Devant la recrudescence des actes antisémites dans le pays, des juifs se demandent s’il ne faut pas partir. Les discours républicains volontaristes de nos hommes politiques semblent inopérants et un peu creux pour contrer le phénomène.
Chère Elisabeth,
Ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai entendu les propos que tu as tenus avant-hier sur CNews au micro de Thierry Cabannes face à Julien Dray dans l’émission « Face à face »[1]. Des propos forts, émouvants, qui m’ont retourné l’esprit et les tripes au point de me pousser à t’écrire cette lettre. Une lettre que j’aurais aimé ne jamais écrire mais, vu la gravité de la situation pour toi et tous les Français juifs, je n’ai pas pu m’empêcher de l’écrire.
« Cela fait des mois que je me dis que je ne finirais pas ma vie dans mon pays ». Tel est le propos que tu as tenu, un propos qui m’a révolté et mis hors de moi. Un propos qui est malheureusement la triste réalité pour nombre de Français juifs, et ce depuis des années, les alyas, l’émigration vers Israël, se multipliant vu le climat subi par nos compatriotes juifs (je ne parle pas de communauté puisque la République ne reconnait que des citoyens).
Climat nauséabond
Un climat nauséabond qui a empiré depuis des années avec nombre d’attentats antisémites, de la rue Copernic à La Grande-Motte en passant par Toulouse, la rue Rosiers ou l’Hyper Cacher. Des attentats ayant pour dénominateur commun le conflit au Proche-Orient et l’islamisme – un conflit au Proche-Orient dans lequel nos compatriotes juifs n’ont aucune responsabilité et un islamisme qui sème la mort partout où il passe.
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Un conflit au Proche-Orient dans lequel les Français juifs ont toujours été exemplaires, puisqu’ils n’ont jamais commis le moindre acte hostile contre une mosquée ou des musulmans après les nombreux actes terroristes commis dans l’État hébreu. Une réalité qui ne marche pas dans l’autre sens, Merah ayant tué de sang-froid des enfants pour « venger les enfants palestiniens » comme le terroriste de la Grande-Motte a mis le feu à une synagogue pour Gaza qu’il ne sait probablement pas situer sur une carte…
Mais pour certains, les juifs sont fautifs, même si le 7 octobre ils ont été victimes du plus grand pogrom depuis la Seconde Guerre mondiale. Les mêmes qui parlent de génocide à Gaza alors que le Hamas, s’il le pouvait, ferait une solution finale saison 2 aux Israéliens pour faire la Palestine « de la rivière à la mer », un génocide qu’ils ont commencé le 7 octobre dernier et contre lequel Israël est en état de légitime défense.
Mais les juifs sont responsables et coupables alors que les Français juifs ne demandent, comme toi Elisabeth, qu’à vivre en paix et en sécurité en France, ce qui est un dû pour tous les membres de la communauté nationale, en particulier les plus menacés.
Une présence bimillénaire en France
Alors Elisabeth, sache que tu es française et que ta place, comme celle de tous tes coreligionnaires et compatriotes est ici. La France a une histoire juive bimillénaire puisque les premiers juifs sont arrivés en France alors que celle-ci s’appelait encore la Gaule. Les juifs alsaciens ou les juifs du comtat Venaissin font partie de notre histoire ancienne avant d’être rejoints dans notre histoire plus récente par les ashkénazes d’Europe de l’est fuyant les pogroms et les sépharades chassés après les indépendances en Afrique du nord. Des Français juifs qui se sont illustrés dans les arts, la culture, les sciences, l’entrepreneuriat sans jamais ou presque faire de revendications communautaristes.
Des Français juifs qui se sont illustrés aussi les armes à la main, en défendant la France. Il y aura 110 ans le 29 août, le rabbin Abraham Bloch mourait sous les tirs allemands alors qu’il portait un crucifix à un poilu mourant qui le suppliait de lui donner l’extrême-onction alors qu’aucun aumônier n’était présent. Un moment de fraternité française unique, très peu de temps après que la lèpre antisémite ait frappé la France lors de l’affaire Dreyfus. Alfred Dreyfus qui faisait partie d’une famille juive d’Alsace ayant choisi « l’option française » après l’annexion de l’Alsace-Moselle, preuve de son patriotisme incontestable. Alors chère Elisabeth ne pars pas et je profite de cette lettre pour dire à nos compatriotes juifs que leur place est ici, que la France a besoin d’eux et qu’on les aime. Je t’embrasse et te dis à très vite.
[1] https://www.cnews.fr/les-replays/face-a-face-ete
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