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«On n’a pas le droit de s’installer dans la tragédie»

Grand entretien avec Alain Finkielkraut, propos recueillis par Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques


«On n’a pas le droit de s’installer dans la tragédie»
Alain Finkielkraut © Hannah Assouline

Israël est confronté à une guerre d’usure et à une fracturation inédite de sa société. Pour Alain Finkielkraut, on doit en même temps dénoncer l’extrémisme et le cynisme de Benyamin Nétanyahou et combattre l’antisémitisme décomplexé qui sévit partout dans le monde depuis le 7-Octobre.


Causeur. Vous souvenez-vous de votre 7-Octobre ? Comment l’avez-vous appris ?

Alain Finkielkraut. Je revenais d’une conférence à Aix-en-Provence quand j’ai appris, dans le train, qu’il se passait quelque chose de très grave au sud d’Israël. Rentré chez moi, j’ai pris peu à peu conscience de l’horreur. Ce massacre était sans commune mesure avec les tirs de roquettes ou même les attentats-suicides auxquels nous avait habitués la « résistance » palestinienne. Plus de 1 200 morts et 7 500 blessés, dont une très grande majorité de civils, des femmes éventrées après avoir été violées, des vieillards et des enfants assassinés à bout portant, 251 otages et les miliciens du Hamas qui affichaient leur volonté génocidaire – afficher, c’est bien le mot, car à la différence des nazis qui dissimulaient la Solution finale, ils ont filmé et diffusé leurs forfaits.

On a parlé de pogrom, notre ami Aviad Kleinberg parle d’une journée de Shoah. Quels sont vos mots ?

Le 7-Octobre est un gigantesque pogrom commis sur le territoire souverain d’Israël, c’est-à-dire dans le pays conçu pour que ne se produise plus jamais ça. Le message était sans ambiguïté : « Vous les Juifs, jeunes ou vieux, hommes ou femmes, pacifistes ou messianistes, vous n’avez rien à faire sur cette Terre, vous devez disparaître. » Il y a quelques années déjà, le romancier David Grossman écrivait : « Tragiquement, Israël n’a pas su guérir l’âme juive de sa blessure fondamentale, la sensation amère de ne jamais se sentir chez soi dans le monde. » Depuis le 7-Octobre, cette blessure est à vif.

On a beaucoup dit que le 7-Octobre était une bataille dans une vaste guerre de civilisations. Comment définiriez-vous cette guerre (qui contre qui ?) ? Quelles conséquences devrait-on en tirer politiquement et stratégiquement ?

Parler de guerre de civilisations, c’est faire de tout musulman un djihadiste actif ou potentiel. Je me refuse à figer ainsi les choses et à coiffer du beau nom de civilisation le régime des mollahs ou le fanatisme du Hamas. Une chose est sûre, les islamistes ont déclaré la guerre à l’Occident. Si l’État juif – cette « ecchymose qui s’attarde sur l’épaule musulmane », comme disait Jean Genet, compagnon de route poétique des Palestiniens – est la cible principale, cette guerre se déroule également sur notre sol. « L’islam est entré deux fois en Europe et deux fois l’a quittée. Peut-être


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Octobre 2024 - Causeur #127

Article extrait du Magazine Causeur




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Alain Finkielkraut est philosophe et écrivain. Dernier livre paru : "A la première personne" (Gallimard).

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