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Génération tatouage

Comment ignorer ces corps ornés d'un graphisme envahissant qui s’offrent partout à nos yeux?


Génération tatouage
L'artiste tatoueur Andrei Draw avec la jambe d'une cliente, Renata Luis, à la Empire State Tattoo Expo, au Hilton Hotel, New York, le 12 mai 2024. Anthony Behar/Sipa USA/SIPA

Un des fléaux esthétiques des temps modernes – qui n’en manquent pas – c’est la prolifération de ces tatouages qui défigurent trop de corps de jeunes. Quelles sont les raisons de cette mode si destructrice et comment mettre un terme à sa propagation? Le regard de Sophie de Menthon.


L’été est la saison des tatouages, du moins c’est à ce moment-là que l’on prend conscience de l’épidémie et même dans certains cas du désastre… et personne n’ose le dire.  

Mais comment ignorer ces corps qui s’offrent à nos yeux, en ville, sur les plages, aux jeux olympiques, partout, tatoués jusqu’à l’os ! Alors on fait semblant de ne pas vraiment y attacher d’importance, de ne pas remarquer, de trouver cela « normal », mais lorsqu’on n’appartient pas à la communauté des tatoués, même tolérants, on se chuchote à l’oreille : « T’as vu ? » en désignant discrètement le nouvel arrivant orné d’un graphisme envahissant, vêtu de scarifications colorées indélébiles. Soyons clairs, ceux qui ne sont pas tatoués, les étrangers à cette secte, sont plutôt traumatisés par cette mode car c’est est une, qui enlève au corps la beauté de sa nudité.

A l’origine, et c’est d’ailleurs un peu toujours le cas, il s’agissait d’un marqueur comme à Tahiti les Maoris qui portaient cela comme des Tartans ethniques. On peut aussi remonter à l’antiquité et aux empereurs romains. Et puis plus récemment les marins en particulier, et d’autres corporations, se sont distingués par des tatouages à l’épaule, comme pour marquer une fierté plutôt sympathique de l’exercice de leur métier. Le tatouage fut aussi la plus terrible des discriminations, la fleur de lys des prostituées méprisées, condamnées à vie par leur marquage ; et surtout plus tard la terrible étoile jaune accompagnée d’un numéro tatoué sur l’avant-bras lorsque l’on avait été dans un camp de concentration : le souvenir de l’horreur gravé sur la peau a fait d’ailleurs que des communautés entières par respect et devoir de mémoire ont renoncé à cette pratique.

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Mais aujourd’hui ? que penser de ces foules à la peau bigarrée sans autre objectif que de se faire remarquer, de sortir d’un anonymat corporel, de faire partie d’un groupe ? Les jeunes surtout, ont d’évidence besoin d’affirmer une identité qu’ils ne trouvent pas autrement qu’à travers une tribu ?  On ne peut s’empêcher de penser que c’est l’expression d’un mal être, et le besoin d’une transgression (quels parents n’ont pas essayé de les dissuader ?). Un fléau qui atteint tous les milieux. Veut-on s’approprier le territoire de son corps, peut-être le seul dont on ait le sentiment de pouvoir disposer ?

Sans compter le piercing encore plus frime ! Mais qui a envie d’embrasser des lèvres trouées d’un anneau ou cloutées ? Mystère.

S’agit-il d’une erreur, de jeunesse, majoritairement qui pousse à payer (cher) une douleur et une forme de mutilation, avec des dessins en général sans beaucoup de sens et encore moins de talent ? Se marquer pour la vie sans penser à l’âge venant qui fera se friper et ornera de rides ces graphismes dont ils sont si fiers ?

Devant ce raz de marée on ne se sent pas le droit de dire quelque chose, encore moins de critiquer. Pourtant, ne faut-il pas les avertir quand même que c’est plutôt rebutant et laid ! Quand on voit entièrement imprimés les bras, les jambes, le visage même de ces athlètes ou de ces hommes ou jeunes femmes magnifiques dont on a l’impression qu’ils sont déguisés, qu’ils se cachent, mais hélas d’un déguisement indélébile, on est inquiets, désolés… Ils ne pourront pas rattraper ce qui peut être le fruit d’un simple moment d’égarement ou alors au prix de tentatives d’opérations compliquées qui laisseront des traces ; sans parler des initiales de l’être adoré du moment que l’on croit aimer pour la vie et qui sera remplacé par un autre qui lui pourra s’estimer trompé à chaque fois que ses yeux se posent sur les traces du précèdent !

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Pourrait-on leur dire que cela ne leur apporte rien ? Qu’ils sont plus beaux vierges ? Libres de leur avenir ? Alors certes, il faut raison garder : la fleurette à la cheville, ou le papillon en bas des reins sont inoffensifs, discrets – cela peut rester un souvenir… et puis si votre ado supplie, on peut trouver des tatouages qui s’effacent ou alors des décalcomanies, le temps que l’envie ne passe. Mais pitié ! Essayons d’enrayer ce massacre corporel qui n’a pas vraiment de sens. Le phénomène de mode est tel que les grands couturiers s’en sont emparés et les mannequins sublimes dont nous admirons la beauté sont tombés dans le design corporel. On peut se demander si ce sont eux qui se sont imposés gribouillés, ou si c’est dans le cahier des charges du couturier ? Les grandes marques pourraient-elles faire preuve de responsabilité au lieu de donner le mauvais exemple ?

Ne pas se laisser aller à la lâcheté des effets de mode surtout lorsqu’ils atteignent notre jeunesse dans la fleur de l’âge.  Et surtout empêchons qu’ils aient l’occasion de se regarder et de se dire : « Tattoo …faux ! »

Élevons le débat et retenons que par principe il faut lutter contre ce qui est irréversible.



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Chef d'entreprise, présidente du mouvement ETHIC.

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