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« La pire trans d’Argentine »

Camila Sosa Villada publie "Histoire d’une domestication" (Métailié)


« La pire trans d’Argentine »
L'écrivain argentin Camila Sosa Villada photographiée en 2021 © Francisco Guasco/EFE/SIPA

Le nouveau roman de Camila Sosa Villada est aussi bien cru que drôle.


Son premier roman Vilaines, Grand Prix de l’Héroïne Madame Figaro, traduit en France en 2021, fut un évènement. La comédienne et chanteuse argentine Camila Sosa Villada y contait l’histoire d’un groupe de prostituées transsexuelles à Cordoba. Un récit éblouissant d’inspiration autobiographique. Elle récidive aujourd’hui avec Histoire d’une domestication, second opus dans lequel l’écrivaine a manifestement mis beaucoup d’elle-même. 

Son héroïne est transsexuelle, comme elle. Comme elle aussi, elle a la passion de la scène. Née en 1982 sous le nom de Cristian, Camila Sosa Villada s’est d’abord fait un nom au théâtre et dans les cabarets avant de jouer au cinéma et d’incarner le rôle-titre d’une série télévisée. Autant d’expériences qui ont manifestement nourri le personnage principal de ce second roman à première vue plus classique que le précédent. A première vue seulement. Car rien ne l’est jamais sous la plume de la célèbre autrice argentine. Son héroïne, là encore, lui ressemble à s’y méprendre. Sa popularité est telle que « des milliers d’auteurs de théâtre (…) meurent d’envie d’écrire pour elle. » Mais ce qu’elle veut, elle, c’est jouer La voix humaine de Jean Cocteau. Un rôle dans lequel se sont illustrées d’autres illustres comédiennes avant elle. Ingrid Bergman au théâtre. Anna Magnani pour la caméra de Rossellini. Ou encore Carmen Maura dans La loi du désir de Pedro Almodovar qui s’en inspire librement.

Ses producteurs ont beau lui suggérer de jouer « quelque chose de moins français, de moins tordu », rien n’y fait. La comédienne fait ce qu’elle veut, comme elle veut et quand elle le veut… Comme il se doit, le metteur en scène est son amant. Camila Sosa Villada excelle dans l’écriture des scènes sexuelles dont le roman regorge. C’est cru, enlevé et souvent drôle.

Ce que n’avait pas imaginé la comédienne – comme tous les personnages de ce roman, elle n’est jamais définie que par sa fonction – c’est qu’elle tomberait amoureuse d’un homosexuel. Contre toute attente, la comédienne et son avocat pénaliste vont se mettre en ménage. Mais comment domestiquer des êtres qui n’ont jamais vécu que dans la luxure et dans l’excés ? Telle est la question que pose ce second roman et à laquelle chacun des personnages de ce roman haut en couleurs va se retrouver confronté. Dans cette Histoire d’une domestication, la vie de couple ne constitue qu’une première étape. La deuxième étant l’arrivée d’un enfant. Après avoir envisagé de louer un ventre, ce couple décidément peu ordinaire décide de se lancer dans le long parcours de l’adoption. L’heureux élu sera un petit garçon de six ans, séropositif, auprès duquel la comédienne découvrira l’amour maternel. « Une seule trans suffit pour changer le cours de la vie d’un homme, d’une famille, d’une institution » affirme Camila Sosa Villada qui sait manifestement de quoi elle parle. Son livre jette un regard sans concession sur l’embourgeoisement et cette institution que représente la famille en Argentine. Un roman d’une audace folle et qui séduit par sa radicalité.

Histoire d’une domestication de Camila Sosa Villada, traduction Laura Alcoba, Editions Métalié. 222 pages.

Histoire d'une domestication

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Alexandra Lemasson est critique littéraire. Elle collabore au JDD et à la Revue des deux mondes. Elle est l'auteur de : Virginia Woolf aux Editions Gallimard et La petite folie aux Editions Léo Scheer.

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