Le personnage principal du dernier roman de Jean-Marc Parisis découvre qu’il va bientôt mourir…
Françoise Sagan écrit : « On ne sait jamais ce que le passé nous réserve ». Quand on lit le nouveau livre de Jean-Marc Parisis, Prescriptions, on se dit qu’elle a raison. Depuis la publication de son prémonitoire premier roman, La Mélancolie des fast-foods, paru en 1987, Parisis est devenu une figure incontournable de la littérature française contemporaine qui, reconnaissons-le, tourne en rond et finit par nous ennuyer. Ce qui n’est pas le cas ici. Outre le fait d’avoir du style, son dixième roman le prouve une nouvelle fois, Parisis ne cesse de nous étonner en se renouvelant en permanence.
Le personnage principal se nomme Pierre Vernier. Il dirige le service photo du journal « Le Nouveau » qui louvoie depuis quarante ans « entre allégeance au pouvoir et opposition parodique, quel que soit le pouvoir, quelle que soit l’opposition », précise Parisis avec une ironie toute voltairienne. Son regard n’est pas celui d’un écrivain qui se couche face à la bien-pensance. N’oublions pas qu’il a préfacé la réédition de l’essai La mort de L.-F. Céline, de l’infréquentable Dominique de Roux. Vernier est victime d’un sérieux malaise, terrassé par une migraine. Il consulte un neurologue. Le verdict est sans appel : il souffre d’une maladie auto-immune dégénérative, répertoriée sous le nom de Pabst-Thomas, son découvreur. Espérance de vie : quelques mois avant un AVC, voire un infarctus. Un médicament pour retarder la mort et mettre un peu d’ordre dans une vie foutue : le Tonzidium. L’homme en blouse blanche ne peut se tromper, car il détient le savoir. À partir de là, le roman s’accélère, mais pas comme on pourrait s’y attendre. Deux femmes, le jour du verdict médical, se rappellent à Vernier. Le lecteur est entraîné dans une vertigineuse histoire où le mystère s’intensifie. Le passé de Vernier ressurgit et l’enquête commence. On glisse dans un roman teinté de noir. Normal, car cet homme apparemment tranquille est un grand lecteur de Dashiell Hammett. Et puis un autre personnage aide à entrer dans les zones obscures de l’existence. Il se nomme Serge Tassel ; c’est un ancien grand reporter de guerre, un vrai baroudeur, avec soixante ans de carrière sur son front balafré. Il peut faire sauter la République. « Tu as vécu comme on ne vivra plus » lâche Vernier.
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Sur les Gnossiennes de Satie, dont les doigts « apportaient l’oubli des choses vécues et les souvenirs d’une vie à vivre », le lecteur va se retrouver à Montreuil dans une rue qui s’achève sur une maison éventrée. Le puzzle se reconstitue, malgré la migraine diagnostiquée mortelle par l’homme en blouse blanche. Mais la réalité correspond-elle à la réalité ? L’écrivain, ce démiurge, donne à voir ce qu’il imagine. Ou plus exactement, comme l’écrit Parisis, au sommet de son art, « on devinait les choses plus qu’on ne les voyait ».
Ce roman original, débarrassé du gras, n’est pas sans rappeler la méthode expérimentée par Alain Robbe-Grillet, dynamiteur des conventions romanesques, notamment dans son court récit Djinn, qui consiste à refuser de reproduire toute signification du monde faite à l’avance. Il convient, au contraire, de l’inventer sans cesse. Cela se nomme la liberté de l’artiste.
Jean-Marc Parisis, Prescriptions, Stock 234 pages.