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Visite d’État d’Emmanuel Macron: vers un tournant stratégique dans les relations franco-marocaines ?

Au Maghreb, Paris privilégie désormais Rabat


Visite d’État d’Emmanuel Macron: vers un tournant stratégique dans les relations franco-marocaines ?
Le président Macron à Rabat, Maroc, 14 juin 2017 © Alain Jocard/AP/SIPA

Le président Macron sera en visite d’État au Royaume du Maroc à partir de lundi, pour trois jours. Analyse des enjeux diplomatiques


Six ans après sa dernière visite officielle et à la suite d’une période marquée par de vives tensions diplomatiques, Emmanuel Macron se prépare à effectuer une visite d’État au Maroc du 28 au 30 octobre. Ce déplacement intervient après l’échec patent de son « pari algérien » et a pour but de réchauffer et de relancer dialogue et coopération avec Rabat, seul partenaire stable dans une région en pleine mutation. Les discussions avec le roi Mohammed VI s’annoncent substantielles, qu’il s’agisse d’immigration, de sécurité, de coopération industrielle ou de dossiers internationaux brûlants. Cependant, c’est avant tout la méthode que saura adopter ou pas le président de la République qui déterminera si elles marquent un tournant véritablement stratégique pour les deux nations.

Macron a maintenant tout le temps pour travailler sur sa politique diplomatique

La première condition sera de rompre avec l’approche arrogante qui a caractérisé la diplomatie d’Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Son échec politique cinglant sur la scène nationale devrait l’inciter à faire preuve de retenue et d’introspection sur la scène diplomatique. Un exercice d’humilité rendu nécessaire au vu des erreurs accumulées depuis sept ans dans sa politique extérieure : sur l’OTAN, sur la Russie, sur la Chine, en Afrique comme au Moyen-Orient.

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Son « pari algérien » a été l’un des exemples les plus marquants de cette diplomatie pour le moins hasardeuse. Pendant trois ans, le président de la République a espéré, contre l’avis de nombre de diplomates et d’experts, réconcilier la France avec un régime algérien dont la stabilité repose pourtant depuis des décennies sur l’hostilité vis-à-vis de Paris. À travers un geste solennel, son projet était d’effacer les blessures du passé colonial et construire une nouvelle relation – sur le modèle de la réconciliation franco-allemande après la Seconde Guerre mondiale. Mais malgré de nombreux gestes, en particulier dans le champ mémoriel, Alger n’a jamais répondu que par des exigences accrues et des critiques répétées.

Cette illusion a finalement pris fin le 30 juillet dernier, lorsque Emmanuel Macron a franchi un pas décisif en reconnaissant le plan d’autonomie proposé par le Maroc comme la seule base crédible pour une solution politique au Sahara occidental. Ce revirement, tardif mais salutaire, est un signal de lucidité et de pragmatisme, permettant de rétablir des ponts avec Rabat.

La deuxième condition, pour faire de cette visite un succès pérenne, sera de reconnaître le Maroc pour ce qu’il est devenu: une authentique puissance régionale. Le royaume n’est plus simplement ce « bon élève » que la France et l’Europe félicitaient à l’occasion. Dans un Maghreb en crise, où la Tunisie s’enlise dans un autoritarisme latent et où l’Algérie reste figée dans un statu quo dépassé, le Maroc fait figure de seul partenaire stable et fiable. Ce statut doit être reconnu, non seulement par la France mais aussi à l’échelle internationale.

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Enfin, troisième condition, Emmanuel Macron devra arriver à Rabat avec des propositions concrètes et substantielles propres à donner sens et direction à cette alliance renouvelée. Il ne s’agit plus de dicter des conditions mais de traiter de puissance à puissance. Sur la question migratoire, par exemple, un accord profitable aux deux parties sera difficile à obtenir mais pas impossible à atteindre : la France rencontre des difficultés à expulser les migrants en situation irrégulière tandis que le Maroc souhaite plus de visas pour ses citoyens qualifiés. Laissez-passer consulaires (nécessaires à l’exécution des OQTF) contre visas accordés à des profils de jeunes diplômés utiles à l’économie française. La récente reconnaissance du plan marocain sur le Sahara occidental offre un terrain favorable pour ces négociations.

Des annonces majeures attendues

Autre dossier : dans le Sahel, où les menaces pour les deux pays se multiplient, la coopération antiterroriste entre Paris et Rabat, déjà solide, pourrait être intensifiée. Sur le plan industriel enfin, des annonces majeures sont attendues, notamment concernant Airbus, avec le renouvellement de la flotte de Royal Air Maroc (RAM) et l’achat d’hélicoptères de transport militaire H225M Caracal. Si la RAM choisit Airbus plutôt que Boeing, cela constituera un signal fort de son attachement au partenariat avec la France.

La visite d’Emmanuel Macron au Maroc représente une occasion unique de refonder la relation franco-marocaine. Mais pour réussir, il devra s’armer de pragmatisme et d’humilité. La France, fragilisée sur plusieurs fronts géopolitiques, a plus que jamais besoin de partenaires solides. Le Maroc pourrait bien être celui sur lequel Paris pourra compter pour consolider sa position en Méditerranée.



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est délégué général de l'institut Thomas-More

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