Les militants écologiques sont-ils les meilleurs amis de la cause écologique? Il est permis d’en douter. Les associations environnementales ont condamné la distribution de bouteilles en plastique par Coca-Cola au cours des Jeux. Pourtant, la firme américaine s’est engagée à les recycler. D’ailleurs, le vrai problème n’est pas l’utilisation du plastique, matière incontournable, mais le fait que les Etats européens n’ont pas encore suffisamment organisé son recyclage. Tribune de Joseph Tayefeh, Secrétaire général du Syndicat de la plasturgie et des composites Plastalliance, auteur du livre Plastique bashing : L’intox ?
Il faut que tout change, pour que rien ne change, nous disait Alain Delon dans le Guépard (Il Gattopardo, Luchino Visconti, 1963). Mais c’est aussi une des leçons à retenir de ces Jeux Olympiques où les associations environnementalistes ont sorti leurs griffes pour « dénoncer » une mesure novatrice et écologique mise en place pendant ces Jeux. L’abandon de l’idéologie n’est pas pour maintenant. Mais qu’est-ce qui les a donc rendues si vertes de rage ? L’utilisation de bouteilles plastiques à usage unique par l’un des principaux sponsors de ces jeux, Coca-Cola.
Ainsi, le fait que sur 9 millions de boissons vendues au public, 6,4 millions proviendraient de bouteilles en plastique serait du « greenwashing » pur jus selon ces ONG. Et pourtant… Coca-Cola n’a pas distribué à cette occasion des bouteilles à des consommateurs ou touristes indélicats qui les auraient jetées dans la nature mais des gobelets réutilisables, consignés (si le client ne les ramène pas, il perd le montant de la consigne payée), gobelets en plastique soit dit en passant. S’il est vrai que des bouteilles plastiques à usage unique ont été utilisées pour remplir ces gobelets, ces bouteilles, qui représentent un gisement de déchets de grande qualité car très peu souillé, restent dans la main de Coca-Cola qui va les recycler pour une intégration dans de nouvelles bouteilles. Aucun risque de déchet dans la nature (n’est-ce pas, pour les vrais écologistes, le plus important ?) et un pas supplémentaire vers la réduction de l’utilisation des polymères plastiques dits « primaires » « ou vierges » au profit de matières « secondaires » ou recyclées. C’est aussi moins de pétrole car le recyclé se base sur des ressources déjà existantes. C’est même le geste circulaire parfait car nul besoin de faire appel à des poubelles de tri et des camions-bennes pour les ramasser et, peut-être, les recycler car tout est collecté sur place et sera recyclé pour une immense part.
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Pour le bilan carbone transport, on n’a pas vu mieux. Ce type de procédé circulaire pour un emballage totalement recyclable viendra par son recyclage diminuer (ou ne pas augmenter) un tant soit peu la taxe sur les emballages plastiques non recyclés payée par la France à l’UE. Médaille d’or pour la France qui est devenue en 2023 la 1ère contributrice de l’UE à cette taxe (près de 1,5 milliard d’euros) devant l’Allemagne qui produit pourtant deux fois plus de plastique que la France. C’est une nouvelle preuve que c’est non pas la production de plastique qui pose un problème mais l’incapacité de certains États à gérer correctement la fin de vie. Avec un taux de recyclage français des emballages plastiques de près de 23% quand la Slovaquie atteint les 60%, on comprend qu’il y a encore du travail à faire et c’est souvent le privé qui donne l’exemple en la matière. Les futurs et bénéfiques objectifs européens relatifs au recyclage des emballages plastiques et à l’incorporation de recyclé dans ces emballages doivent donner un coup de fouet à cette gestion heureuse des plastiques. L’UE qui bénéficie de cette taxe met ainsi tout en œuvre pour qu’elle puisse diminuer mais il semblerait à ce jour que l’effet escompté pour la France n’a pas encore eu lieu. Le refus du ministre démissionnaire Christophe Béchu de mettre en place une consigne nationale pour les bouteilles plastiques est un des exemples parmi d’autres alors que ce système a fait ses preuves là où il a été mis en place.
Le plastique: antidote au dopage
Les mêmes ONG ont trouvé également scandaleuse la demande du Comité des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP)de distribuer gratuitement 4 millions de bouteilles en plastique aux athlètes et aux arbitres pendant les jeux. Selon un mémo de ce Comité :
« De nombreux comités olympiques et paralympiques, des fédérations internationales, ainsi que des athlètes de haut niveau, anciens et actuels, ont exprimé leur vive inquiétude si Paris 2024 n’offrait pas l’accès à des bouteilles scellées et individuelles garantissant toutes les conditions de sécurité requises. Or, en raison de la nature des opérations et des conditions spécifiques de sécurité alimentaire et physique, ces contenants ne peuvent être qu’en plastique.
« Nous recommandons aux équipes de Paris 2024 de faire quelques exceptions pour répondre aux besoins spécifiques de certaines exemptions et de certains athlètes, pour lesquels l’utilisation de bouteilles hermétiques reste une priorité pendant la période des jeux. Cette précaution vise à éviter les risques sanitaires liés à la contamination des boissons et garantit une plus grande intégrité des contrôles antidopage ».
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La bouteille en plastique est « le seul moyen d’assurer une sécurité alimentaire optimale et d’éviter les risques de « dopage par sabotage » grâce au bouchon scellé ». Ces arguments de bon sens n’ont visiblement pas convaincu nos très chères ONG dopées aux subventions et qui n’ont pas, factuellement, l’adhésion de la majorité des consommateurs. Malgré le plastique bashing ambiant en France, les chiffres fournis par l’Agence de la transition écologique (ADEME) elle-même en avril 2024 sont cruels pour celles et ceux qui annoncent la fin du plastique à usage unique (hausse de 3,3 % des emballages jetables en plastique entre 2018 et 2021, à comparer aux objectifs franco-français de réduction de 20 % en tonnage fixée pour 2025). Il est temps de changer le logiciel et, tel Coca-Cola ou d’autres acteurs, d’œuvrer non pas pour la décroissance, que sous-entend le slogan simpliste du « zéro déchet » mais pour le « zéro déchet abandonné ou non recyclé ». Ce n’est que de cette manière que la France pourra rattraper son retard et éviter la mise à l’amende.
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