On aurait presque envie de remercier chaleureusement Arnaud Montebourg. Au moins, grâce à lui, tout est désormais clair. Les derniers masques tombent, et en particulier celui de Manuel Valls. Certes, on pourrait lui reprocher la forme. Le discours de Frangy-en-Bresse avait un côté surréaliste. Assistait-on à une intervention du ministre de l’Economie ou à un discours du chef de l’opposition ? N’aurait-il pas été plus raisonnable de présenter enfin sa démission, à la manière d’un Jacques Chirac trente-huit ans plus tôt ou d’un Jean-Pierre Chevènement en 1983 ? Sans aucun doute. Mais à l’heure des chaînes infos et de Twitter, il vaut mieux entretenir le buzz. Un ministre ça ne ferme plus sa gueule à moins de démissionner, ça l’ouvre sans cesse jusqu’à se faire virer. C’est Rama Yade qui avait inauguré la formule sous l’ère Sarkozy. Pas sûr que cela constitue un progrès. Toujours est-il que Montebourg s’est mis en accord avec son discours. Il ne participe désormais plus à un gouvernement dont il fustige la politique. Il n’hésite pas à prendre un gros risque d’un point de vue personnel, puisqu’il n’est plus que conseiller général de Saône-et-Loire et que, finalement, c’est plutôt Benoît Hamon, dont il a aussi provoqué le départ, qui va mettre la main sur l’aile gauche du PS.
Ce psychodrame comporte d’autres avantages. Hamon, nous venons de le souligner, a aussi dû faire un choix entre son prestigieux maroquin et ses convictions. Christiane Taubira, en revanche, qui avait tenu à faire savoir qu’elle approuvait les révoltés de Frangy, a finalement choisi de se maintenir à son poste. On passera sur le cas d’Aurélie Filippetti qui savait son sort scellé depuis longtemps et a sans doute profité de l’aubaine pour habiller sa sortie. Les écologistes ont aussi réaffirmé leur refus de participer au gouvernement. Et même si Jean-Vincent Placé, Barbara Pompili et François de Rugy ont certainement connu des tentations, l’unité de leur parti a été préservée. Les Verts envoient ainsi un signal clair aux citoyens : ils n’approuvent pas l’orientation économique du gouvernement. Les outils que la Ve République met à disposition de la clarté politique permettront aussi de se faire une idée de la force de conviction de ces mêmes écologistes et des fameux frondeurs du PS. Valls a promis un vote de confiance. Twitter son désaccord, c’est bien, le manifester par un vote pouvant avoir des conséquences sur son mandat, c’est beaucoup mieux. À cet égard, le procès-verbal de l’Assemblée nationale qui établira la liste de ceux qui votent contre la confiance au gouvernement Valls II sera la plus belle des clarifications.
Nous en savons désormais aussi davantage sur la personnalité du Premier ministre. Lui qui ne jurait que par Clemenceau, qui appréciait qu’on le compare, grâce à son goût pour l’autorité républicaine, à Jean-Pierre Chevènement, vient de tomber définitivement le masque. Le remplacement de Montebourg par Emmanuel Macron, consacré au « Grand Journal » comme « l’ami du patronat » par son imprudent collègue Rebsamen, constitue un symbole fort. Ce protégé de Jacques Attali vient occuper ce poste afin de mettre en place les fameuses mesures de « libération de l’économie » du plan commandé par Nicolas Sarkozy à l’ancien conseiller de François Mitterrand, mesures que l’ex-président avait préféré mettre au rancart, assez prudemment à notre goût. Et puisque la barre est mise à droite sur l’économie avec Macron, il fallait donner des signes qu’on est encore de gauche. Ainsi, Valls qui fustigeait mezza voce le laxisme de Taubira, a tout fait pour qu’elle demeure dans son gouvernement. Et il a promu Najat Vallaud-Belkacem, chantre des ABCD de l’égalité, véritable chiffon rouge pour la galaxie « Manif pour tous ». Mobiliser la droite sociétale contre soi afin de faire croire qu’on est encore de gauche : pitoyable calcul qui va à l’encontre de l’apaisement de la société, apaisement qui était au centre de la fameuse anaphore du candidat Hollande dans son duel télévisé face à Nicolas Sarkozy. Si d’un point de vue politicien, il s’agit bien d’un enfumage, les lecteurs de Jean-Claude Michéa savent que le libéralisme économique de Macron n’a rien de contradictoire avec le libéralisme culturel, de Vallaud-Belkacem et Taubira. Voilà encore une clarification, idéologique celle-là, sur les penchants libéraux-libertaires de ce gouvernement. Finalement, la seule manifestation vallsienne de son opposition au libéralisme, c’est sa propension à réduire le champ de la liberté d’expression. Convenons que ce n’est pas forcément sympathique.
On attend bien entendu d’autres clarifications. Qui passeraient par l’éclatement du PS et de l’UMP et une recomposition nécessaire du paysage politique français. Malheureusement, celles-ci, on risque de les attendre encore.
*Photo : WITT/SIPA. 00682977_000016.
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