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Prévisible…

Une analyse d’Aurélien Marq


Prévisible…
Des Palestiniens se regroupent autour d'un véhicule israélien ramené dans la bande de Gaza, Shejaiya, 7 octobre 2023 © Fatima Shbair/AP/SIPA

La mobilisation décomplexée de l’antisémitisme, après le 7-Octobre, était tragiquement prévisible. En France, beaucoup commencent à penser que des atrocités similaires pourraient un jour se produire ici, voire que cela a déjà commencé à plus petite échelle. Une tribune libre d’Aurélien Marq, auteur de l’essai Refuser l’arbitraire: Qu’avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ? (FYP éditions, 2023)


Le 7-Octobre, la « cause palestinienne » a brûlé ses vaisseaux. L’horreur, la jouissance dans l’horreur, et la jubilation de proclamer cette horreur et cette jouissance à la face du monde. Le Hamas n’a pas seulement tué, torturé et violé, il a tué, torturé et violé ses victimes sous les yeux de leurs proches, et il a joui des souffrances psychologiques et de la déshumanisation qu’il infligeait, autant que des souffrances physiques et de la destruction. Et il en a été fier. Et il en a été applaudi. Les hideux cris de joie accompagnant l’exhibition du corps dénudé et désarticulé de Shani Louk à l’arrière d’un pick-up, sont la négation absolue de toute aspiration à la civilisation. Le 7-Octobre a été une apologie assumée de la barbarie et du mal. Et c’est précisément pour ça, à cause de cette radicalité dans l’abjection, que le 7-Octobre a provoqué une mobilisation sans précédent en faveur de la « cause palestinienne » et de tout ce dont elle est devenue le nom, le masque, le prétexte.

Inversion victimaire

On aurait pu espérer le contraire. On aurait pu espérer que l’ampleur des crimes commis suscite un élan mondial de sympathie envers leurs victimes, envers le peuple juif, envers Israël, et envers la religion juive. Que l’Autorité Palestinienne et les responsables religieux musulmans, partout, condamnent le pogrom et ses auteurs, désavouent le Hamas, et apportent leur aide pour les traquer, les livrer à la justice israélienne, et délivrer leurs otages. Cela aurait évité la guerre, et ses cortèges tragiques de victimes innocentes. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Et malheureusement, c’était prévisible.
Prévisible, car en se faisant l’antithèse assumée de tout ce qu’il y a de noble dans la civilisation helléno-judéo-chrétienne, le 7-Octobre a brûlé les vaisseaux de tous ceux qui ont choisi le camp de la « cause palestinienne », qu’ils soient sincèrement préoccupés par le sort des Gazaouis (il y en a sans doute, mais pourquoi n’ont-ils jamais dénoncé les crimes commis par le Hamas contre la population de Gaza ? Pourquoi ne dénoncent-ils les morts civils des guerres que quand cela leur permet d’accuser Israël ou l’Occident ?), qu’ils soient islamistes, animés par l’antisémitisme, impatients de fédérer à leur profit le « Sud global », ou « décoloniaux » inspirés par la haine de l’Occident et/ou des Blancs. Ils ne pouvaient que renier cette cause, ou s’engager dans la surenchère. Mais renier la cause, c’était reconnaître le droit d’Israël et de l’Occident à exister – impossible ! Et c’est probablement ce sur quoi comptait le Hamas, en plus d’avoir flatté les instincts les plus barbares de tous ceux dont l’imaginaire déborde de razzias, tous ceux qui rêvent de faire ce qu’ont fait le 7-Octobre les hordes qui hurlaient « Allah akbar », mais qui n’osent pas (pas encore ?) passer à l’acte. Une telle radicalité dans le sadisme ne pouvait que polariser radicalement: c’est tout ou rien.

La combativité d’Israël et nous

Prévisible, aussi, car tous ceux qui répètent en boucle aux Occidentaux que la seule réponse acceptable aux agressions est de dire « vous n’aurez pas ma haine » sont soudain réduits à rien par l’exemple de la combativité d’Israël, ce petit morceau d’Occident qui n’est pas prêt à offrir son peuple en sacrifice sur l’autel de la bien-pensance.
Georges Bensoussan l’a noté avec lucidité dans un récent article1« les Israéliens insupportent nombre d’intellectuels occidentaux parce qu’ils sont la preuve vivante de leur défaite morale. Ils se battent, eux ne se battent plus. Ils constituent un état nation, eux vomissent la nation. Ils revendiquent une identité forte, eux la criminalisent. L’existence d’Israël et sa défense opiniâtre sont comme un reproche vivant adressé à une partie des Occidentaux: les Israéliens sont ce que nous regrettons de ne plus être. » Aux yeux de certaines soi-disant « élites », c’est même pire que ne l’écrit l’historien : Israël n’est pas qu’un reproche, c’est une menace existentielle, car sa détermination et ses victoires risqueraient d’inspirer aux peuples occidentaux de ne plus accepter, eux non plus, qu’on viole et qu’on massacre leur civilisation ou leurs enfants, et de relever la tête. Voilà probablement le ressort de la prise de position effarante d’Emmanuel Macron, appelant deux jours avant l’anniversaire d’un pogrom innommable à un cessez-le-feu dont la conséquence évidente serait de permettre au Hamas, au Hezbollah et aux Mollahs de reconstituer leurs forces. Ne l’oublions pas, tout ce qui vise à retourner à la situation du 6 octobre vise en réalité à permettre de nouveaux 7-Octobre.
Une France capable de défendre ses enfants contre ceux qui les violent et les égorgent serait aussi capable de se défendre contre ceux qui œuvrent à abolir la décence commune à force de multiculturalisme, de tiers-mondisation et de « fabrique du crétin ». « Vous n’aurez pas ma haine » n’est pas un appel à la paix, mais à un désarmement unilatéral, c’est-à-dire à la soumission. Shani Louk et Philippine, même combat ?


  1. https://www.lefigaro.fr/vox/monde/georges-bensoussan-le-7-octobre-a-reveille-en-israel-la-peur-existentielle-de-l-aneantissement-20241003 ↩︎




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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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