Laure Adler adore le dernier livre de Judith Butler, laquelle est admirée par Mona Cholet. Halte au massacre!
Le dernier livre de Judith Butler, Qui a peur du genre ?, vient de sortir. Enthousiasmée, Pascale Fautrier en a fait la publicité dans un article paru le 19 septembre dernier dans L’Humanité. Et ça démarre sur les chapeaux de roue: « Partout la diabolisation de “l’idéologie du genre” et des “théories critiques de la race” est le symptôme de tendances fascisantes [qui] défendent des politiques d’exclusion racistes, homophobes et anti-trans, ouvrant les conditions à (sic) la multiplication des ratonnades et des crimes ». Passons rapidement sur la langue négligée avec laquelle est écrit cet article, d’autant plus regrettable que son auteur est… docteure agrégée de Lettres modernes, et sur cette énième et banale accusation de fascisme pour nous intéresser au rapprochement opéré naturellement par Mme Fautrier entre l’idéologie du genre et l’idéologie « racialiste ». Ces deux branches du wokisme œuvrent effectivement de concert et travaillent conjointement à la « déconstruction », c’est-à-dire à la destruction des valeurs occidentales.
Philosophies de l’émancipation
« De la théorie du genre à la théorie critique de la race, en passant par l’épistémologie du point de vue, le but des wokes est de “déconstruire” tout l’héritage culturel et scientifique d’un Occident accusé d’être “systématiquement” sexiste, raciste et colonialiste », rappelle Jean-François Braunstein dans La religion woke (Grasset). Ce n’est pas un hasard si le journal de stricte obédience gaucho-wokiste Mediapart, après avoir créé en son sein un poste de « responsable éditorial aux questions de genre », vient de nommer une « responsable éditoriale aux questions raciales ». Sabrina Kassa, la responsable en question, a annoncé qu’elle veillera entre autres à ce que les notions racialistes et les mots « race », « racialisation », « racisation », « blanchité » et « privilèges », soient assidûment employés afin que ne perdure pas l’idée (fausse, bien entendu, selon elle) que la France est « indifférente à la couleur ». Au moment de la création de SOS Racisme, Jean Baudrillard avait déjà compris de quoi il retournait : « SOS Racisme. SOS baleines. Ambiguïté : dans un cas, c’est pour dénoncer le racisme, dans l’autre, c’est pour sauver les baleines. Et si dans le premier cas, c’était aussi un appel subliminal à sauver le racisme, et donc l’enjeu de la lutte antiraciste comme dernier vestige des passions politiques ». En plus du racialisme, dansent aujourd’hui sur ce tas de ruines politiques tous les co-locataires de l’idéologie woke : le néo-féminisme, le transgenrisme et l’écologisme.
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Pour les idéologues du genre et du racialisme, l’adversaire à abattre a dès lors des contours précis : il est un individu occidental, plutôt hétérosexuel, plutôt blanc, plutôt ordinaire. Imperméable aux chants des sirènes butlériennes et aux accusations de racisme des racialistes, souvent désireux de fonder une famille – « une famille hétéronormée », précisent avec une moue de dégoût Judith Butler et Pascale Fautrier à sa suite –, aspirant à des relations apaisées, voire amicales, avec ses voisins ou ses collègues de travail – que ceux-ci soient blancs, jaunes ou noirs –, cet individu, bien qu’estomaqué par l’obscénité des comportements ou la bêtise des propos de ceux qui se revendiquent bruyamment des mouvements queer ou des associations obsédées par la race, n’a pas vraiment pour habitude de se livrer à « des ratonnades et des crimes » ; il ferait même plutôt partie de ceux qui, à juste titre, craignent de devenir les victimes d’une nouvelle et grandissante délinquance. Il n’empêche, trop conservateur dans ses mœurs, peu enclin à suivre les préceptes butlériens et, par conséquent, à « multiplier les possibilités d’existence » – c’est-à-dire à se prendre pour autre chose que ce qu’il est, homme ou femme, à se teindre les cheveux en vert ou à vivre en trouple – cet individu-là est, aux yeux de Mme Fautrier, un réactionnaire, un privilégié effrayé par le prétendu « combat anticapitaliste » de Judith Butler, cette « philosophe de l’émancipation ». Ce suppôt du libéralisme, écrit-elle en substance, a du mouron à se faire car « la professeure de Berkeley appelle la gauche à nouer partout les alliances les plus larges possibles pour contrer cette offensive réactionnaire, en associant “la lutte pour les droits et la liberté du genre à la critique du capitalisme” ». Au cimetière londonien de Highgate, il paraît qu’on a vu dernièrement l’imposante tombe de Marx bouger dans tous les sens…
L’éveil de Laure Adler
« Le combat pour la reconnaissance des désirs, des genres, loin des assignations hétéronormées, ne fait que commencer », écrit de son côté, dans Les Inrocks, l’impayable Laure Adler, une des plus éminentes propagatrices de la culture gauchisante et des élucubrations pseudo-intellectuelles en vogue. Selon elle, le dernier opus de Judith Butler est « magistral ». Pensez donc, la théoricienne du genre y analyse « comment des forces d’extrême droite peuvent instrumentaliser des consciences en s’appuyant sur des peurs construites de fin de civilisation car l’ordre patriarcal est menacé ». Laure Adler – qui, soit dit en passant, écrit maintenant ses articles dans un style de plus en plus débraillé et en écriture inclusive – est tombée dans la théorie du genre comme d’autres tombent, parfois tardivement, dans la religion. La lecture des écrits alambiqués de la papesse du genre et de ses cardinaux – Éric Fassin & Co – l’a plongée dans une torpeur intellectuelle qu’elle imagine être un « éveil de la conscience ».
Enivrée par les thèses et le style amphigouriques de la théoricienne idolâtrée et par les purées verbeuses de ses zélateurs, Laure Adler a reçu il y a quelques mois sur France Inter le très butlérien et très transgenré meneur de revues intellectuelles queer Paul B. Preciado. Ce dernier l’envoûta grâce à une formule magique connue des seuls initiés aux nouveaux rites butléro-deleuziens : « La transition est un acte somato-politique de décolonisation, pour essayer d’extraire les instances, donc les technologies de subjectivation, qui essaient de capturer la puissance désirante qui nous habite. » La buée que ce brouillard ésotérique déposa sur les lunettes bleues de la journaliste ne l’empêcha pas d’avoir une vision ; un nouveau commandement s’inscrivit en lettres de feu dans son esprit : « Dorénavant, l’ordre hétéro-patriarco-colonial tu combattras ! » Depuis, l’ex-directrice de France Culture croit dur comme fer que le genre n’est qu’une « construction sociale », que le sexe est « assigné à la naissance », que le patriarcat de souche perdure en France, que les hommes sont élevés dans la « culture du viol », que la « sororité » et le « métissage des genres et des cultures » sauveront le monde et que « la culture queer et trans peut être l’avant-garde du combat contre tout système de domination ». Adhérer, même par pur conformisme, au wokisme, finit par esquinter l’intelligence, quel que soit son niveau initial. L’essayiste qui admira naguère la vie et la pensée de Hannah Arendt ou celles de Simone Weil, affirme aujourd’hui que la dernière entourloupe pseudo-philosophique de Judith Butler « fera date ». Cela aurait pu n’être qu’un égarement momentané. Errare humanum est, perseverare diabolicum, dit-on. Malheureusement, et au grand dam de certains insectes, Laure Adler persévère…
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En plus de prêcher la bonne parole tous les soirs, sur France 5, dans l’émission bienpensante “C ce soir” animée par le très politiquement correct Karim Rissouli, Mme Adler vient en effet de concocter pour La Chaîne Parlementaire (LCP) un programme d’entretiens intitulé “Paroles de femmes”. Les femmes reçues par la journaliste sont conviées à donner « leur vision du féminisme » ; le nom de certaines invitées laisse augurer de grands moments d’ennui, d’irrépressibles bâillements, de possibles somnolences. Le 6 octobre, par exemple, l’invitée a été… Ovidie. L’ex-star du porno reconvertie dans le féminisme a livré à cette occasion, apprend-on sur le site de LCP, ses réflexions sur la « politisation de l’intime qui associe la femme à un sentiment de désir dans la société sexiste qui est la nôtre ». L’assoupissement nous gagne déjà… Profitons de cette pénible expérience pour en appeler solennellement au député Aymeric Caron : ne serait-il pas temps d’ouvrir un véritable débat et d’envisager des mesures énergiques pour que cessent les actes de cruauté sexuelle sur les coléoptères dans certaines émissions de l’audiovisuel public ?
Le 20 octobre, Laure Adler recevra… Mona Chollet, cette autre penseuse de haut vol plané qui estime que « considérée froidement, l’hétérosexualité est une aberration »[1], promeut en ce moment sa dernière production, un nouveau livre plein de vide, comme son précédent, inutile et superflu, comme l’ensemble de son œuvre. Dans Résister à la culpabilisation, Mme Chollet avoue avoir « commencé à entendre des voix dans [sa] tête il y a environ huit ans », alors que, vivant seule dans son appartement, sans avoir à recourir à un travail salarié pour profiter pleinement de la vie, elle était confrontée à des « interrogations existentielles » en même temps qu’à une « conscience aiguë de [sa] situation privilégiée ». Une de ces voix, avoue-t-elle, lui aurait dit à plusieurs reprises : « Ce n’est pas possible d’être aussi conne. » Il n’est pas absolument certain que le passage à l’écriture inclusive dont se vante Mme Chollet adoucisse ce jugement. Il paraît que, lors de son entretien avec Laure Adler, cette autrice « partagera ses réflexions sur les défis actuels du féminisme et interrogera les normes sociales et les mécanismes de pouvoir en place ». D’où notre appel réitéré au député Caron.
Enfin, Laure Adler s’entretiendra le 3 novembre avec… Alice Coffin. Il est prévu que cette dernière explique « comment ses idéaux devraient se traduire en actions concrètes dans la société ». Les coléoptères auront intérêt, plus que jamais, à serrer les miches. Notre ultime appel au député Caron sera, nous en sommes convaincus, entendu – un homme qui n’a pas hésité à s’opposer au meurtre des mamans moustiques ne saurait rester indifférent au sort des coléoptères, des mouches et autres diptères, victimes innocentes des byzantins missionnaires du néo-féminisme et de la religion woke. Halte au massacre !
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[1] Extrait de Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles, 2021, Zones.