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Convention nationale démocrate : le duel Trump – Harris est lancé

L’attrait de la nouveauté semble bénéficier aux Démocrates


Convention nationale démocrate : le duel Trump – Harris est lancé
Kamala Harris à la fin de la Convention nationale démocrate, Chicago, le 22 août 2024. Erin Hooley/AP/SIPA

La Convention nationale démocrate à Chicago vient de compléter la transformation de Kamala Harris de Vice-présidente mal connue en candidate sérieuse à la présidence des Etats-Unis. Le Parti démocrate semble avoir le vent en poupe. Reste que Mme Harris a toujours besoin de convaincre une majorité des électeurs qu’elle sera compétente sur les dossiers de l’immigration et de l’économie. Analyse de Gabriel Robin. 


Au mois de janvier dernier, désabusée, Nikki Haley déclarait devant ses militants aux primaires républicaines : « Le premier parti à se débarrasser de son candidat gériatrique gagnera ». Les démocrates ont tiré les premiers en poussant Joe Biden à se retirer de la course à sa propre succession. Fragilisé, considéré comme trop âgé, Joseph Robinette Biden Jr a dû se résoudre à abandonner le combat pour la première fois de sa longue et riche vie politique. Et il faut bien admettre que les premiers effets de ce retournement spectaculaire de situation se font déjà sentir. Une vague médiatique semble pousser Kamala Harris depuis lors, ainsi que la convention nationale du Parti démocrate l’a encore montré en cette fin de mois d’août. Pour autant, peut-on dire que l’élection soit déjà jouée et que Donald Trump connaîtra de nouveau le sort de l’élection de 2020 ? Rien n’est encore moins sûr.

Une « Democratic National Convention » réussie mais sans éclat particulier

Les Américains ont, on le sait bien, le sens du spectacle. Organisée au United Center de Chicago, où joue la célèbre équipe de basket des Bulls, la convention nationale du Parti démocrate a réuni tous les ingrédients nécessaires pour une formation politique en ordre de bataille. La ville de Michael Jordan et d’Al Capone, fief historique des époux Obama, est un bastion du parti à l’âne qui a servi d’écrin aux ambitions d’une femme aussi exposée que finalement toujours méconnue. Kamala Harris a beau avoir été pendant quatre ans la vice-présidente des Etats-Unis, elle est restée ce temps-là dans l’ombre de Joe Biden, ne se distinguant guère. Bénéficiant d’un charisme indéniable et de l’aura de son ancienne fonction de procureure générale de Californie de 2011 à 2017, Kamala Harris a tout du personnage dont raffole Hollywood. Métisse d’un père d’origine caribéenne et d’une mère indo-américaine, elle pourrait aussi devenir la première femme à accéder à la fonction suprême.

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Elle est désormais soutenue par tout son parti. Peu enchantés à l’idée de la voir entrer à la Maison-Blanche, les Obama se sont pliés à la réalité et sont apparus souriants pour encourager leur candidate. Ils n’étaient d’ailleurs pas les seuls, puisque la plupart des caciques du parti sont montés sur la scène du United Center pour appeler à la mobilisation générale. Bill Clinton a ainsi pu amuser en se moquant de l’âge de Donald Trump… Peu élégant, mais de bonne guerre après ce que Biden a subi en la matière. Depuis un mois, les dons affluent aussi. Pour le seul mois écoulé, les Démocrates ont reçu plus de 100 millions de dollars de contributions, investis majoritairement dans des spots publicitaires épiques et manichéens. Des chiffres supérieurs à ceux de Trump qui donneront le tournis à des esprits français habitués à des campagnes électorales bien moins dispendieuses.

Le discours de clôture de Kamala Harris aura été globalement réussi, mais il ne restera pas dans les annales. À dire vrai, les observateurs auront surtout été surpris par la qualité de celui dont Joe Biden a gratifié l’audience bien plus que par celui de Mme Harris. Sans être empruntée, cette dernière est apparue assez mécanique, sans idées fortes majeures. Obama avait prospéré avec des propositions chocs, comme l’Obamacare, et sur le slogan « Yes we can », qui ne l’était pas moins. On se souvient tous aussi de la force de Donald Trump en 2016 qui multipliait les saillies et cris de ralliement, tels que « Build the wall » qui est resté dans les mémoires. Le sujet de l’immigration clandestine sera, notons-le, toujours au cœur de cette campagne 2024, alors que les Etats-Unis ont subi une vague impressionnante d’entrées ces dernières années. Les Démocrates ont été fortement critiqués pour leur gestion du problème et Donald Trump entend bien capitaliser dessus. On le constate, la partie n’est pas finie et les Démocrates sont toujours, comme l’a rappelé Kamala Harris elle-même, les « underdogs » de ce scrutin. Reste néanmoins qu’une vague médiatique les porte. La candidature de Kamala Harris a ressuscité un enthousiasme qui était absent pour Joe Biden. Le merchandising se vend énormément et Kamala Harris paraît extrêmement déterminée. Elle doit accomplir un exploit au terme d’une campagne express. Moins clivante que Donald Trump, candidat bénéficiant d’une forte adhésion auprès de sa base et d’un fort rejet dans d’autres segments de la population, elle est aussi perçue comme moins crédible sur des items extrêmement importants pour les électeurs indécis : l’économie et l’immigration. 

Élargir la base : des choix de vice-présidents débattus

Les choix des vice-présidents étaient déterminants cette année. Donald Trump a fait le pari de partir avec JD Vance, ancien républicain « never Trumper » qui a tourné casaque. Auteur d’un livre de mémoires intitulé Hillbilly Elégie, qui a notamment été adapté sur Netflix, JD Vance vient de cette Amérique « périphérique » et déclassée de la Rust belt anciennement démocrate mais qui avait aidé Trump à l’emporter en 2016, soumise aux tourments des opiacés et de la vie en caravanes. Son autobiographie touchante, narrant l’ascension d’un jeune homme né dans la difficulté, la pauvreté et la toxicomanie familiale, a fait de lui un célèbre personnage public. Avec l’aide du milliardaire « transhumaniste » Peter Thiel, pour qui il a travaillé et qui a financé sa carrière politique, il a ensuite été élu plus jeune sénateur des Etats-Unis dans la circonscription de l’Ohio.

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Sur le papier, son profil semblait donc idoine pour Donald Trump, cumulant deux qualités utiles à son élection : un lien avec les financiers de la Silicon Valley et un fort ancrage populaire dans l’Amérique du Midwest où se trouvent plusieurs « États pivots » indispensables à l’obtention d’un nombre suffisant de grands électeurs. La réalité s’est montrée bien plus décevante. Peu à l’aise, JD Vance est la cible de moqueries pour ses discours souvent jugés ratés. Il est aussi perçu comme ambigu politiquement. Sa saillie sur les femmes célibataires vivant avec leurs chats a ainsi été très mal reçue. En outre, son passé d’ancien marine de la « Génération Z » traumatisé par la guerre d’Irak lui a donné une vision sûrement biaisée des réalités géopolitiques de son temps. Fasciné par les milieux conservateurs européens, singulièrement hongrois, il donne à penser que Donald Trump ne cherchera pas à aider le peuple ukrainien dans la défense de sa souveraineté contre l’armée de Poutine. Le retrait de Robert Kennedy Junior, fils de Bobby, en faveur du ticket Trump–Vance, ne démentira pas ce sentiment…  En réponse, Kamala Harris a désigné Tim Walz. Le gouverneur du Minnesota, tenant de l’aile gauche du Parti démocrate, grand défenseur du droit à l’avortement, sujet qui sera aussi capital dans plusieurs « swing states », incarne aussi cette Amérique « moyenne » et populaire. Issu du monde de l’éducation, il est aussi renommé pour son franc-parler et ses facilités de communication sur le terrain. On a d’ailleurs pu le constater lors de la DNC, où il a déclaré « être un meilleur tireur que la grande majorité » des élus républicains mais vouloir protéger les enfants contre la prolifération des armes et les tueries en milieu scolaire.

Un élan et une campagne qui peinent à retrouver un second souffle

S’il est toujours difficile d’établir des parallèles historiques sans commettre d’anachronismes, cette élection accuse quelques ressemblances avec l’élection présidentielle de 1968. Outre le contexte international et les questions de société qui divisaient alors l’Amérique et la divisent encore aujourd’hui, comme si la parenthèse des « civil rights » n’en avait jamais été une mais bien plutôt une révolution permanente, les « faits de jeux » sont proches. En 1968, Lyndon Johnson, qui fut le vice-président de John Fitzgerald Kennedy, avait fini par se retirer au profit de son vice-président Hubert Humphrey finalement battu par le républicain Richard Nixon devançant sur le fil lors des primaires un certain Ronald Reagan. L’élection avait aussi été marquée par l’assassinat de Bobby Kennedy à qui la victoire était promise.

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De quel côté penchera le balancier cette fois-ci ? Donald Trump n’est pas comme Nixon une surprise. Il en est à sa troisième campagne d’affilée. La première fut triomphale. La seconde s’acheva par un scandale qui faillit mettre un terme à son aventure politique. Pour gagner, les démocrates doivent être très au-dessus dans le vote populaire. De fait, l’élection de 2020 fut extrêmement serrée, se jouant à quelques milliers de voix dans plusieurs « swing states », alors que Biden jouissait d’une avance de 7 millions de voix dans le vote populaire. Entre 1992 et nos jours, aucun Républicain n’a eu le vote populaire hormis Bush en 2004 contre John Kerry. La répartition du collège électoral favorise les Républicains. Il faudra donc que Kamala Harris bombarde les 7 « swing states » où l’élection se jouera : l’Arizona, le Nevada, le Wisconsin, le Michigan, la Géorgie, la Pennsylvanie et la Caroline du Nord. En 2020, Biden avait créé la surprise en Géorgie. Elle pourrait se répéter. Il l’avait aussi emporté dans le Michigan, en Pennsylvanie et dans le Wisconsin, alors que Trump y avait battu Clinton en 2016.

La différence est que l’attrait de la nouveauté semble bénéficier aux Démocrates. Axée plutôt sur le « bashing », la campagne de Donald Trump risque de mobiliser les siens mais pourrait effrayer l’électorat indécis. Un pronostic : si Harris rassure sur l’économie et l’immigration, elle gagnera avec une large avance. Réponse en novembre.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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