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Royaume Uni: Starmer appelle l’Europe à la rescousse

Les Anglais, dans la panade, doivent-ils vraiment s’inspirer des politiques menées à Berlin et Paris?


Royaume Uni: Starmer appelle l’Europe à la rescousse
Le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président Macron, Paris, 29 août 2024 © Alfonso Jimenez/Shutterstock/SIPA

Le nouveau Premier ministre britannique rentre de deux visites diplomatiques, à Berlin et à Paris. Comme MM. Scholz et Macron, Keir Starmer semble incapable de trouver une solution aux problèmes identitaires des classes populaires de son pays. La seule chose qu’il leur promet à la rentrée ? Une augmentation des impôts.


Le Premier ministre travailliste, Sir Keir Starmer (il a été adoubé automatiquement en tant que Procureur général, entre 2008 et 2013), a fait grand cas cette semaine d’un voyage européen qui lui a permis de rencontrer le chancelier allemand, Olaf Scholz, à Berlin, mercredi, et Emmanuel Macron, jeudi (après avoir assisté la veille à la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques). La raison de ces visites ? Selon le locataire du 10 Downing Street, l’objectif est de « reset », c’est-à-dire « réinitialiser », les relations avec l’UE après les années de turbulence provoquées par le Brexit – mais sans renverser le Brexit, assure-t-il. Si Starmer a de bonnes raisons de cultiver ses partenaires allemand et français, il a aussi des problèmes de politique intérieure à faire oublier.

Point de salut hors de l’Europe ?

Olaf Scholz est le nouveau meilleur ami étranger de Keir Starmer qui est déjà allé à Berlin au mois de juillet, juste après son élection. Il est vrai que l’UE reste le plus grand partenaire commercial du Royaume Uni, et l’Allemagne elle-même est le deuxième pays partenaire après les États-Unis. Lors de la première visite berlinoise, les deux sociaux-démocrates ont annoncé les grandes lignes d’une coopération militaire approfondie entre les deux nations. Cette fois, ils ont fait savoir que c’est un véritable traité, qualifié d’« ambitieux », qui sera négocié par les deux pays. Bien que cet accord doive être prêt à entrer en vigueur assez tôt en 2025, son contenu reste pour l’instant assez vague. Il s’agira d’approfondir la coopération en termes de commerce, de croissance économique, de recherche et développement, de défense européenne, d’éducation et jeunesse, et de lutte contre l’immigration « irrégulière » (euphémisme pour « illégale ») et notamment les bandes de trafiquants. Concernant le commerce, il est difficile de voir quelle peut être la marge de manœuvre sans empiéter sur les règles bruxelloises, et il est significatif que Starmer n’est pas encore allé à Bruxelles. Malgré les références à l’éducation et à « plus de contacts interpersonnels », le Premier ministre a refusé une proposition émanant de la Commission européenne qui permettrait plus de mobilité pour les jeunes. Il a également exclu une adhésion britannique au programme Erasmus. La coopération en matière de défense se fera dans le cadre de l’Otan et un des objectifs sera une force de dissuasion efficace contre la Russie poutinienne. Une des raisons pour cette mesure est la crainte de la réélection de Donald Trump qui a indiqué qu’il voulait « repenser » l’Otan et sa mission.

Sur les aspects militaires, sécuritaires et anti-immigration, l’accord anglo-allemand s’inspire de la coopération franco-britannique, à savoir les traités de Londres (ou accords de Lancaster House) de 2010 et la déclaration commune de Macron et Sunak après leur rencontre à l’Élysée en mars 2023. Si Starmer est allé immédiatement à Paris après Berlin, c’est surtout pour éviter toute impression de favoritisme. Et pour être en bonnes relations avec l’UE, il reste toujours nécessaire d’être aussi proche de Paris que de Berlin.

Le club européen des losers ?

En se rapprochant en même temps de Scholz et de Macron, Starmer affirme sur la scène internationale son appartenance au camp des sociaux-démocrates. Le hic, c’est que ce camp n’a pas exactement le vent en poupe. Ne parlons pas de la côte de popularité d’Emmanuel Macron et des difficultés qu’il a à former un gouvernement. Côté Scholz, c’est la grande dégringolade dans les sondages pour le chancelier et pour son parti. L’Allemagne, jusqu’ici la championne économique de l’Europe, a vu sa croissance baisser de -0,1% au deuxième trimestre. En mai, sa production industrielle a baissé de 2,5% et ses exportations de 3,6%.

Les médias allemands ont commenté la « bromance » entre Scholz et Starmer en soulignant qu’ils ont en commun une personnalité terne et un manque de charisme. En réalité, ils partagent un défi beaucoup plus menaçant. Au Royaume Uni, la tuerie à l’arme blanche de Southport, le 29 juillet, a mis en pleine lumière la colère populaire qui bouillonne sous la surface dans beaucoup de régions anglaises. Si Starmer doit gérer l’affaire de Southport, Scholz a fort à faire de son côté à Solingen : un réfugié syrien, apparemment aux ordres de l’État islamique, a assassiné trois personnes à coups de couteau le 23 août. Le réfugié en question devait être expulsé vers la Bulgarie où il était censé faire sa demande d’asile officielle, mais les autorités allemandes n’arrivaient pas à le localiser. Elles savent où il est maintenant. Cet attentat vient après une autre tuerie à Mannheim le 31 mai : cette fois un réfugié afghan a poignardé six personnes dont un policier mortellement. Sans surprise, Scholz en est venu à proclamer qu’il faut « accélérer les expulsions ». Même si ces paroles sont suivies d’effet à la longue, ce ne sera pas assez tôt pour sauver le chancelier, son parti et sa coalition, lors des élections régionales qui auront lieu le premier septembre en Saxe et Thuringe. Les sondages sont très favorables envers le parti anti-immigration, Alternative für Deutschland (AfD). Le chef local de l’AfD en Thuringe, Björn Höcke, a posté une vidéo avec comme slogan une alternative brutale : « Höcke ou Solingen ».

Au cours de sa tournée européenne, Starmer a dénoncé ce qu’il appelle la « far-right snake oil », autrement dit, la « poudre de perlimpinpin de l’extrême droite ». Avec Scholz et Macron, il doit faire face au défi que représente une partie de l’électorat qui est excédée par l’immigration de masse non contrôlée et le mépris à leur égard dont font preuve les élites de gouvernement, surtout celle de centre gauche. S’il existe une forme de solidarité entre les leaders allemand, britannique et français, c’est surtout parce qu’ils n’arrivent pas du tout à résoudre les problèmes des classes populaires.

Tout est la faute des Tories !

Élu le 4 juillet, la lune de miel est déjà finie pour le nouveau gouvernement travailliste. Non seulement la côte de popularité du Premier ministre baisse de manière drastique, mais son parti n’est approuvé que par un peu plus qu’un cinquième des citoyens. Certes, il a une majorité écrasante de 174 sur 650 sièges au Parlement, mais il n’a gagné que 33,7% du vote, contre 32,1% pour Corbyn en 2019 et 40% pour le même en 2017. Ce qui veut dire que Starmer n’est pas l’objet d’un grand enthousiasme populaire. Il ne peut pas se permettre d’échec et déjà les problèmes s’accumulent. Sa seule rengaine, qui manque d’originalité, consiste à répéter que tout est la faute des gouvernements conservateurs qui ont précédé le sien.

Lors d’un grand discours dans la roseraie à Downing Street, le 27 août, il laisse entendre qu’il y aura des mesures « douloureuses » à prendre à l’automne, sans aucun doute une référence à des augmentations d’impôts. Pourtant, son parti avait fait campagne sur un refus en principe de taxer les citoyens encore plus qu’ils ne le sont actuellement. Pour justifier le revirement, Starmer prétend avoir découvert un « trou noir » de 22 milliards laissé par les Conservateurs dans les finances de l’État, ces mêmes Conservateurs qu’il accuse de ne pas avoir assez dépensé sur les services publics et les salaires du secteur public. 

Starmer a abondamment accusé les Conservateurs de corruption (non sans une certaine justification), mais son propre gouvernement est déjà l’objet d’accusations de « cronyism » (copinage) et de « chumocracy » (du mot anglais pour pote). Car certains donateurs du Parti travailliste se sont vu nommer à des postes-clés de fonctionnaires (dont un qui a donné pour 3400 euros de lunettes à Sir Keir). Les Travaillistes ont abrogé ou suspendu certaines lois phares des Conservateurs, dont le programme permettant d’expulser des migrants « irréguliers » vers le Rwanda ou la législation anti-woke garantissant la liberté d’expression des universitaires. En revanche, les mesures positives qu’entend prendre le gouvernement de Starmer ne semblent pas calculées pour plaire aux électeurs populaires, pour ne pas dire populistes :

  • La fermeture des hôtels accueillant des migrants et la redistribution de ces derniers dans des logements vides partout en Angleterre ;
  • L’introduction dans les programmes scolaires de plus d’éléments concernant la justice sociale ;
  • L’extension du principe d’égalité salariale, qui pour le présent concerne les hommes et les femmes, à toutes les minorités, ce qui exclut bien entendu les hommes blancs ;
  • L’interdiction de fumer dans les jardins et sur les terrasses des pubs et des restaurants (cette mesure n’est pas encore confirmée).

En rendant visite à Scholz et à Macron, Starmer a certes trouvé des homologues partageant avec lui les mêmes défis. Mais les trois partagent la même absence de véritables solutions.




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est directeur adjoint de la rédaction de Causeur.

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