Née en Belgique, naturalisée américaine, écrivain français et… première femme élue à l’Académie française, Marguerite Yourcenar fut, aussi, follement amoureuse d’André Fraigneau – mais non seulement. Christophe Bigot publie un « roman » passionnant à propos de ses dernières années.
Cela n’arrive pas souvent – du tout. La règle ? On ouvre beaucoup de livres (on a toujours « faim »), on lit 20 pages ou 50, et puis on arrête : on a déjà lu ça. Et puis c’est la rentrée : pléthore de livres à découvrir, il faut parfois s’en remettre aux premières impressions : les battements du cœur sont comptés et, comme disait Montherlant : « Méfiez-vous du premier mouvement, c’est le bon. »
Épatant
L’exception ? On ouvre – toujours en supposant refermer assez vite mais on vérifie cependant. On hume, on lit… et il se passe quelque chose : il y a quelqu’un. On écoute. On poursuit sa lecture. Et on finit le livre – épaté.
C’est exactement ce qui nous est arrivé avec le récit romancé de Christophe Bigot, à propos des dernières années de Marguerite Yourcenar (1903-1987) : cela commence au tournant des années 80. Yourcenar vient de perdre sa compagne, son alter ego, Grace Frick (traductrice, en outre, de son œuvre en anglais). Elle a 76 ans, elle va entrer à l’Académie française, être publiée (de son vivant) dans la Pléiade, etc.
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Le récit de Bigot porte en particulier sur la dernière « histoire d’amour » de Yourcenar avec Jerry Wilson, photographe américain homosexuel âgé de 30 ans. Et, en dépit de la ténuité apparente de l’amour-alibi, on ne lâche pas le livre. Bigot a tout lu à propos de Yourcenar, de Jerry. On croise souvent le grand amour déçu (et pour cause) de Yourcenar : André Fraigneau (nous avons publié à son propos dans Causeur).
Les dialogues crépitent, d’une intelligence et d’une sensibilité rares : tout sonne vrai, constamment subtil. L’œuvre et la vie de Yourcenar sont fréquemment évoquées : c’est bien sûr beaucoup plus que « l’histoire d’amour de Marguerite et Jerry » – même si celle-ci est très signifiante (et terrible).
On dit merci
On avait commencé « à cause » de Yourcenar, parce que cet écrivain ne nous indiffère pas. On a terminé « grâce à » Bigot – qui signe un livre rapide, nerveux, d’une grande intensité et maîtrisé de bout en bout : le tragique perce – mais à aucun moment Bigot ne sacrifie à la sensiblerie.
Qui aime Yourcenar, la Grèce, l’amour, la littérature et l’intelligence ne peut faire l’économie de ce livre. Christophe Bigot, 48 ans, normalien, agrégé de Lettres modernes, professeur de khâgne, est surtout un bel écrivain, que nous découvrons grâce à Yourcenar (c’est son 7ème livre) et que nous sommes heureux de saluer ici, même brièvement. On a lu. On a aimé. On dit merci. La littérature a, aussi, à voir avec la gratitude.
Un autre m’attend ailleurs, de Christophe Bigot, La Martinière, 305 p.
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Et en Folio (2024) : Le château des trompe-l’œil, de Christophe Bigot.
À LIRE aussi : l’indispensable « Dictionnaire Marguerite Yourcenar », dirigé et préfacé par Bruno Blanckeman, chez Honoré Champion – en… poche ! Donc cadeau et usuel non négociable.
Et toujours : Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, de François Kasbi – Éditions de Paris-Max Chaleil. À propos de 600 écrivains, français ou « étrangers ».
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