La disparition d’un géant du jazz
Trompettiste américain, compositeur, producteur de jazz, Quincy Jones vient de mourir le 3 novembre, à l’âge de quatre-vingt-onze ans. Cette disparition a suscité une émotion dans le monde entier et un hommage unanime, par-delà les styles et les tendances – fait assez rare pour être souligné. Chez nous, une chaîne de radio comme France-Musique a bouleversé ses programmes pour lui rendre un hommage mérité. Semblable réflexe à la télévision où la chaîne C8 a ressorti des documents inédits, parmi lesquels une rencontre historique avec Charles Aznavour.
28 Grammy Awards !
Une telle mobilisation médiatique s’explique par le fait que la renommée de ce Chicagoan excède largement le seul domaine du jazz. Son talent, qui lui valut quelque quatre-vingt nominations dont vingt-huit victoires aux Grammy Awards, sans compter un Grammy Legend Award en 1992, était assez étendu pour rallier les suffrages les plus divers. Ancien élève du fameux Berklee College of Music de Boston, il se révèlera un trompettiste des plus honorables. C’est, toutefois, outre sa capacité d’adaptation aux courants novateurs du jazz, tels la bossa nova, ses dons d’arrangeur et de compositeur qui le propulseront vers les sommets. Sa collaboration, dans les années 80, avec l’ingénieur du son Bruce Swedien et Michaël Jackson déboucha sur des albums qui restent dans toutes les mémoires.
Sans retracer dans le détail une carrière entamée comme trompettiste dans l’orchestre de Lionel Hampton, poursuivie comme arrangeur auprès de musiciens les plus divers, de Sarah Vaughan à Dizzy Gillespie en passant par Count Basie ou Miles Davis, on retiendra, outre ses tournées dans le monde entier au sein de diverses formations, son séjour à Paris, à la fin des années 50. Il y poursuivra des études auprès de Nadia Boulanger, alors directrice du conservatoire américain de Fontainebleau. Il sera ainsi conduit à travailler avec Jacques Brel, Henri Salvador et Charles Aznavour, tandis que Les Double Six enregistreront un album consacré à ses compositions. Depuis cette période, il gardera toujours une certaine affection pour notre pays.
Son sens des affaires conduisit enfin Quincy Jones à fonder plusieurs sociétés productrices de films de cinéma et de télévision, de pièces de théâtre, tout cela aboutissant à la création de son propre label, Qwest records, en 2017.
Une activité à donner le tournis
La première leçon à tirer d’une telle carrière, c’est que l’art ignore les frontières et se joue des tabous. Si la société des Etats-Unis, voire l’Occident tout entier, avaient été, au XXe siècle, aussi ségrégationnistes, aussi racistes que le prétendent leurs actuels dénonciateurs, jamais un tel parcours, une telle réussite n’eussent été envisageables.
Le second enseignement, et là réside sans doute une clé essentielle, c’est l’ouverture d’esprit qui a permis à Quincy Jones de franchir toutes les barrières de genre et de style. Mieux encore, d’anticiper les évolutions d’une musique qu’il aura largement contribué à enrichir. Son génie des affaires a fait le reste. Qui pourrait le lui reprocher ?