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Peut-on encore être galant?

Les rapports de séduction sont bousculés par Metoo. La presse féminine et les militantes sont ravies


Peut-on encore être galant?
"Le Verrou" Jean Honoré Fragonard - Musée du Louvre D.R

Le féminisme devient de plus en plus stupide. La preuve avec le nouvel ouvrage de Jennifer Tamas, Peut-on encore être galant ?, qui pense apparemment qu’il faut au moins voter Zemmour pour continuer de tenir la porte aux dames. Selon elle, il y a urgence à galantiser le sexe, au lieu de continuer de sexualiser la galanterie, si on veut sauver cette dernière. Alors que la propagande pour Metoo continue de déferler, 65% des hommes déclarent réfléchir davantage à la manière dont ils vont aller aborder la femme qui leur plaît depuis la « libération de la parole ».


#Metoo a profondément transformé les rapports de séduction, révèle l’enquête Ifop réalisée pour le magazine Elle du 29 aout 2024. « Les lignes ont bougé, les femmes sont libérées », « Nous sommes en marche vers plus de liberté, d’égalité, de sensualité », « vers une drague plus civilisée » déclare Dorothée Werner, grand reporter à l’hebdomadaire. Les auteurs de l’étude, François Krauss et Fiona Marvillier précisent : « Les femmes jouent un rôle de plus en plus actif dans les rapports de séduction ; sortent du schéma traditionnel les assignant à une certaine retenue, voire à une passivité en la matière ». MeToo a aussi modifié le comportement des hommes, quel que soit leur âge. Ils sont désormais 65% à réfléchir davantage sur leur manière d’aborder « la personne qui leur plaît » assure Elle. À peu près un mâle sur deux craint désormais que ne lui échappe, lors de l’accostage, une malheureuse « remarque sexiste » ou bien redoute d’avoir, dans les mêmes circonstances, un geste voire un comportement « inappropriés. » Et, c’est merveilleux, toutes les générations sont concernées. Concomitamment, hélas, se développe une méfiance, nouvelle, vis-à vis de la galanterie. Si pour 77% des Français, encore, les petites attentions quotidiennes des hommes pour les femmes restent une forme de politesse et ne sont toujours pas assimilées à un comportement patriarcal, 38% des militantes féministes considèrent celles-ci comme sexistes. La galanterie serait-elle, à terme, condamnée ?

Le nouvel ouvrage « nécessaire » de Jennifer Tamas

Jennifer Tamas, agrégée de Lettres modernes qui enseigne la littérature française de l’Ancien régime à la Rutgers University (New Jersey), se montre rassurante : si nous faisons preuve d’intelligence, la galanterie, invention française ne disparaîtra pas. On n’a pas oublié cette auteresse féministe qui nous avait donné un brillant essai finement intitulé Au non des femmes. Elle se proposait alors « de libérer nos classiques du regard masculin ». Et à Causeur, nous avions salué l’ouvrage lors de sa parution, en avril 2023[1]. Notre précieuse du XXIe siècle fait désormais paraître (chez Seuil) un petit opus encore indispensable grâce auquel on va pouvoir se mettre au clair avec l’épineux problème de la galanterie et réconcilier, toustes, avec cette notion.

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Cet ouvrage, nécessaire, attaque fort, rien que dans son titre : Peut-on encore être galant ?  Il ne tourne pas autour du pot : Houston, nous avons un problème. Et la femme savante démarre, bille en tête : « Défendue par les romantiques déçus et anxieux que l’amour ne disparaisse, la galanterie ferait pour d’autres le jeu des hommes en essentialisant les rapports hétérosexuels sous un verni trompeur. » La précieuse, qui ne craint pas le ridicule, s’interroge d’emblée : « Le galant n’est-il pas le prototype du vieil homme blanc hétérosexuel qui déplore la grandeur d’une France obsolète ? Sous le raffinement et l’apparente soumission à la femme se cacherait une plus pernicieuse forme de domination masculine. »

L’autrice de ce petit opus-bijou propose donc de sauver la galanterie, invention française, qu’il conviendra naturellement, explique-t-elle, de « revisiter ». Tamas explique d’abord à tous les gros lourdingues (dont fait partie Alain Finkielkraut qui, d’après notre auteuse, a le culot de se prononcer pour la galanterie alors qu’il reste « figé sur l’étreinte de l’amour-passion parfaitement contraire à un art de la maîtrise et de la retenue, prôné par l’esthétique galante. ») ce qu’est -véritablement – la galanterie à la française. À savoir un modèle de l’amour inventé par des femmes, « les précieuses », pour les femmes, de toute éternité à soustraire au patriarcat.

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Tamas est claire : l’idéal galant français élaboré par Scudéry, en réaction à la violence extrême et constitutive de la masculinité a su s’imposer au Grand Siècle comme un art de vivre, et cet idéal a permis, un moment, d’abolir heureusement les frontières du genre. Au XVIIe siècle, la galanterie « devient un art de vivre qui se caractérise par la mobilité des affects. La douceur, la tendresse, tout comme le raffinement ne sont plus des valeurs exclusivement féminines. La galanterie trouble le genre. »  Las ! cette parenthèse enchantée n’était pas destinée à durer. Chassez le naturel, il revient au galop. L’affaire s’est, de plus, compliquée quand la Révolution française a liquidé la galanterie, assimilée à un héritage aristocratique à éradiquer. Soyons philosophe : « Comme l’initié mithriaque, la race humaine a peut-être besoin du bain de sang et du passage périodique dans la fosse funèbre. », fait dire Yourcenar à son sage Hadrien.

Un combat « politique » et sans fin

Mais, quand même !  Si le combat était éternel ? L’homme toujours à déviriliser ? Et si on n’avait pas avancé d’un poil ?  Non, non ! il faut y croire. L’essai, d’une cinquantaine de pages écrites dans une prose emberlificotée et jargonneuse à souhait est tout à fait rassurant : rien n’est perdu. La galanterie est une « pratique vivante » qui sera sauvée par le travail de ses vaillantes précieuses qu’on continue à trouver injustement ridicules. Il faut maintenant, pour avancer, « repenser la porosité entre galanterie et préciosité » ; « la galanterie doit être libérée de l’emprise masculine et retravaillée par la préciosité. », que diable ! « Il est temps de renouer avec la galante Sapho de Scudéry. Car oui, les femmes peuvent être galantes comme les hommes et les personnes non binaires. Et la société que nous habitons aujourd’hui a de plus en plus soif de douceur d’attention et de soin. »

Et la bougresse de conclure : « Au XVIIe siècle s’est joué une lutte de pouvoir que les précieuses ont perdue, mais qui demeure actuelle : un droit au sexe, l’égalité et la fin des violences, la recherche de rapports fluides et d’emprise. Pour se débrasser d’une galanterie fantasme et fantôme, refusons une galanterie peau de chagrin vidée de tout sens politique. Au lieu de sexualiser la galanterie, il faut galantiser le sexe pour le rendre plus ludique. »

Signalons enfin que des pistes sérieuses sont envisagées pour mener à bien cette entreprise dans l’essai Genèse d’un mythe Allumeuse écrit par une autre femme savante, Christine Van Geen, paru en mai 2024 au Seuil, et également commenté par mes soins pour Causeur[2]. Mesdames, continuons le combat et affranchissons-nous les unes les autres. « Tout ce qui ne remonte pas en conscience revient sous forme de destin. », disait Carl Gustav Jung.

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[1] https://www.causeur.fr/histoire-litteraire-place-au-matrimoine-neo-feminisme-258115

[2] https://www.causeur.fr/neofeminisme-les-allumeuses-au-bucher-christine-van-geen-285147



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est professeur de Lettres modernes

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