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Pour notre bonheur, le réalisateur Laurent Firode est sur tous les fronts


Pour notre bonheur, le réalisateur Laurent Firode est sur tous les fronts
Laurent Firode D.R.

Après avoir aidé à la révélation des manigances de l’industrie cinématographique française dans un livre d’entretiens avec des gens du métier, Laurent Firode a réalisé une merveilleuse comédie poétique.  


Dernièrement, sur le plateau de Quotidien, le député corrézien François Hollande a expliqué comment son actrice de femme, Julie Gayet, lui avait ouvert les yeux sur les inégalités entre les hommes et les femmes dans le cinéma : « Les actrices, c’est comme s’il y avait une limite, notamment à 50 ans. On remarque qu’elles deviennent tout de suite des mères et des grand-mères. » C’est bien triste ! Durant cette émission, la chroniqueuse Ambre Chalumeau a évoqué la « placardisation des actrices de plus de 50 ans ». Sur la radio publique, Julie Gayet s’émouvait déjà, il y a un an, du fait que « les femmes de plus de 50 ans sont sous-représentées sur nos écrans ». Et patati, et patata.

Les fables de la grande famille du cinéma

Pour Main basse sur le cinématographe, livre paru aux éditions de La Mouette de Minerve, l’écrivain Bruno Lafourcade et le réalisateur Laurent Firode ont réuni quatre professionnels du cinéma – une comédienne, un technicien, une scénariste également documentariste et un cinéaste – et ont soumis à leur réflexion les lieux communs, les fables et les histoires qui encombrent le milieu cinématographique ou télévisuel, à partir de déclarations d’acteurs et de producteurs. Entre autres drôleries, celles-ci : « Même si mes parents sont des stars, ils ne m’ont pas aidé à percer ». « Les films ne bénéficient pas d’argent public. » « Le cinéma est une grande famille. » « Les acteurs sont fragiles. » « Les actrices ne trouvent plus de rôle après 40 ans. » Comme les précédentes, cette dernière assertion a beaucoup amusé les invités de Lafourcade et Firode, en particulier le cinéaste Camille D. : « Ça, c’est vraiment hilarant, parce que c’est exactement le contraire. Toutes les vedettes refusent de jouer des femmes de leur âge, et même de leur génération. Elles veulent toutes un rôle où elles paraissent plus jeunes : elles ne veulent pas se voir en femmes âgées, parce que la vieillesse, dans leur esprit bourré de préjugés imbéciles, est une déchéance. La ségrégation par l’âge, c’est elles qui le pratiquent. » Cette hantise de l’âge fait le bonheur des chirurgiens esthétiques et, souvent, le malheur des visages déformés par le Botox et les liftings jusqu’à devenir, au dire d’un réalisateur, « infilmables ». Des actrices de 60 ans refusent de jouer les mères d’actrices de 40, au prétexte qu’elles font « plus jeunes » que ces dernières, ou désirent jouer des rôles de femmes enceintes d’hommes de trente ans. « La vieillesse n’est pas dans mes projets », affirme l’une d’elles. 

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Main basse sur le cinématographe massacre avec beaucoup d’humour les fables colportées par les professionnels du cinéma industriel. En plus de celles sur ces pauvres actrices soi-disant ostracisées à cause de leur âge, il y a celles sur les « fils de » et les « filles de » – il n’y en a jamais eu autant que ces vingt dernières années – qui se sont soi-disant faits tout seuls. La seule citation de la néantissime Léa Seydoux, fille, petite-fille et petite-nièce de personnes issues de deux des plus grandes familles de la bourgeoisie d’affaires françaises, dont certaines extrêmement influentes dans le cinéma, éclaire sur l’indécence et la bêtise de ces nantis qui aimeraient faire croire qu’ils ont du talent et qu’ils ont dû surmonter les plus grandes difficultés pour en faire profiter les spectateurs : « C’est la rue qui m’a éduquée. D’une certaine manière, je me suis élevée moi-même. J’avais toujours l’impression d’être orpheline. Je n’avais aucune structure. J’étais mal fagotée avec des chaussures trop petites. Et j’avais des poux. » Dans un autre genre, on se souviendra, ou pas, de la réalisatrice de Seize Printemps, navet vu par… 13 000 spectateurs. Comment se nomme la très jeune réalisatrice et actrice principale de cette daube narcissique que même Télérama a éreintée en s’interrogeant sur sa mystérieuse sélection à Cannes, en 2020, en compétition officielle ? Suzanne Lindon, fille de Vincent Lindon et de Sandrine Kiberlain.

Version 1.0.0

J’aurais voulu être un artiste, pour pouvoir faire le numéro du CNC

De nombreux passages de ce livre sont également consacrés à l’argent public déversé sur l’industrie du cinéma par les départements, les régions, les ministères, la télévision publique et, bien sûr, le CNC et ses… cinquante commissions qui sont autant de robinets à fric – aides à l’écriture de scénarios, aides sélectives à la production, aides à l’écriture du jeu vidéo, aides à l’innovation en documentaire, aides à la fiction et à l’animation, aides “Images de la diversité”, etc. – et qui sont toutes présidées par des écrivains, réalisateurs, acteurs ou journalistes ayant pignon sur rue et favorisant parfois, sans aucune gêne, les projets des propres membres des commissions en question. Au nom de « l’exception culturelle », BHL, Rokhaya Diallo et de nombreux réalisateurs de bides retentissants sur les migrants, les banlieues ou le racisme dans la police, ont ainsi profité des largesses des institutions publiques, du CNC et même d’entreprises privées qui bénéficient alors d’une réduction d’impôts. Camille D. : « On ne cherche pas d’argent pour monter un film, on cherche une idée de film pour obtenir de l’argent. […] Donc, un producteur consulte les aides du CNC, des régions, etc., puis il appelle un cinéaste : “J’ai besoin d’un pitch de dix lignes sur la mixité dans les territoires avec dans le rôle principal une racisée amoureuse d’un djihadiste blanc : j’envoie le projet à la région Nord-Pas-de-Calais, à la fondation Benetton et à la commission Images de la diversité”. » Et peu importe que le film soit nul et ne soit vu par personne, puisque tout le monde a déjà été payé, des producteurs au réalisateur, de la star aux petites mains, ces fameux intermittents du spectacle exploités par un système industriel profitant abusivement des aides financières publiques.

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Quant au mythe de « l’artiste fragile et torturé », le réalisateur Camille D. le brise d’une phrase : « Je n’ai jamais connu d’acteurs fragiles, je n’en ai connu que des féroces. » Féroces, surtout, au moment d’obtenir un rôle, d’écarter un concurrent, de négocier le montant de la prestation puis de demander des aménagements particuliers pendant le tournage. Les mêmes sont pourtant particulièrement émotifs devant les journalistes. La misère du monde les concerne. Ils sont solidaires (des pauvres, des migrants, des femmes, des victimes du Covid, des SDF, etc.). « Je passe ma vie à écouter les autres », déclare Sophie Marceau au magazine Vogue. Et puis, ils veulent « sauver la planète », comme de bien entendu. Durant la crise du Covid, pendant une promenade « dans la nature » qui l’a visiblement chamboulée, l’actrice Audrey Dana s’est filmée en pleurs et tenant des propos hallucinants de niaiserie mais caractéristiques des faibles d’esprit adeptes de cette nouvelle religion de bazar qu’est l’écologie : « J’essaie d’envoyer de la lumière partout, le plus possible. Moi, j’ai personne qui meurt du coronavirus dans mon entourage. Mais j’ai mal à ma Terre. J’ai mal à ma Terre ! Je prie pour notre Terre, si fort, si fort, si fort  ! » Il y a des gens qui n’ont honte de rien : Audrey Dana a osé poster ce bredouillis insane sur son compte Instagram !


Changement radical de décor. Après sa formidable trilogie sur Le Monde d’après, Laurent Firode a réalisé une très réjouissante comédie poétique intitulée Ce qui se voit et ce qui ne se voit pas. Budget riquiqui mais imagination débordante, savoir-faire total, acteurs et actrices formidables. Résultat : une création qui nous enchante et nous fait oublier les entreprises d’abrutissement ou de propagande du cinéma industriel. En exergue de ce film, une citation de G.K. Chesterton : « Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles mais uniquement par manque d’émerveillement. » Émerveillés, tous les personnages de ce poème cinématographique le seront, d’une manière ou d’une autre. Et les spectateurs avec eux. Dès le début, la magie opère : le charme puissant d’une vieille dame rencontrée par hasard sur le banc d’un square à Montmartre embarque une mère et sa fille trentenaire vers un monde mystérieux. Au gré des vicissitudes ordinaires de la vie, d’autres personnages découvrent le monde invisible qui les entoure ainsi que celui que chacun porte en soi, l’immense continent des rêves, des sentiments réfrénés, des émotions enfouies et des terreurs enfantines. Faire redécouvrir le caractère extraordinaire des choses ordinaires, telle était l’ambition de Chesterton. Telle est celle de Laurent Firode qui, dans son film, prête à de simples objets des destins singuliers – un pendule, un singe en peluche, une boîte d’allumettes servent ainsi de jalons dans le dédale d’existences où le visible et l’invisible, le connu et l’inconnu, le réel et le rêve se mêlent. Les motifs d’émerveillement sont innombrables. Envoûtants ou insondables, ils illuminent miraculeusement de fugaces événements qui changent le cours de notre vie sans que nous le sachions toujours. Car il y a ce qui se voit mais aussi ce qui ne se voit pas et ne se laisse parfois deviner qu’à travers ces furtifs et merveilleux ou déroutants instants. Laurent Firode a imaginé quelques-uns de ces instants magiques et réalisé un film délicat, surprenant, tendre et parfois cruel, comme le sont souvent les contes, teinté d’humour et de poésie – un film idéal, donc, pour tenter de réenchanter le monde.  


Main basse sur le cinématographe

Price: 14,90 €

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Info : Ce qui se voit et ce qui ne se voit pas n’est visible pour le moment qu’à l’espace Saint Michel, 7 place Saint Michel, Paris 7.

Le DVD de ce film ainsi que celui de la trilogie Le Monde d’après sont en vente ici :

https://t.co/hAYbonvbV8



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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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