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Omar Harfouch: «La musique peut être un appel à l’action»

Le pianiste et homme d’affaires franco-libanais donne un concerto pour la paix le 18 septembre, au Théâtre des Champs-Elysées


Omar Harfouch: «La musique peut être un appel à l’action»
Omar Harfouch. Photo DR.

Inspirée par le parcours personnel du pianiste et homme d’affaires d’origine libanaise Omar Harfouch, la tournée internationale qui débute se veut une plateforme promouvant la paix et le dialogue interculturel, en transformant l’émotion musicale en engagements concrets pour la paix dans le monde. L’optimiste entrepreneur explique ici sa démarche.


Que peut l’art face aux souffrances de l’humanité ? Rien, balaieront les fatalistes et défaitistes ; tout, répondront les idéalistes. Et si la réponse à cette question digne d’un sujet de philosophie du baccalauréat était, comme souvent en pareille circonstance, à chercher dans la nuance ? Et si, de la même manière que toute forme d’art est, en fonction de son histoire, de sa culture ou de sa sensibilité personnelle, perçue différemment par chaque être humain, le pouvoir de guérison de l’art dépendait, d’abord et avant tout, de la manière dont chacun et chacune d’entre nous crée ou reçoit telle ou telle expression artistique ?

Une œuvre née de l’adversité

C’est cette dernière approche qui, pour le pianiste et compositeur que je suis, s’impose comme une évidence. Né dans un Liban en proie à la guerre civile, c’est dans cette expérience ô combien personnelle et intime de la souffrance humaine que je puise mon inspiration – et comment pourrait-il en être autrement ? Petit garçon, le piano a été mon refuge. Un abri de bois et de cordes derrière lequel l’enfant se calfeutrait en attendant la fin des bombardements. Mais aussi, et surtout, une planche de salut, chaque note apprise en autodidacte s’échappant de l’instrument pour mieux fuir la guerre et panser les blessures, physiques comme émotionnelles, d’un enfant, d’une famille et d’un pays tout entier.

Plus tard, bien plus tard, le destin a bel et bien permis au jeune Omar de quitter, réellement cette fois, cette terre libanaise martyrisée par les hommes. De se réaliser ailleurs, sous d’autres cieux, en Russie, en Ukraine puis en France. Et si la vie et le travail lui ont offert de s’élever au-dessus de sa condition d’origine, jamais l’enfant en lui ne s’est tu. Jamais l’enfant de Tripoli n’a oublié. Jamais les yeux de l’adulte ne se sont détournés de la souffrance, de la division et de la guerre qui ravagent, aujourd’hui plus que jamais, notre monde. C’est de ce parcours, singulier, et de cette sensibilité, personnelle, qu’est né le Concerto pour la paix.

Un message universel de paix

Présentée en première mondiale le 6 mars dernier au Théâtre de Béziers, cette composition pour piano, violon et orchestre se propose, en un unique mouvement de 17 minutes, de transfigurer la douleur du passé en un appel à l’unité et à la réconciliation. Arrangé avec la complicité de mon ami d’enfance Houtaf Khoury, le Concerto pour la paix a été imaginé, dès sa conception orchestrale, comme un reflet du monde pacifié que nous voulons voir advenir ; c’est pourquoi nous avons tenu à ce que des instruments originaires du Moyen-Orient côtoient, au sein même de l’orchestre, les violons et autres instruments à cordes et à vent de la musique classique occidentale. Comment, autrement dit, transmettre un message de paix et d’harmonie si celles-ci ne règnent pas, d’abord, entre les musiciens sur scène ?

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Il est impossible, pour les membres d’un orchestre quel qu’il soit, de connaître personnellement et intimement l’ensemble des musiciens avec lesquels ils jouent. Mais il leur est tout aussi impossible, sinon davantage, de jouer ensemble s’ils ne s’écoutent pas, s’ils ne se respectent pas mutuellement, s’ils n’embrassent pas leurs différences – ethniques, religieuses, politiques, etc. Un équilibre fragile, mais un équilibre possible : c’est cette sensation, cette vision, cet espoir que notre Concerto entend, à travers l’émotion musicale, véhiculer au public. Pour que cette émotion se transforme, espérons-le, en actions tangibles. Pour qu’elle inspire, chez celles et ceux qui la reçoivent – et notamment chez les dirigeants politiques –, des projets de réconciliation, de pardon et de paix.

De l’émotion à l’action

L’art n’a pas à être politique, s’écrieront les puristes. Ce serait oublier, pour ne parler que du domaine musical – et sans bien sûr me comparer à ces illustres figures – qu’en leurs temps Chopin, jouant La Polonaise quand le tsar russe entrait en Pologne, ou Tchaïkovski, défiant Napoléon avec son Ouverture solennelle 1812, ne tremblaient pas devant la politisation de leur musique. Réunis le 18 septembre au Théâtre des Champs-Élysées, les quelque 300 décideurs, diplomates et personnalités influentes qui assisteront au Concerto pour la paix seront, à leur tour, appelés à s’engager, très concrètement, pour un monde pacifié.

C’est aussi dans cette perspective que j’ai souhaité inscrire la tournée internationale qui suivra le concert parisien, conçue comme une plateforme encourageant la paix et le dialogue interculturel. Dans cette perspective encore que nous jouerons, en décembre, devant l’assemblée des Nations Unies de Genève. Et dans cette perspective, toujours, que nous poursuivrons : au Vatican, à Shangaï, devant le parlement italien et partout où les femmes et hommes de bonne volonté se montreront prêts à ouvrir leur cœur – à la musique, à l’autre, à la possibilité, toujours remise sur l’établis, d’un monde meilleur. Parce que la paix devient urgente. Que les artistes ne peuvent se taire. Et que nos dirigeants ne peuvent refuser d’entendre.



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