L’éditorial de novembre d’Elisabeth Lévy
Il paraît qu’Emmanuel Macron est très soucieux de la trace qu’il laissera dans l’Histoire. Des esprits chagrins insinueront qu’il y restera comme le président qui a battu les records d’endettement ou celui qui a réussi à enfermer les Français chez eux – cela expliquant ceci car il a bien fallu sortir le chéquier pour que nous acceptions de passer nos jours devant Netflix. D’autres, taquins, se demanderont s’il ne sera pas éternellement le prédécesseur de Marine Le Pen (ou d’un autre méchant). C’est injuste. Le président a aussi de grands projets culturels. L’ultime legs de son décennat sera certainement la « Maison des mondes africains » – dans le jargon de l’inclusivité, tout est au pluriel : les cultures, les Afrique, les France, seul le racisme n’a qu’une adresse. Je me demande quel crâne d’œuf a trouvé judicieux de baptiser ce projet MansA, nom dont la presse explique avec ravissement qu’il résulte d’une « hybridation entre mansio, “habitation” en latin, et Mansa Moussa, souverain malien du xive siècle ». Mansio et Moussa, ça parlera certainement au cœur des Africains.
Le MansA n’a pas vocation à émerveiller mais à faire penser et bien penser. Ce projet, apprend-on dans Libération, est « porté par le président dans un esprit de réparation coloniale ». Nous y voilà. Sa future directrice, la journaliste franco-sénégalaise Élisabeth Gomis promet de « bâtir un lieu d’échange autour de la question des répercussions de l’histoire coloniale dans la société contemporaine ». Le MansA « va décloisonner, faire de la culture pour tous, parler de colonial et de décolonial dans un lieu hybride. » Il était temps vu que, dans notre pays, personne n’ose jamais parler de colonial et de décolonial. Certes, ce galimatias, omniprésent dans les universités et les médias, est aussi le credo du Musée national de l’histoire de l’immigration, dont l’imam caché, Patrick Boucheron, veut défranciser l’histoire de France. Rappelons que, pour sa réouverture, ce musée s’était offert une campagne avec Louis XIV comme symbole des étrangers qui ont fait la France – sans rire. Si j’étais réac, je vous dirais que, la repentance, il y a déjà une maison pour ça.
Nous n’avons pas dû assez expier, car il nous en faut une deuxième. Mais ce n’est pas tout. Comme il n’a pas les moyens de s’offrir sa pyramide du Louvre, Emmanuel Macron a accepté la proposition de Rachida Dati de loger son bidule africain dans une aile de l’hôtel de la Monnaie à Paris, qui bénéficiera pour cela de réaménagements et, ce qui est plus inquiétant, d’un « geste architectural ajouté en façade ». Créée en 864 la Monnaie de Paris est la plus vieille institution française encore en activité et sans doute la plus vieille entreprise du monde. Le bâtiment, sis sur la rive gauche de la Seine, a été inauguré en 1775, aussi une journaliste de Beaux Arts observe-t-elle avec ravissement qu’on « parlera de décolonisation au sein d’un riche symbole de pouvoir né à l’époque coloniale ». Le message est limpide. Pour se faire pardonner son passé criminel, la vieille France raciste et colonialiste doit cesser d’exister et même faire oublier qu’elle a existé pour se vouer tout entière à l’Autre. D’ailleurs, c’est peut-être la seule cohérence d’Emmanuel Macron, sa véritable colonne vertébrale : pour lui, les nations ont fait leur temps. Place à la partouze des cultures !
Le plus rigolo, c’est que c’est la dissolution qui a sauvé cette belle initiative. Le ministère de la Culture avait lâché l’affaire, mais s’est de nouveau engagé face à la menace d’une arrivée au pouvoir du RN. S’il s’agit de lutter contre le fascisme, on s’incline. Du reste, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? S’il veut frapper un grand coup et montrer au monde entier que la France est prête à abjurer son passé, Emmanuel Macron doit frapper un grand coup et lancer la transformation de Notre-Dame en mosquée. Après tout, on pourra quand même faire payer l’entrée.