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Comment briller dans vos dîners en ville en parlant des nouveaux ministres

19 ministres, 15 ministres délégués et 5 Secrétaires d'État. Moyenne d'âge : 52 ans


Comment briller dans vos dîners en ville en parlant des nouveaux ministres
De gauche à droite, Alexandre Portier, Nicole Belloubet (de dos) et Anne Genetet, ministère de l'Éducation nationale, Paris, 23 septembre 2024 © J.E.E/SIPA

Une fois après avoir dit comme tout le monde que ce nouveau gouvernement, c’était beaucoup de bruit pour rien, vous marquerez des points en ayant un commentaire politique précis pour chaque membre du nouveau casting de MM. Barnier et Macron… Les fiches de Céline Pina qui suivent vous permettront de faire forte impression.


Le gouvernement le plus à droite depuis les gouvernements Fillon ! Voilà comment une partie de la presse présente l’équipe de Michel Barnier. Le plus drôle c’est qu’il n’y a aucune réalité concrète derrière cet affichage outrancier visant à induire l’idée que la réaction est au pouvoir. D’abord parce que les personnalités en question sont loin d’être des boutefeux et des extrémistes, ensuite parce que les réalités mathématiques sont têtues : ce gouvernement n’a pas de majorité et sa longévité est tributaire du bon vouloir de son opposition, ce qui rend d’emblée caduque l’espoir de rivaliser avec Mathusalem.

Technique et politique

La liste des ministres du gouvernement Barnier contient très peu de noms connus des Français, y compris parmi ceux qui sont en haut de la liste protocolaire. Cela dit tout du déclin de la politique et de la fonction ministérielle. Avant, devenir ministre était soit un bâton de maréchal, soit la reconnaissance d’un parcours politique intéressant, d’une capacité à faire partager une vision, une ambition ou tout du moins une réforme. Aujourd’hui cela devient un premier poste, une sorte de phase de test ; on assiste à la prise de pouvoir de l’équipe réserve. D’où la domination des profils techniques : les noms d’école prestigieux mis en avant remplacent l’expérience et la connaissance des hommes. Ils permettent d’afficher une compétence sans jamais se poser la question de savoir si elle est utile et adaptée au rôle. Or Emmanuel Macron a montré à quel point les gouvernements techniciens ne sont pas meilleurs que les autres, voire accentuent le déclin faute de gouvernail avant tout mais aussi de finesse dans la connaissance des réalités humaines et territoriales. La gestion, même en bon père de famille, si elle n’est pas à négliger, n’est ni un projet, ni un avenir. Voilà pourquoi elle relève de l’administration et non de la politique.

A ce triste constat en train de devenir structurel, s’ajoute un élément conjoncturel fort. Personne ne pense qu’Emmanuel Macron a encore un destin et trop de monde doute qu’il ait même encore un avenir. Pour autant, il est là. Tout sauf discret, tout sauf capable de retenue et de discernement dans la conduite. Il veut tellement être au centre du jeu que gouverner avec ce président-là, c’est être réduit à servir sa communication, c’est accepter la mission au nom de la France pour terminer dans des affrontements stériles avec un étourdi et sa côterie… D’autre part, la petite musique du président empêché de finir son mandat est dans toute les têtes et si cette attente ne se réalise pas, tout le monde a compris que lier son sort au sien, c’était se retrouver disqualifié lorsque les cartes seront rebattues. Il y a donc peu d’espoir que l’engagement aboutisse à quelque chose et beaucoup de chances qu’il nuise aux ambitions ultérieures. Cela, les politiques le savent.

Mission impossible, si vous l’acceptez : le budget

Cette équipe mélange donc personnalités aux profils de techniciens et grands élus locaux. Ceux qui n’ont rien à perdre à acquérir un peu de notoriété, et savent qu’on ne leur fera pas grief s’ils échouent là où personne ne s’attendait à ce qu’ils réussissent. Sa composition sur la forme est donc des plus classiques. On y retrouve la nécessité de nourrir chacun des courants de la coalition et on y affiche l’importance de l’ancrage territorial, mais il y a fort à parier que ce gouvernement ne devrait rien changer à la situation de blocage du pays tant on voit mal de quels leviers il dispose. L’absence des grands leaders le dit, ils sont déjà sur le coup d’après et misent sur l’échec. L’appel à la responsabilité politique ne devrait permettre que l’accouchement d’un budget technique. En la circonstance, ce ne sera déjà pas si mal. En attendant, petite revue de détail de nos nouveaux ministres.

• Didier Migaud (divers gauche), garde des Sceaux, ministre de la Justice. L’ancien membre du PS nommé président de la Cour des comptes par Nicolas Sarkozy était jusqu’alors, à la direction de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il est premier dans l’ordre protocolaire et cela porte un message : il faut faire oublier que les vieilles gloires de la gauche, à l’époque où elle était républicaine, ont toutes refusé de monter sur le Radeau de la Méduse. Ces derniers ont dû probablement manquer le fait que les marins et passagers qui avaient choisi le banc de sable au lieu du radeau ont eu un sort tout aussi funeste… En attendant, la participation de M. Migaud au gouvernement est brandie comme un trophée ; l’homme s’est fait surtout connaitre comme un technicien très compétent, faisant passer son devoir avant l’idéologie et refusant le sectarisme. Il a une expérience politique réelle : maire de Seyssins (38), président de la métropole de Grenoble, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, président de la commission des Finances… Il a été positionné symboliquement en premier en signe de respect, pour donner également des gages à la « gauche » de la macronie ; la position prestigieuse ayant pour but de faire oublier que le compte n’y est pas et que cette équipe est orientée à droite. Le problème c’est que le rassemblement autour d’Emmanuel Macron est plus un fan club qu’un parti : il n’a ni doctrine ni ligne de force. A tel point que pour exister ce collectif crée des dangers imaginaires, tout en enfonçant la tête dans le sable face aux dangers réels. Gabriel Attal fait ainsi comme si la droite menaçait les droits LGBT, ceux des femmes ou la PMA, alors même que c’est l’alliance de la gauche avec les islamistes qui leur fait courir le plus grand risque. Résoudre des problèmes qui n’existent pas permet de triompher aisément. Voilà pourquoi Gabriel Attal fait toute cette communication et s’attaque à des moulins à vent en les faisant passer pour une armée de réactionnaires. Être protecteur de ce qui n’est pas attaqué permet de brandir un bon bilan de défenseur de place forte et de se construire une image de chevalier blanc sans prendre le moindre coup. Le risque : ne pas échapper au ridicule…

En attendant, le duo Migaud / Retailleau rappelle le tandem Darmanin / Dupond-Moretti où, afin de rassurer le microcosme bobo, l’affichage de l’autorité incarnée par Darmanin était contredit par l’image progressiste et laxiste de l’ancien avocat de la défense. Le retour de cette forme de politique à la Gribouille montre à quel point le président et son entourage n’ont toujours rien compris aux attentes des Français. Sans compter que c’est faire revêtir à Didier Migaud un rôle dont il pourrait modifier les contours. Il en a les capacités.

• Catherine Vautrin (divers droite), ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation. L’ex-ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités (de janvier à septembre), longtemps députée de la Marne, a rejoint Emmanuel Macron en 2022 mais vient à l’origine de la droite. Elle fut pressentie comme Premier ministre en remplacement de Jean Castex en 2022, mais son opposition à la loi « Mariage pour tous » lui a alors valu une bronca de l’aile gauche du parti macroniste. Elle est en deuxième position pour envoyer un message fort aux élus locaux et aux pouvoirs intermédiaires, ignorés ou instrumentalisés sans que cela ne débouche sur rien (rappelons-nous d’Emmanuel Macron se mettant en scène en majesté alors qu’il était censé écouter leur expertise après la crise des gilets jaunes).

• Bruno Retailleau (Les Républicains), ministre de l’Intérieur. Chef du groupe LR au Sénat, élu de Vendée. C’est un des rares, si ce n’est le seul, poids lourd du gouvernement. Il est positionné à un poste stratégique. Cet homme, encore peu connu, est un politique travailleur et courageux. Il a pris des positions très fermes sur l’islamisme. Il s’est opposé au Mariage pour Tous, ce qui a l’art de rendre fou les socialistes qui ont fait de cette réforme sociétale sans grand impact, une épopée épique et une référence majeure, sans se rendre compte qu’au fond elle était facilement rentrée dans les mœurs et que la combattre n’est une priorité pour personne. Il a également voté contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Or ce vote ne signifie pas le rejet de l’IVG en soi. Un certain nombre de parlementaires ont refusé de se prêter à une mise en scène où le gouvernement prétendait sanctuariser un droit qui n’était pas attaqué en l’inscrivant dans une Constitution dont ce n’est pas l’objet puisque celle-ci est censée traiter de l’organisation des pouvoirs… M. Retailleau a pris des positions très claires sur l’immigration et est en phase avec les attentes des Français sur cette question comme sur le dossier préoccupant de l’islamisation. Ce sont surtout ces questions-là qui inquiètent en réalité une gauche très compromise avec les réseaux et une partie de l’idéologie islamiste dont elle reprend les éléments de langage. Mais comme il serait impopulaire de porter le fer sur ces questions-là, à moins d’être LFI et d’avoir totalement sombré dans l’islamogauchisme, l’aile gauche du parti macroniste préfère concentrer ses critiques sur des soupçons d’homophobie peu avérés.

• Anne Genetet (Renaissance), ministre de l’Education nationale. Elue des Français établis en Europe de l’Est, Asie et Océanie, ancienne vice-présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale. Surtout connue pour avoir travaillé sur les sujets de défense et de diplomatie, elle a obtenu le poste grâce à ses liens avec Gabriel Attal, lequel voulait montrer qu’il gardait un peu la main sur certains secteurs. Cela montre surtout qu’il est dégarni en ressources puisque dès la nomination de la ministre, les syndicats ont mis en avant une forme d’illégitimité liée à sa totale méconnaissance d’un secteur très compliqué. Chasser le mammouth ne s’improvise pas, l’apprivoiser non plus ! D’autant que la ministre ne fait pas preuve de retenue ni de discernement, s’en étant pris à Bruno Retailleau avec véhémence dans les médias alors que vendredi son nom tournait déjà comme probable ministre de l’Intérieur. Mais Madame Genetet ne fait que correspondre au nouveau profil politique-type, lequel ne s’affirme plus par ses actions et ses réalisations mais en faisant de son adversaire un repoussoir. Une posture qui promet, alors que l’Education nationale va de mal en pis, que le niveau ne cesse de chuter et que l’institution souffre de la démagogie persistante des syndicats dont les critiques se concentrent uniquement sur le manque de moyens, tandis que les parents d’élèves s’interrogent surtout sur l’absence d’exigence, de discipline et de résultats dans les établissements scolaires, et en ont marre de voir des enseignants recrutés à des niveaux de plus en plus bas.

• Jean-Noël Barrot (MoDem), ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Ancien ministre délégué chargé du Numérique (2022-2024), puis ministre délégué chargé de l’Europe (février-septembre). Le fils de Jacques Barrot est très peu connu du grand public. Il occupe une position délicate : la diplomatie est vue par Emmanuel Macron comme sa chasse gardée bien que cet art soit sans doute bien mieux maitrisé par son nouveau Premier ministre. Affaibli, le président n’en est que plus ingérable, et le secteur de la diplomatie risque de pâtir des tensions qui devraient rapidement se faire jour au sein de l’exécutif. Jean-Noël Barrot est inconnu du grand public et n’est crédité d’aucune réalisation marquante, mais il est jeune (41 ans) et pourrait surprendre.

• Rachida Dati (divers droite), ministre de la Culture et du Patrimoine. Tout récemment exclue des Républicains lorsqu’elle a choisi de rejoindre Emmanuel Macron (janvier), la ministre de la Culture retrouve tous ses petits camarades de droite qu’elle n’a jamais épargné. Ambiance. Mais, ceux-ci sont habitués à son caractère affirmé. Mme Dati garde le même ministère, gage d’efficacité dans les futures négociations budgétaires. Elle en aura besoin, les dossiers chauds ne manquent pas dans le secteur : crise du spectacle vivant, pluralisme politique dans l’audiovisuel public, difficultés à faire vivre la culture en zones rurales, polémique annoncée sur les vitraux de Notre-Dame…

• Sébastien Lecornu (Renaissance), ministre des Armées et des Anciens Combattants. Ministre des Armées depuis mai 2022. C’est un des rares ministres à avoir été maintenu. Comme Rachida Dati, il vient des LR et retrouve donc des visages connus dans le nouveau gouvernement. Accompagnant la hausse des crédits liés aux Armées, l’homme est apprécié des militaires. Le ministère est d’ailleurs très technique, l’aspect politique sur les questions militaires relevant du président. C’est donc un ministère plutôt tranquille, même si les tensions internationales s’exacerbent. Heureusement, la défense nationale n’est pas un sujet qui prête à polémiques politiciennes.

• Agnès Pannier-Runacher (Renaissance-Territoires de Progrès), ministre de la Transition écologique, de l’Energie, du Climat et de la Prévention des risques. Elle a été de tous les gouvernements depuis 2017. Sa nomination pourrait être l’occasion d’envoyer un message d’engagement à la filière nucléaire, son positionnement pro-nucléaire étant un des fils rouges de son engagement gouvernemental.

• Antoine Armand (Renaissance), ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Député de Haute-Savoie et ancien président de la commission des Affaires économiques à l’Assemblée nationale. Comme tant de membres de l’entourage d’Emmanuel Macron, il a lui aussi un profil de technicien. L’homme est très jeune (33 ans), pèse peu et n’a pas d’histoire politique. La nomination de M. Armand marque une relative perte du poids politique de Bercy et de l’importance de son ministre, après le départ de Bruno Le Maire. Elle annonce une implication très forte du Premier ministre sur les questions budgétaires et économiques. Cette nomination peut être comprise comme une façon de dire en creux qu’il s’agit ici de mettre en place un budget de transition, en attendant que les choses sérieuses commencent. Certes, avec le niveau de notre dette, de notre balance commerciale et des coupes budgétaires à réaliser, la tergiversation n’est guère de mise, mais sans majorité il est difficile de faire des choix ambitieux. Un profil technique n’est donc pas un choix incohérent.

• Geneviève Darrieussecq (MoDem), ministre de la Santé et de l’Accès aux soins. Ancienne ministre déléguée chargée des Personnes handicapées (2022-2023), elle hérite d’un ministère en crise continue depuis des années. L’accès à un parcours de soins devient de plus en plus compliqué en secteur rural et périurbain. Inutile de dire que la fragilité de la « coalition » à laquelle appartient Mme Darrieussecq ne fait attendre guère d’avancées sur le secteur.

Une armée de petits profils techniques

• Paul Christophe (Horizons), ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Egalité entre les femmes et les hommes. Président de la commission des Affaires sociales, ce proche d’Edouard Philippe présente également un profil technique.

• Valérie Létard (UDI), ministre du Logement et de la Rénovation urbaine. Ancienne députée du Nord, ancienne vice-présidente du Sénat, secrétaire d’Etat sous la présidence de Nicolas Sarkozy. C’est une femme expérimentée, qui connait ses dossiers. Mais c’est la même chose que pour le poste précédent : son profil reste très technique.                                   

• Annie Genevard (Les Républicains), ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt. La codirigeante par intérim du parti Les Républicains, ancienne prof de lettres classiques et députée du Doubs depuis 2012, décroche son premier ministère à 68 ans.

• Astrid Panosyan-Bouvet(Renaissance), ministre du Travail et de l’Emploi. Premier poste de ministre pour la députée de Paris qui se signale dans l’hémicycle par son travail sur le fond et son courage sur les sujets de laïcité, d’islamisme, d’égalité hommes/femmes.

• Gil Avérous (divers droite), ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative. Ancien maire de Châteauroux (Indre), il a quitté LR en 2023

• Patrick Hetzel (Les Républicains), ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. L’ex-directeur général de l’Enseignement supérieur de 60 ans, député du Bas-Rhin, a été conseiller éducation de François Fillon, à Matignon.

• Guillaume Kasbarian (Renaissance), ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l’action publique. Ancien ministre du Logement (février-septembre). Reconnu pour sa compétence sur son précédent secteur.

• François-Noël Buffet (Les Républicains), ministre auprès du Premier ministre, chargé des Outre-mer. Ancien sénateur du Rhône et président de la commission des Lois du Sénat.

• Laurent Saint-Martin (Renaissance), ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. 




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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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