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Les combattantes du PKK et des FARC : actrices du féminisme

L’émergence de la femme terroriste - Episode 4


Les combattantes du PKK et des FARC : actrices du  féminisme
Une combattante du PKK en Iraq, en 2014. © LE CAER VIANNEY/SIPA

Les résistantes : les femmes du PKK, kurdes, et des FARC, colombiennes, sont engagées dans une lutte similaire contre l’Etat au nom de l’anti-impérialisme et de l’anti-capitalisme. Voir les Episodes 1, 2 et 3.


Certaines femmes ont fait le choix de rejoindre des mouvements les plaçant dans une position qui les amèneraient à être traitées comme des ennemies de l’Etat. Nous pensons évidemment aux résistantes de la Seconde Guerre mondiale, aux algériennes pro-FLN (Front de libération nationale), aux combattantes du LTTE (Les Tigres Tamils) au Sri-Lanka et du Sendero Luminoso (le Sentier Lumineu) au Pérou, aux militantes du PKK (Partiya Karkerên Kurdistan) en Turquie et à celles des FARC de Colombie (Forces armées révolutionnaires de Colombie).

J’ai reçu dans mon cabinet deux ex-combattantes dans des organisations terroristes. Gulan, originaire de Turquie, réfugiée en France et ancienne membre du PKK ; ainsi que Marca, originaire de Colombie, engagée dans le mouvement des FARC. Ces deux femmes m’ont amenée à travers nos échanges à une meilleure compréhension de ces deux mouvements, qui laissent aux femmes une place importante dans leurs rangs.

La médiatisation de la guerre entre l’Etat islamique et les Kurdes dans le nord de la Syrie, de 2014 à 2016, a révélé au public la présence importante et structurée de femmes dans les rangs kurdes, au sein du PKK, et la crainte qu’elles inspiraient à leurs adversaires. Le PKK, considéré comme organisation terroriste par une grande majorité de la communauté internationale, a été fondé en Turquie en 1978 par Abdullah Öcalan et Sakîne Cansiz, une femme. Mouvement à caractère révolutionnaire, marxiste-léniniste, il a fait du rejet des valeurs patriarcales de la société traditionnelle kurde l’un de ses axes idéologiques majeurs. Très tôt, son idéologie a intégré les problématiques liées au genre. Mouvement précurseur en matière de féminisme dans une zone géographique traditionnellement « masculine ». Il est aujourd’hui montré comme un exemple en la matière, le féminisme faisant partie intégrante du projet politique.

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Représentant 1% des effectifs militaires en 1987, la part des femmes évoluera à 10% en 1993, 30% en 1999, et 40% aujourd’hui selon diverses estimations. Les postes à responsabilité sont systématiquement occupés par un homme et une femme. Chaque unité combattante du PKK dispose de son pendant féminin, en Iran, en Syrie, en Irak pour ne citer qu’elles. L’acceptation des femmes au sein du PKK est-elle sans sacrifice pour elles ? Dans une société où l’honneur d’un groupe ou d’une famille reposent sur le comportement sexuel des femmes, se pose alors la question de la conciliation entre mixité et honneur tribal ? La réponse est simple, la sexualité est complètement interdite aux combattants et surtout aux femmes ! La chasteté des jeunes femmes est obligatoire. Pour Gulan, que j’ai interrogée sur ce sujet, cet interdit n’est pas forcement vécu comme un sacrifice mais plutôt comme une libération des contraintes liées à leur genre, tels que le mariage et la maternité.

Les combattantes peshmerga, malgré l’admiration qu’elles suscitent, ont cependant été déconsidérées d’une certaine manière par la presse. On nous a montré de belles jeunes femmes, souriantes, coiffées de leurs foulards à fleurs, mitraillette sur l’épaule. Cette érotisation de la guerrière kurde finit par renforcer les stéréotypes du rapport de la femme à la violence !

Les combattantes du PKK sont très proches de leurs sœurs d’armes colombiennes des FARC : elles s’expriment leur solidarité dans deux messages vidéo adressés en 2013 et 2014.

En 2013, les femmes FARC adressent aux femmes du PKK le message suivant : « Nous sommes sœurs d’armes contre le capitalisme et l’impérialisme et toutes formes d’injustice dans ce monde, nous sommes des combattantes internationales ». En 2014, les femmes du PKK adressent en retour aux femmes des FARC ce message : « Dans un monde global, la solidarité est devenue une tâche indispensable pour tous les mouvements révolutionnaires ». C’est dans le contexte de la guerre civile qui opposa les libéraux et les conservateurs que les FARC, principale guérilla communiste, vont s’engager dans le conflit armé colombien. Les FARC seront placées sur la liste noire des organisations terroristes des Etats-Unis à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

Le conflit entre les FARC et le gouvernement colombien sera le plus long de l’Amérique latine, il aura duré 52 ans. Les FARC sont également connues comme la guérilla la plus riche au monde, en raison de ses liens étroits avec les narcotrafiquants où les femmes représentent 40% des militants.

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Dès le début, en 1964, les militants FARC ont admis les femmes auprès d’eux. Dans les années 80-90, le nombre d’engagées a énormément augmenté, obligeant les responsables à prendre en compte la notion du genre. Des tâches domestiques auxquelles on les avait assignées par nature, les femmes vont peu à peu accéder aux armes et changer le rapport de la femme aux actions armées. A L’image de leurs sœurs d’armes du PKK, les dirigeants FARC vont prendre des mesures afin de réguler leur sexualité en rendant la contraception et l’avortement obligatoires. Extraordinaire mesure dans un pays aussi conservateur et catholique que la Colombie !

Dans l’affaire de l’enlèvement du journaliste français, Roméo Langlois, c’est une des cadres des FARC qui sera arrêtée en 2012. « C’est elle qui a géré l’aspect politique et médiatique de l’enlèvement de Langlois. Elle a une grande expérience dans la manipulation des masses et est chargée de l’endoctrinement des nouvelles recrues », a précisé le colonel Carlos Alberto Vargas Rodriguez à la presse nationale. » En revanche, plus de dix ans après son arrestation, aucun autre élément n’a été trouvé la concernant.

De redoutables combattantes pour la paix

Majoritairement plus enclines à la paix, les femmes vont jouer un rôle important lors des négociations de paix, entre 1998 et 2002, apportant une expression plus féminine aux groupes de guérillas. Dix ans après, lors du processus de paix de 2012-2016, on estime que 40% de femmes font partie des FARC. Le 12 novembre 2016, le gouvernent colombien et les FARC signent un accord de paix à la Havane. Le militantisme féministe des combattantes a su se faire entendre. Le rôle des femmes dans le conflit colombien a évolué jusqu’à prendre une place décisive, quasi politique. Les femmes prennent les rênes pour bâtir la paix en Colombie !

L’accès des femmes au combat armé, en l’espèce illégal, constitue-t-il un progrès du point de vue de l’émancipation des femmes ? Force est de constater que les femmes prennent de plus en plus de place, en nombre, au combat, sur la scène politique et dans les médias. Cependant, gardons à l’esprit que dans ces organisations les hommes cherchent toujours à les contrôler par le biais de leur corps et de leur sexualité.



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