Alors que les téléspectateurs habitués à C8 et NRJ 12 ont l’impression qu’on veut contrôler ce qu’ils regardent, des pétitions de soutien aux deux chaînes remportent un grand succès.
La France est sens dessus dessous, mais il y avait urgence à mettre au chômage 300 salariés et 100 sous-traitants, en supprimant la chaine de télévision C8… Sans même parler de NRJ 12 ! La décision de l’organisme public de contrôle de l’audiovisuel fait polémique depuis des semaines. Tout ce que l’Arcom, l’Autorité de Régulation de la Communication Audiovisuelle – nouvelle version du CSA dont on comprenait mal le contour (maintenant on comprend mieux, ils sont politisés et ils l’assument) – a estimé indispensable de faire depuis des mois, c’est donc de fermer des chaînes privées de télévision qui non seulement satisfont les téléspectateurs, mais en plus emploient de nombreux salariés qui vont se retrouver sans activité. Comment ne pas s’indigner ?
Aurélien Saintoul satisfait
Les « gendarmes » de l’audiovisuel peuvent s’enorgueillir d’avoir donné satisfaction au député LFI Aurélien Saintoul, qui réclamait la tête de CNews et de C8. La liberté d’expression est sacrée en France, c’est un combat incessant que de la préserver, y compris pour des débats évidemment infiniment plus graves. Cette liberté est notre fierté, et la France l’a toujours portée comme une valeur essentielle, y compris à l’étranger ; et c’est sur notre propre territoire que nous la bafouons, pour « préserver » les téléspectateurs ? mais de quoi ? On ne peut que constater par ailleurs que le secteur privé est la cible prioritaire de cette épuration.
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L’objet du délit : un animateur a dépassé les bornes de l’expression verbale et de la gesticulation sur son plateau. Soit. La chaine a payé des amendes à la suite de ces constats, ne peut-on pas s’estimer satisfait ? Et si récidives, n’y a-t-il pas des étapes intermédiaires avant de fermer une chaîne de télévision plébiscitée et pionnière de la TNT (9,6 millions de téléspectateurs cumulés par jour) ? On pourrait peut-être même imaginer, si les propos tombaient sous le coup de la loi, de renvoyer l’animateur en question ? en se substituant au patron de la chaine ? Si cela se passait dans une entreprise classique, on n’ose penser aux réactions violentes des syndicats… Où sont-ils, là ? Et s’il s’agissait d’un animateur et d’une émission cataloguée à gauche, ils seraient aussi dans la rue évidemment. Il ne s’agit pas là d’apprécier ou non, l’animateur en question, ni même de le défendre, mais de respecter la liberté de la presse et celle des téléspectateurs avec leur possibilité de zapper…
En revanche, l’exemption des chaînes publiques de gauche de toute sanction pour « discrimination de l’information » ou leurs prises de position engagées, cela ne suscite pas le moindre frémissement, sinon un conseil, murmuré à leur oreille, de varier un peu plus souvent les invités… Par ailleurs, dans le respect du pluralisme, quand on est invité à une émission sur France Inter, par exemple, c’est l’assurance d’être un alibi, pour vite mieux se faire agresser par le fameux « camp du bien »…
Mises au pas préoccupantes
Retirer deux chaînes aux lignes éditoriales axées sur le divertissement comme C8 et NRJ12, c’est aussi s’attaquer à la diversité des programmes dans l’espace audiovisuel français et donc à une forme d’équilibre sociologique. Les Français qui apprécient ou non ces chaines, ne s’y trompent pas : une pétition a été lancée pour contester devant le conseil d’Etat la décision de l’Arcom. Cette pétition concernant C8 a déjà recueilli plus de 600 000 signatures en quelques jours. Pour ce qui est de NRJ 12, saluons Jean-Paul Baudecroux ! un des pionniers du monde des médias audiovisuels et dont la chaîne était rentable depuis peu. La chaîne NRJ 12 reçoit chaque jour des milliers de messages de soutien sur son site. Le problème résiderait, parait-il, dans la faiblesse des programmes proposés. N’est-ce pas un peu insultant pour les téléspectateurs, non ?
Ces mises sous contrôle sont graves. Non seulement le service public ne remplit pas son rôle d’information et de pédagogie économique objective, à un moment où la France est en danger, mais on s’attache à supprimer des formes de liberté plébiscitées.
On nous rétorquera que les fréquences ne sont pas attribuées à vie, ce que l’on peut comprendre, mais qu’en est-il des fréquences publiques : sont-elles éternelles ? Quelles justifications, sinon d’être le bras armé des gouvernements ?
Par ailleurs, des candidats se sont évidemment portés à l’acquisition des fréquences, il s’agit notamment de Ouest France ; mais ces derniers ont fait savoir qu’ils n’étaient pas prêts ! en tout cas, pas avant six mois… Question idiote, mais ne pourrait-on pas au moins laisser la fréquence et les emplois jusqu’à la capacité de Ouest-France d’assurer un programme complet, non ? Car la réalité est sans appel : à partir de fin février, écran noir ! Par ailleurs, est-ce que le repreneur est contraint de reprendre les journalistes ? C’est ce qui se pratique avec les employés dans le monde de l’entreprise…
On se souvient, et on hésite, en repensant au choix proposé naguère par Coluche : la dictature se résumait selon lui par « ferme ta gueule » et la démocratie par « cause toujours ». Une parfaite illustration !
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