émission télévisée ce que représente un Lyon – Sainté pour les passionnés de ballon rond ou un Biarritz – Bayonne pour les férus d’Ovalie. A l’époque, celle des années 90, je sortais de l’enfance ; nous avions quelques chaînes pour nous distraire ; un soir par semaine, dans la touffeur estivale qu’adoucissaient les glaces à l’eau, nous regardions donc en famille les candidats de deux cités s’affronter, avec au cœur de l’arène une vachette déchaînée.
Nagui est végétarien depuis 2016. Et nous fatigue depuis plus longtemps encore
Après plusieurs interruptions, le programme s’apprête à faire son retour, produit et animé par Nagui – qui fait partie de la catégorie d’animateurs que bon nombre de Français, pour reprendre une expression de ma grand-mère, « sortiraient de leur télé » tant ils ont le don d’agacer. Seulement, l’homme se situe dans le camp du bien et est un grand défenseur de la cause animale : Intervilles se déroulera donc sans ses intrépides protagonistes qui faisaient tantôt chuter, tantôt fuir des gladiateurs plus ou moins téméraires. Elles seront remplacées par une structure « en mousse ». Contactées par la production pour participer en juillet prochain à l’émission, Dax et Mont-de-Marsan ont décliné l’invitation : pour les deux rivales landaises, Intervilles sans vachette, c’est « une kermesse » ou « un jeu télévisé quelconque » et y participer viendrait à cautionner l’idée d’une souffrance infligée à l’animal.
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Pour les moins de trente ans, Intervilles, outre ses vachettes, ce furent des épreuves faites de plans inclinés à gravir à la force des bras, de seaux d’eau qui se déversent sur les candidats maladroits, de plongeons sur un tapis savonné et de chutes malencontreuses, le tout accompagné d’un entêtant refrain composé par le groupe Citizen’s. Ce furent aussi et surtout des animateurs jamais oubliés : Guy Lux, Léon Zitrone, Simone Garnier, Fabrice, Jean-Pierre Foucault, Nathalie Simon et Olivier Chiabodo, tous un peu (ou beaucoup) de mauvaise foi.
Une France bon enfant
Surtout, Intervilles nous replonge dans une autre France, celle allant de Charles de Gaulle à Jacques Chirac, des querelles picrocholines qui n’avaient rien à voir avec la guerre qui se dessine aujourd’hui dans les quartiers des villes, celle où le pain n’était pas encore rassis et les jeux encore bon enfant, celle où les cyclistes français gagnaient encore le Tour, celle des petits arrangements en sous-préfecture, celle où tout le monde était finalement heureux malgré les rudesses de la vie.
Dans cette autre France, la télévision était aussi différente : on y regardait les Jeux de vingt heures avec Maître Capello, L’île aux enfants et Casimir, Bernard Pivot mettant en lumière les écrivains qui avaient encore du talent, Columbo et Derrick ; il n’y avait pas encore d’Arcom pour sanctionner les dérapages et les speakerines annonçaient les programmes. L’offre télévisuelle était réduite à un nombre limité de chaînes et quelques émissions qui auront marqué des générations autant qu’elles ont façonné des souvenirs partagés. Rien que pour cela, rendez-nous Intervilles, ses vachettes et les Dax – Mont-de-Marsan. Avec si possible, à la présentation, des animateurs que l’on souhaiterait ne pas sortir de notre télé.