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L’Arlésienne de la désunion des droites

Le billet politique de Philippe Bilger


L’Arlésienne de la désunion des droites
De gauche à droite, Marine Le Pen du Rassemblement national, Laurent Wauquiez de LR et Eric Zemmour de Reconquête © Sipa

La désunion des droites serait-elle une obligation morale ? Dans les états-majors des partis, on a de plus en plus l’impression d’un propos obligé, guère convaincant, que d’un refus structuré.


Alors que l’union des droites peut apparaître comme une nécessité politique, j’ai l’impression qu’elle est récusée sur le plan moral. Par les adversaires de la droite, ce qui n’est pas étonnant – ils ont tout à y gagner ! – mais aussi par les hiérarchies officielles et les bureaucraties partisanes (à l’exception de Reconquête! et de Marion Maréchal) qui représentent la droite largement entendue.

Des obstacles souvent surestimés

Je vais emprunter un chemin qui me semble relever de la cohérence et du bon sens. Le propre de la passion politique est d’imaginer pour demain ce qui aurait été inconcevable hier.

Rien ne se ferait par un coup de baguette magique. Je ne méconnais pas les obstacles – souvent surestimés – qui s’opposent à cette union. Comme si on avait peur de sauter un pas perçu comme immense et qu’on se plaisait à accumuler tout ce qui pourrait nous en dissuader. Je n’ignore pas que Les Républicains et le Rassemblement national, sous l’influence de Marine Le Pen, persistent non seulement à juger irréalisable l’union des droites mais à ne pas la juger nécessaire. Quand on questionne les Républicains sur leur ligne officielle dont ils sont si fiers, comme s’ils avaient raison de se féliciter de leur autarcie, ils mettent en avant des différences de programme et invoquent l’histoire ancienne et les origines troubles du FN de Jean-Marie Le Pen. Mais on a plus l’impression d’un propos obligé, guère convaincant, que d’un refus structuré. Le RN, lui, souhaite détruire la droite classique et tenir à distance Reconquête!. Il n’empêche que derrière les stigmatisations convenues, dans le pays profond des alliances se nouent et des liens se créent. Démontrant la sagesse de ces solidarités que l’action commune et les mêmes détestations inspirent.

Pour les programmes, à qui fera-t-on croire qu’il serait impossible, Marine Le Pen à nouveau battue en 2027 et donc mise hors-jeu, d’élaborer un rapprochement des projets sur les points discutés, en particulier la relation avec l’Europe et la vision internationale ? Surtout que l’approche régalienne pour la sécurité, la Justice et le soutien à apporter aux forces de l’ordre est sensiblement la même.

Incroyable gâchis

Le libéralisme de Marion Maréchal, pas étranger à celui de Jordan Bardella, trouverait des connivences au sein de LR. Tout deviendrait simple, en réalité, dès lors que l’union des droites ne serait plus considérée comme un péché politique mortel. Avec ce paradoxe que, sous François Mitterrand, la gauche ne s’est jamais gênée, par pure tactique, pour pactiser avec le Parti communiste français. Il demeurait pourtant sous l’emprise soviétique pour ses conceptions internationales. Et la droite aurait mauvaise conscience aujourd’hui d’accomplir, craignant l’opprobre de l’autre camp, ce qui amplifierait sa force et son unité ?

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Ce billet m’a été en grande partie inspiré par un sentiment de gâchis au regard des personnalités emblématiques qui seraient concernées par cette renaissance. Quand on les appréhende, d’Éric Zemmour à Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, de Marion Maréchal à Sarah Knafo, de Jordan Bardella au trop méprisé et courageux Éric Ciotti, quel extraordinaire gaspillage de talents, de compétences et de volontés!

Je songe tout particulièrement aux deux femmes que j’ai nommées et que je connais. Ce n’est pas d’aujourd’hui que Marion Maréchal, qui a commis ces derniers temps des erreurs tactiques pour son destin personnel, est perçue comme infiniment douée, brillante et intelligente et que Sarah Knafo, depuis son élection comme député européen, est impressionnante – toujours avec le sourire ! -, de l’avis de beaucoup, dans ses prestations politiques et médiatiques. On accepterait de laisser ce formidable capital humain en état de séparation au lieu de veiller à son unité, ce qui assurerait aux droites réunies une supériorité certaine sur leurs adversaires ?

Un dernier petit point à régler…

Face à un front apparemment solide contre cette union à laquelle le peuple de droite aspire pourtant en grande majorité, on ne peut que s’étonner de voir tant de faiblesses partisanes faire la fine bouche. Comme si elles avaient des leçons à donner et que leur autonomie avait engendré des effets spectaculaires aujourd’hui comme hier. En réalité, l’union revigorerait ce qui, séparé, périclite. Le citoyen aurait enfin la certitude de voir la tactique politique rejoindre le bon sens et l’efficacité. Je suis persuadé que l’union, si elle était voulue avec enthousiasme, serait aussi un moyen performant pour atténuer les défauts qu’avait chaque parti avant, pour les fondre dans un ensemble plus satisfaisant.

Loin de moi, enfin, l’envie d’éluder une question fondamentale. Comme il est essentiel que des personnalités conjuguent dans une union ce qu’aujourd’hui elles dispersent, quel homme ou quelle femme sera le François Mitterrand dont la droite a besoin ? Le courage devra être sa vertu principale. Comme la détestation du gâchis d’aujourd’hui. Il devra être possédé par l’ambition de surmonter les obstacles, les vrais comme les faux, et avoir une volonté pour convaincre et pour réussir.

J’ai dans l’esprit une ou deux personnalités qui seraient susceptibles d’assumer cette responsabilité. Encore faudrait-il les persuader que l’union des droites est une cause qui mérite qu’on se mette vigoureusement, obstinément à son service et qu’elles abandonnent leur pré carré ! Cela en vaudrait la peine.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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