Lors de sa prise de fonctions, la nouvelle ministre de l’Éducation nationale a invité les hussards de la République à se retrousser les manches. Mais, on dénonce actuellement dans les rangs le « pacte enseignant », cette loi « scélérate » qui vise à lutter contre l’absentéisme des profs.
Allons « hussardes de la République » [1]! Convoquant, à l’occasion de la passation de pouvoir rue de Grenelle, le 23 septembre, un lignage radieusement matriarcal – mamie, belle-maman, tata, frangine, toutes « AESH, institutrice, professeure, directrice d’école, principale de collège » -, Anne Genetet entendait, dans un exorde martial, rallier les profs à la cause. Mais laquelle?
Ce n’est pas le discours qui le dirait, encombré d’éléments de langage contradictoires : promouvoir l’« école inclusive » mais remonter « le niveau de nos élèves » ; remonter « le niveau de nos élèves » mais lutter « contre le harcèlement » ; travailler sur l’« attractivité du métier d’enseignant » mais promouvoir l’« école inclusive ». Le tout saupoudré de maternage : promesse d’« écoute », de « bien-être », d’« enthousiasme », de « bonheur ». Peut-être l’évocation finale, solennelle, de Samuel Paty et de Dominique Bernard, « deux enseignants passionnés […] morts d’avoir enseigné », était-elle plus éloquente, quoique légèrement inexacte. Ou bien la nécessité, rappelée dans la péroraison, d’inscrire la rénovation de l’école dans « le temps long »[2].
Alors du temps, ça tombe bien, on en a dans mon lycée de province. Et on le gère, dans un esprit méthodique et combatif.
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D’abord, une minute (de silence), par an, pour Samuel Paty et Dominique Bernard, soit 30 secondes pour chacun. Quelques nanosecondes si, sur un malentendu, on inclut dans cette commémoration les victimes du 7 octobre[3]. Ensuite, des heures d’information syndicale : neuf heures annuelles prises sur le temps de travail, primo parce qu’on y a droit, deuxio parce que se syndiquer c’est se défendre, s’informer, lutter. Enfin des jours et des jours, des nuits pour les plus militants, passés à organiser la résistance. Il faut dire qu’en cette rentrée 2024, l’institution veut nous imposer le Pacte (de la honte) afin de pourvoir aux remplacements de courte durée. Il consiste à contractualiser, sur la base du volontariat, des missions supplémentaires d’enseignement : en plus de son traitement de fonctionnaire, le professeur est rémunéré à hauteur des heures effectuées, et perçoit une somme… plutôt coquette. Loi scélérate ! « Un coup d’essai dans l’entreprise de destruction du statut par son découpage en petits morceaux contractualisés » disent les tracts amphigouriques glissés dans les casiers des professeurs potentiellement collabo par leurs vigilants collègues. Il « faut traiter ce problème collectivement » et « nous sommes largement déterminés à cesser de réaliser ces heures ponctuelles de remplacement ». Que les élèves aillent donc se faire remonter le niveau ailleurs ! L’heure est à la Résistance!
Et Dominique Bernard ? Samuel Paty ? La contre-enquête menée par Mickaëlle Paty et diffusée par C8 le 16 octobre fait la lumière sur la mort de son frère et révèle les dangers qui menacent l’école.
Mais le film dure 1h30 et la réaction qui s’impose s’inscrit dans le temps long. Ça ne rentre pas dans le timing. Nous ne pouvons pas être sur tous les fronts.
[1] « En entrant dans ce ministère, je pense à mon arrière-grand-mère, à ma grand-mère, à ma belle-mère, à ma tante, à ma soeur qui furent toutes AESH, institutrice, professeure, directrice d’école, principale de collège ; je pense à cette lignée de hussardes de la République », Anne Genetet, allocution prononcée lors de la passation de pouvoir.
[2] Anne Genetet, allocution prononcée lors de la passation de pouvoir.
[3] Primo-bourde ministérielle.
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