Le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres est arrivé en Russie, où l’autocrate Vladimir Poutine met en scène son non-isolement lors du sommet des BRICS qu’il organise. Analyse.
Le grand effondrement, qui affecte la France, n’épargne pas l’Occident. C’est un chamboulement mondial qui s’observe, en réaction au même mépris porté par des « élites » auto-satisfaites aux peuples trop ordinaires. Ce mercredi matin, l’arrivée en Russie du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, au sommet des Brics présidé par Vladimir Poutine, est une provocation lancée aux démocraties du monde libre et à leur prétention à l’exemplarité. Le paria russe, sous mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre en Ukraine, peut en effet se targuer, outre de l’aval de l’ONU, d’avoir pu réunir, à Kazan, la fine fleur des puissances du Sud Global, qui représentent près de 46% de la population mondiale et 36% du PIB mondial. La Chine, l’Inde, le Brésil, l’Iran, l’Afrique du sud, la Turquie, l’autorité palestinienne seront sur la photo de famille, parmi les 24 pays constituant ce club des humiliés. Une manière pour Poutine de rappeler l’échec de la politique occidentale qui s’était jurée de briser les reins de l’autocrate, de l’isoler du reste du monde et de lui faire perdre la guerre contre l’Ukraine. Aucun de ces buts n’a été atteint. Au lieu de cela, la pérenne arrogance occidentale est en train d’exaspérer ses propres citoyens. C’est en tout cas ce qui ressort, ce mercredi, d’un sondage Ipsos du Parisien qui montrerait que, pour 51% des Français, « seul un pouvoir fort peut garantir l’ordre et la sécurité ». 23% des sondés – et 31% chez les moins de 35 ans – vont jusqu’à dire que la démocratie n’est pas « le meilleur régime existant ». 76% estiment que le personnel politique est « déconnecté des réalités des citoyens ».
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La contestation de l’ancien ordre mondial par des pays le plus souvent despotiques n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour l’avenir des démocraties libérales. Mais il serait trop simple d’accuser les Brics de mauvaises manières obscurantistes. La constante indifférence avec laquelle l’Occident orgueilleux a répondu à la Russie, après son évasion de sa prison communiste, a poussé ce pays à quitter par dépit une civilisation qui lui était familière, ne serait-ce qu’à travers sa culture chrétienne et sa littérature. Le secrétaire perpétuel de l’Académie française, Amin Maalouf, dans Le labyrinthe des égarés (Grasset, 2023), écrit : « S’agissant des dirigeants occidentaux, ils ont manqué de générosité et manqué de vision à long terme. Ils auraient dû prévoir qu’une Russie blessée et diminuée serait, pour l’Europe, une bombe à retardement. Il fallait, à tout prix, l’aider à se démocratiser, à se développer, à se reconvertir ; l’aider à retrouver, au sortir de la guerre froide, un tout autre rôle dans le monde, une autre manière de s’épanouir, afin qu’elle puisse donner naissance à une autre génération de dirigeants, qui ne soient ni corrompus, ni prédateurs, ni assoiffés de vengeance. Hélas, rien de cela n’a été fait… ». Ce gâchis, seul l’Occident infatué s’en est rendu coupable en se regardant le nombril. Certes, il reste encore un modèle pour ceux qui aiment la liberté. Mais l’Occident doit savoir que le Sud Global, décidé à régler ses comptes, ne lui fera aucun cadeau.
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