On ne peut dire qu’avec des mots simples, ce que furent les actions menées par les aveugles femmes et hommes, dans l’action de résistance contre l’occupant allemand de 1940 jusqu’à 1944. Soldats sans uniforme, ils ont conquis le premier rang de résistants, par le courage et la détermination qu’ils ont déployés à lutter contre le mal.
Si Charles Davin n’est pas le seul, il est à tous les égards une figure représentative de ces Français courageux et téméraires. Non seulement pour les actions qu’il a menées, mais aussi, parce qu’il a eu l’heureuse initiative, après le conflit, de créer le lieu de rassemblement des aveugles résistants, et dont l’enseigne était l’Union des Aveugles de la Résistance.
Charles Davin est né en 1896 à Barcelone. Devenu Français lorsque la guerre éclate en 1914, il s’engage dans le combat, et sert dans l’aviation. Frappé par l’éclat d’un obus, l’énucléation nécessaire le rendra aveugle. Voici donc cet homme qui, dans le civil masseur — disait-on kinésithérapeute ? — n’hésite pas en 1940 à se lancer dans les actions de résistances.
A lire aussi: Gloire au pâté de campagne!
Ils sont ainsi des centaines à prendre part au combat comme un défi lancé à leur handicap avec leurs propres moyens pour ne pas rester dans l’ombre. S’il est impossible de dresser la liste des initiatives à cause de leur caractère individuel, citons les plus fréquentes. Passer des messages et souvent en traversant les lignes ennemies. Création de réseaux pour évacuer les clandestins qui étaient recherchés par la police française et allemande. Opérateur radio ; créer des caches d’armes. Interception de communications téléphoniques, fabrication de faux papiers. Bref, ce fut un maillage d’actions qui prenait racine dans le quotidien.
Il ne faut pas oublier qu’il y eut parmi la résistance des aveugles des fusillés et des déportés. Parmi ceux-ci, soulignons qu’ils ont été peu nombreux à revenir.
Cette résistance ne puisait pas ses forces uniquement dans les groupes politiques constitués ni les mouvements spirituels connus chez ceux où s’exprimaient le courage et l’envie de combattre. Ce qui signifie que l’éventail social y était largement représenté. Juste quelques noms servent à illustrer ce qui vient d’être énoncé. Les universitaires Jacques Lusseyran et Roger-François Clapier. Le duc de Choisel Pralin. Les représentants religieux : le dominicain Michel Perrin. Il fut Juste parmi les nations. Le pasteur Frédéric Jalaguier. Et les autres : paysans, manœuvres, femmes au foyer, étudiants.
Charles Davin trouve en la personne du député Albert Aubry l’appui qui lui permettra d’officialiser l’association. En effet, Aubry, lui-même énucléé d’un œil durant la Première Guerre, est au Parlement, le rapporteur du budget des Anciens combattants. Le 8 juillet 1948, une loi est votée, qui permet de mettre en place les fondations du « statut des Aveugles dans la Résistance. »
Mais pour Davin ce n’est pas encore suffisant. Il veut réunir les témoignages des compagnons d’armes. Le travail de collecte commence en 1946, et se terminera en 1953 par la parution d’un ouvrage, aux éditions Dervy, intitulé La bataille des ombres.
A lire aussi: La librairie Filigranes ou l’anatomie d’une chute
Charles de Gaulle, apprenant la page héroïque écrite par ces femmes et ces hommes, décide de les incorporer aux Compagnons de la Libération. En 2014, une stèle est érigée à la cour d’honneur de l’Institut National des jeunes Aveugles à Paris. Les noms gravés dans le marbre resteront vivants dans la mémoire des hommes.
Tout est dit, nous semble-t-il ? Eh bien non ! Non, car dans un pays qui se délite sous les yeux des Français, quand des libraires, dans leur immaturité goguenarde, accueillent l’ouvrage qui vous est présenté par ce sinistre trait d’humour : «Aujourd’hui ce sont les aveugles dans la résistance, et demain ce seront les bossus?», nous avons le devoir de rappeler au plus grand nombre comment des soldats sans uniforme ont conquis le premier rang de résistants par le courage et la détermination.
L’ouvrage qui vous est proposé est unique. Les textes relatent les actions des uns et des autres, et les dessins qui les accompagnent, sont, soit l’œuvre des témoins eux-mêmes, soit, de leurs amis.
Vous avez rendez-vous avec l’Histoire.
132 pages.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !