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Football à Amsterdam: une histoire particulière avec les juifs

L’Ajax, le club des juifs ?


Football à Amsterdam: une histoire particulière avec les juifs
Dans cette image tirée d'une vidéo, la police escorte des supporters du Maccabi Tel Aviv jusqu'à la station de métro les menant au stade de l'Ajax, après que des supporters pro-palestiniens ont défilé près du stade, à Amsterdam, aux Pays-Bas, le jeudi 7 novembre 2024 © InterVision/AP/SIPA

Les agressions antisémites survenues jeudi dernier dans la Venise du nord sont d’autant plus inquiétantes qu’elles ont eu lieu dans une ville où les supporters ont une affection traditionnelle pour le peuple juif.


Et dire qu’avant le match, Amsterdam fut le théâtre de rarissimes moments de fraternité entre adversaires ! Car ce soir-là, la grande équipe locale, l’Ajax, recevait le Maccabi Tel-Aviv. Or l’Ajax est connu, au grand dam de ses dirigeants, comme le “club des juifs”’. Une expression aussi bien employée par les supporters des autres formations du championnat, pour qui l’épithète est loin d’être un compliment, que par les fans d’Amsterdam eux-mêmes, qui l’utilisent comme nom honorifique.

Ce qui explique que, le jeudi 7 novembre en début d’après-midi, aux abords de l’Amsterdam Arena, le public local des amateurs de foot ait salué cordialement les quelques Israéliens qui avaient fait le voyage pour soutenir le club de Tel Aviv. On entendit ainsi des Néerlandais chanter le Hava Nagila et d’autres chants traditionnels de l’État hébreu, comme ils le font lors d’autres matchs, par amour de l’Etat juif… ou pour narguer les adversaires, ce n’est pas toujours évident.

Des scènes d’horreur

Tard jeudi soir et aux premières heures de vendredi, l’atmosphère festive dans la capitale a pourtant cédé à des scènes glaçantes, qualifiées de “pogroms” par de hauts fonctionnaires israéliens et par la maire d’Amsterdam, Femke Halsema. Scènes qui n’ont rien à voir avec la défaite de Maccabi, 5-0, contre l’Ajax, mais avec l’arrivée impromptue de nouveaux protagonistes, des jeunes voyous évoluant en bande et gueulant leur soutien à la Palestine et leur haine des juifs.

Se déplaçant à scooter sur le principe de l’action “hit and run”, selon la maire, cette horde fit alors “la chasse aux Juifs”, comme le constata un journaliste présent. Si la police réquisitionna des bus pour que les supporters israéliens puissent vite regagner leur hôtel en toute sécurité, certains d’entre eux ne purent se mettre à temps à l’abri et furent agressés par les jeunes “militants pro-palestiniens” (plutôt miliciens que militants), qui les contraignirent à crier “Free Palestine” avant de les passer à tabac, selon des médias locaux.

Horrifié, le Premier ministre néerlandais, Dick Schoof, condamna ces “actes antisémites” lors d’une conversation avec son homologue israélien, Benyamin Netanyahou, qui, initialement, avait indiqué l’envoi d’avions militaires à Amsterdam pour rapatrier les supporters de Tel Aviv. Un site d’informations néerlandais titra : “Tsahal à la rescousse de juifs à Amsterdam”.

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Plus tard, Netanyahou se calma en donna des consignes pour affréter des vols supplémentaires, mais en faisant cette fois appel à El Al, la compagnie commerciale nationale. De son côté, Geert Wilders, le très israélophile et droitier homme politique néerlandais, pilier de la bancale coalition gouvernementale, exigea la démission de la maire de gauche d’Amsterdam, accusée d’être pro-palestinienne.

Un dirigeant de la communauté juive aux Pays-Bas, Eddo Verdoner, demanda aux supporters israéliens encore présents à Amsterdam de “se faire le plus discrets possible” en attendant le départ du dernier d’entre eux. La honte… Vendredi matin, un rescapé rapporte avoir eu peur de prendre le taxi pour rejoindre l’aéroport d’Amsterdam, étant donné le regard hostile de certains chauffeurs d’origine arabe. L’hostilité des taxis peut s’expliquer par le fait que l’un des leurs aurait été passé à tabac par des fans de Maccabi, accusés également d’avoir brûlé et arraché des drapeaux palestiniens et d’avoir scandé des slogans anti-arabes.

Ainsi, un match plutôt quelconque de la Ligue Europa dégénéra en un spectacle révoltant, avec des conséquences potentiellement graves pour l’image de tolérance des Pays-Bas. Des dirigeants du monde entier, dont le président Emmanuel Macron, ont exprimé leur vive émotion.

Il est trop tôt pour identifier les fauteurs de troubles. On est en droit de penser cependant que ces “jeunes de quartiers” n’étaient pas des hooligans de l’Ajax. Lors des agressions de jeudi soir, les supporters du “club des juifs” auraient plutôt eu tendance à protéger leurs frères-ennemis israéliens.

Folklore batave

L’origine du surnom de l’Ajax reste un mystère. Ce club ne fut pas fondé par des juifs, les joueurs juifs n’y ont jamais été très nombreux, pas plus que les présidents. Les experts du sujet ont une hypothèse : l’ancien et très modeste stade du club se situait dans l’est de la capitale, où les juifs étaient traditionnellement nombreux avant la guerre. Conséquence, les supporteurs des équipes adverses traitaient les joueurs de l’Ajax de “nez”. Face à ces injures antisémites, les fans de l’Ajax choisirent à partir des années 80 de retourner l’insulte pour en faire un motif de fierté. Dans les tribunes du nouveau stade, baptisé “Johan Cruijff Arena”, de gigantesques drapeaux israéliens firent leur apparition à côté de ceux de l’équipe. Ce qui n’était pas pour plaire aux dirigeants du club, pas plus qu’aux membres de la communauté juive locale. De nombreuses fois, les supporters furent priés de ne pas abuser du nom “juif” qui, scandé par des milliers de fans simultanément – “wij zijn Joden!” (nous sommes juifs!) – peut avoir un effet sidérant, surtout à Amsterdam, ville dont la quasi-totalité de l’importante communauté juive fut déportée par les nazis dans les années 40.

Une immigrée israélienne à Amsterdam se rappelle ainsi qu’elle fut effrayée la première fois qu’elle croisa, il y a quelques années, des fans de l’Ajax en route vers le stade. “Ils criaient qu’ils étaient juifs, je croyais que c’était une moquerie, se souvient-elle. Mais quand ils ont brandi un drapeau israélien avec fierté, j’ai compris que c’était une démarche amicale”.

Dernièrement, les drapeaux israéliens se sont pourtant faits plus rares dans le stade de l’Ajax. Surtout depuis le 7 octobre 2023. “On ne veut plus voir de symboles de pays en guerre”, ont expliqué les dirigeants d’un groupe de supporters, qui voulaient ainsi empêcher d’autres spectateurs de venir avec les couleurs palestiniennes. C’est dire combien la scène de fraternité d’avant le match, celle où des supporters de l’Ajax chantèrent Hava Nagila, était inattendue. Et combien elle est réconfortante pour les amis du peuple juif.




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Journaliste hollandais.

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