Du Danemark à l’Allemagne, en passant par la Grande-Bretagne et la Slovaquie, des partis de gauche sont rattrapés par le réel : ils défendent un strict contrôle des frontières pour enrayer l’immigration de masse. En France, la gauche qui continue de voir un électeur en chaque immigré ne change rien à sa doctrine.
Et si le grand tour de vis contre l’immigration venait, en Europe, de la gauche ? L’exemple danois attire depuis plusieurs années la curiosité de ses voisins. En mai 2023, Éric Ciotti, qui n’était pas encore démissionnaire de la présidence de LR ni allié du RN, se rendait à Copenhague, en quête de recettes nordiques. Pour comprendre le tête-à-queue danois sur les questions migratoires, il faut remonter à 2001, quand le Parti populaire, classé comme nationaliste, a soutenu une coalition de droite plus modérée, en échange d’un durcissement des règles migratoires. C’est ainsi que le camp conservateur a pu garder les commandes du pays pendant dix ans, de 2001 à 2011, puis de 2015 à 2019. Au prix de 135 modifications de la loi sur les étrangers, le pays de la Petite Sirène peut se vanter aujourd’hui d’avoir la politique d’accueil la plus ferme d’Europe occidentale. Lors de son premier retour aux affaires après 2011, la gauche danoise s’est certes efforcée d’assouplir les règles mises en place pendant la décennie 2000. Elle ne s’y aventure plus désormais et depuis sa victoire de 2019, elle assume l’héritage législatif de la droite. En janvier 2021, la Première ministre Mette Frederiksen tenait ainsi devant le Parlement le discours que toutes les droites populistes d’Europe rêvent d’entendre : « Nous devons nous assurer que peu de gens viennent dans notre pays, sinon notre cohésion sociale sera menacée. » En 2017, dans l’opposition, elle promettait déjà de déplacer les demandeurs d’asile dans des centres délocalisés en Afrique. Désormais, il y a consensus des principales formations politiques danoises pour estimer que, si le pays veut maintenir son modèle social, il doit drastiquement limiter l’accès à la nationalité et aux aides sociales. Le bloc de gauche est en train de récolter les fruits électoraux de sa stratégie : aux Européennes de 2024, les partis de la coalition de Mette Frederiksen rassemblaient 35 % des voix, tandis que le Parti populaire redescendait à un famélique score de 6,37 %. La formation de droite classique est pour sa part en plein déclin. Aux législatives de 2022, elle était même passé sous la barre des 3 %, très loin des 21 % réalisés en 2015. Deux paradoxes à observer : pour renaître politiquement, la gauche danoise a dû intégrer une bonne partie du programme de
