Souffrant de schizophrénie, Matthieu de Vilmorin raconte ses différents séjours en hôpital psychiatrique, un récit qui fait preuve d’humour mais surtout de compassion à l’égard des patients qu’il a rencontrés.
C’est un joli mot que celui de lunatique. Il a un côté désuet. On lui préfère schizophrène, névrosé, fou. Et pourtant ils existent, ces hommes et ces femmes qui ont besoin de camisole chimique, de chambre close, de parc silencieux. Dans un très beau livre, écrit sobrement, avec beaucoup de sérénité, voire de douceur, Matthieu de Vilmorin raconte son « séjour chez les fous », comme il le dit lui-même sans philtre. Sa première crise remonte à fin juillet 1983, survenue à Rio de Janeiro. Il fait alors la connaissance de « drôles de dingues ». Il doit affronter le diable en personne, se sentant littéralement possédé. Il écrit : « Entre la maladie psychique (culture occidentale) et la possession (culture tribale ou ethnique), des rapprochements ont été tentés ». Il sera ensuite hospitalisé à Sainte-Anne, pavillon Esquirol, puis dans d’autres établissements spécialisés, pour y subir plusieurs traitements et côtoyer de singulières personnes qu’il nous présente avec humour. Car le choix est simple : « Rire ou crever » comme disait Robert Brasillach, dans son roman Comme le temps passe, que cite l’auteur. Même si, aujourd’hui, il poursuit son traitement pour juguler les attaques de la schizophrénie, Matthieu de Vilmorin mène une vie normale. Du reste, à la fin de son témoignage, sans tourner autour du pot, il déclare : « La folie n’est que le degré élevé de la névrose, car la définition de notre humanité, c’est la névrose ».
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Il est de notre devoir de soulager cette population en souffrance, et de lui donner l’amour qu’elle réclame, surtout quand les ténèbres les cernent. Je ne peux m’empêcher de penser aux 40 000 internés, oubliés désormais, qui sont morts de la famine et des électrochocs pendant l’Occupation. Je ne peux m’empêcher de penser à Antonin Artaud enfermé à Rodez ; Artaud qui écrit, véhément, en pensant à Nerval, Poe, Baudelaire, Van Gogh, Nietzsche : « Ils ne sont pas morts de rage, de maladie, de désespoir ou de misère, ils sont morts parce qu’on a voulu les tuer. Et la masse sacro-sainte des cons qui les considéraient comme des trouble-fête a fait bloc à un moment donné contre eux ».
La nuit est trouée de milliards d’étoiles qui forment un sillon de poudre lumineuse. Je ne sais où il conduit ; peut-être nulle part ; peut-être là où ils sont tous, dansant le rigodon, délivrés enfin.
Matthieu de Vilmorin, Les Lunatiques. Mon séjour chez les fous, Bayard, 2018.
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