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Julius Malema, l’insoumission qui fait un flop

Afrique du Sud : la radicalité ne paie pas toujours


Julius Malema, l’insoumission qui fait un flop
Julius Malema, leader des "Economic Freedom Fighters", Midrand, Afrique du Sud, 1 juin 2024 © Themba Hadebe/AP/SIPA

Le Mélenchon sud-africain promet de régler leur compte aux Afrikaners, rêve d’une Afrique du Sud toute noire et d’un poste de Premier ministre. Mais il n’a réuni que 9,5% des voix aux dernières législatives, un score très en dessous de ses attentes. Pour autant, tout est-il perdu ? Pas sûr, car nous lui proposons un bel avenir…


Il est la hantise des Blancs d’Afrique du Sud, l’homme qui promet d’exproprier sans indemnisation les fermiers Afrikaners et qui fait chanter dans ses meetings « tuez les Boers ».  Souvent flanqué de son béret rouge, Julius Malema préside le parti d’extrême gauche « Economic freedom fighters ». Limogé de l’ANC pour des affaires de corruption et pour ses positions trop radicales, l’insoumis sud-africain pourfend notamment « la mafia Stellenbosch », ces grands vignobles situés près du Cap qui appartiennent à une poignée de milliardaires. Selon lui, cette concentration du capital sud-africain incarnerait le monopole du pouvoir économique par les Blancs.

« Si Malema passe, nous ne survivrons pas »

Pour renverser la table, l’homme propose de nationaliser les mines et a déjà déclaré ne pas s’interdire d’avoir recours à la violence pour imposer sa feuille de route. En matière de politique étrangère, il pourfend régulièrement  « l’impérialisme sioniste » et, plus cocasse, a déclaré souhaiter venir en aide militairement à la Russie pour envahir l’Ukraine. Imprévisible, il ne s’était pas prononcé contre la vaccination lors de la pandémie de Covid-19 mais avait même organisé, au grand dam de ses fans antivaxs, des manifestations pour réclamer des vaccins russes et chinois.

Reste que dans un pays où 45% des 15-34 ans sont au chômage et où plus de trente ans après la fin de l’apartheid, seulement 30% des entreprises appartiennent à des Noirs, un boulevard s’offre à Julius Malema au point que ces dernières années, celui-ci est pris au sérieux. « Si Malema passe, nous ne survivrons pas », a déclaré avant les législatives Carel Boshoff, maire d’Orania, une enclave afrikaner qu’avaient visitée Nelson Mandela puis Jacob Zuma. Malema, lui, a promis d’en faire une ville noire s’il prenait le pouvoir. Seulement lors des élections législatives du mois de juillet, ça ne s’est pas passé exactement comme ça : Julius Malema et ses « combattants » rouges sont arrivés en quatrième position avec 9,5 % des voix, loin derrière l’ANC (40%), et derrière son ennemi juré, l’ancien président Jacob Zuma (13,5%).

 « Malema est fou »

9,5% c’est pas mal, mais pas suffisamment pour être Premier ministre, place à laquelle a prétendu Malema ces derniers mois. Il semble que ses outrances à répétition ne paient pas. Sans doute parce qu’avant d’aller aider Poutine à bombarder l’Ukraine, les Noirs sud-africains aimeraient manger tous à leur faim et boucler correctement leurs fins de mois. Sans doute parce que quand ils voient les millions de Zimbabwéens affluer dans leur pays, ils savent que l’expulsion sans préavis des fermiers Blancs – comme ça a été le cas au Zimbabwe sous la présidence de Robert Mugabe – ne marche pas. Tout est-il perdu pour Julius Malema ? Peut-être pas… Cher Julius, il y a en France un homme qui rêve aussi d’être Premier Ministre, cet homme s’appelle Jean-Luc Mélenchon. Comme vous, il parle de Grand Soir et porte volontiers du rouge – enfin, c’est sa cravate qui est rouge, c’est plus timide que votre béret et votre chemise rouge, certes, mais vous pourrez le convaincre de franchir le pas…

« Malema est fou », m’a assuré il y a peu une jeune femme Noire à Johannesburg. Ce n’est pas très sympa pour vous, mais c’est à peu près ce que pense une bonne partie des Français de Mélenchon. Comme vous, ses outrances fatiguent, au point que même une frange de son parti rêve de s’en débarrasser.

Deux femmes noires tuées par des fermiers blancs

Dans son parti, on rencontre des personnages haut-en-couleur. Louis Boyard, par exemple. Quand vous lui raconterez votre enfance en guenilles dans le township de Seshego, là où il y a encore des coupures d’eau, il vous parlera de son enfance difficile en Vendée, à deux pas du Puy-du-Fou de Philippe de Villiers. Quand vous lui direz que vous avez été élevé par votre grand-mère après que votre mère, femme de ménage, soit morte, il vous répondra que son père était cadre ferroviaire et qu’il a dû le suivre dans ses déménagements jusqu’à Amiens, le pauvre. Quand vous lui direz que vous avez commencé à chanter les slogans de l’ANC à l’âge de neuf ans, il vous répondra, la larme à l’œil, qu’il était obligé de vendre du shit dans sa vie étudiante pour se payer des pots de Nutella.

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Ça ne s’arrête pas là, il y a aussi Danièle Obono. Fille d’un banquier et politicien gabonais, elle a été obligée de venir s’installer dans ce pays raciste qui s’appelle la France. Vous lui direz que le 17 août, dans votre pays, des fermiers blancs ont tué deux femmes noires avant de les offrir en pâture à ses cochons. Elle vous répondra que c’est bien triste mais qu’en France ce n’est guère mieux, avec ces regards en biais quand elle va au Monoprix en bas de chez elle, dans le XVIIème arrondissement parisien. Le racisme structurel, Julius, le vrai, quasiment l’apartheid…

Armer le Hamas…

L’année dernière, quand Elon Musk a dit qu’il y avait un « génocide des Afrikaners » en cours en Afrique du Sud, vous lui avez rétorqué qu’il « racontait de la merde ». Votre sortie a eu un certain écho dans le monde mais attention, la France Insoumise vous concurrence en matière de vulgarité. Il y a par exemple le député Jean-Philippe Nilor, qui a qualifié un député noir de « Nègre de maison » l’année dernière. Il y a un aussi un député nommé David Guiraud qui, comme vous, est fan de Gaza, et qui a traité un député juif de porc.

La France Insoumise compte de fervents soutiens de Gaza, un soutien qui va souvent jusqu’à l’obsession. L’eurodéputée Rima Hassan tweete nuit et jour sur Gaza et s’est rendue à une manifestation en Jordanie où l’on criait « Allez, allez le Hamas ! ». Ça ne devrait pas vous déplaire, vous qui avez promis d’armer le Hamas si jamais votre parti prenait le pouvoir. Quand on voit le nombre de gens qui font la manche dans votre pays, vous ne manquez pas d’air à prétendre sauver Gaza… mais vous n’êtes pas seul, les Insoumis font la même chose chez nous.

Aux élections législatives anticipées, les Insoumis ont gagné 84 sièges sur 577. C’est quand même un peu mieux que vos 39 sièges sur 400. Alors vous qui rêvez d’être Premier Ministre, si jamais les choses n’allaient pas au mieux pour la suite de votre carrière, sachez que la France Insoumise pourrait vous réserver un bel avenir…



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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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