Le député d’extrême gauche Andy Kerbrat défraie la chronique. Il a été interpellé le 17 octobre par la police en train d’acheter à un mineur de la 3-MMC (drogue de synthèse), à Paris. Le monde politique se divise sur la question de l’exemplarité. Autre temps, autres mœurs ? Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et la droite nantaise appellent à une démission qui n’interviendra pas.
C’est une facilité que je m’octroie en évoquant « les députés » pour me faire mieux comprendre alors que je songe précisément au député LFI Andy Kerbrat qui a été interpellé en flagrant délit d’achat d’une drogue de synthèse dans le métro parisien. Il a fait état de « problèmes personnels » et a annoncé « un protocole de soins ».
Je relève que la drogue en question est celle dont avait usé Pierre Palmade et qu’apparemment elle n’est pas destinée à apaiser une difficulté d’être mais à amplifier et décupler dans le temps la puissance sexuelle.
Députés devenus ordinaires
Comme ceci a été souligné à l’Heure des pros le 22 octobre sur CNews, notamment par Gilles-William Goldnadel, la transgression de cet élu est d’autant plus répréhensible qu’il avait dénoncé dans le passé le trafic de drogue et alerté sur la multiplication des consommateurs. Contradiction en elle-même très choquante.
Ces éléments n’ont pas empêché le soutien, que je juge honteux (en particulier un tweet indécent de Sandrine Rousseau), de LFI à ce député.
Plus globalement, malgré un émoi conjoncturel vite dissipé, l’indignation n’est pas à la hauteur de ce qu’on aurait pu espérer en démocratie représentative. On a entendu qu’Andy Kerbrat n’était pas le premier député ou sénateur à être tombé dans une telle dérive, comme si cela constituait une excuse ou une justification. On se rappelle que le député Louis Boyard n’avait pas hésité, lui, à avouer dans l’émission de Cyril Hanouna qu’il avait payé ses études en se livrant au trafic de drogue. On a plaidé aussi que l’univers parlementaire avait perdu de sa qualité et de son intégrité et que nous n’avions plus des députés remarquables mais d’une certaine façon ordinaires ; et qu’au fond nous ne devions pas nous en étonner, nous citoyens.
Je ne parviens pas à m’habituer à cette sorte de résignation démocratique. En quelque sorte, dépassés par le pire, on finit par le tolérer, l’accepter, l’administrer. En matière judiciaire par exemple, il y a eu tellement de vols à l’étalage que les parquets ont décidé de ne poursuivre qu’à partir d’un certain montant. Comme nous ne pouvons plus estimer ni a fortiori admirer nos députés, on a réduit nos prétentions et on n’exige plus rien d’eux. L’exemplarité est une exigence qui n’a plus cours.
La décadence, dans les petites comme dans les grandes choses, nous menace ou, pire, nous accable : elle nous est devenue sombrement si familière que nous la percevons comme irrésistible. Ce qui est le début de la fin et d’une irrémédiable défaite.
Le député ne partira pas
Pourtant il n’y a pas d’autre solution pour entraver le délitement moral et républicain que de se dresser contre cet abandon, cette médiocrité qui fait que certains députés eux-mêmes ne sont pas gênés de tomber dans des délits, de n’être plus des modèles, de s’en féliciter même. Le citoyen a une responsabilité dans ce désastre démocratique s’il se contente, le temps volatil d’une information, d’en prendre acte et de considérer l’attitude d’un Andy Kerbrat comme une manifestation normale de cet adage « autre temps, autres mœurs », telle une inévitable plongée dans le pire.
D’autant plus qu’il y a un insupportable hiatus entre la prise de conscience de l’extrême danger social et civilisationnel du narcotrafic et des attitudes singulières d’élus, qui en effet, au moins indirectement, ont « du sang sur les mains ».
Dans un monde qui s’accepte imparfait et fuit la rectitude comme la peste puisqu’elle est tension, souffrance, dépassement de soi et volonté d’exemplarité, ce député ne démissionnera pas. On entendra cette antienne que ce sera à l’électeur de décider. Ce serait du citoyen que son sort devrait dépendre. Pourtant on l’oublie quand on se comporte mal.
Andy Kerbrat qui a perdu sa légitimité – l’élection n’est rien sans l’éthique qui doit s’accorder avec elle – ne jettera pas l’éponge. Le ministre de l’Intérieur lui a demandé « de tirer les conséquences de ses actes car un député a un devoir d’exemplarité ».
Le député trop soutenu demeurera évidemment là où il est.