Les trois blocs qui se partagent la vie politique partagent aussi une vision folle de l’économie : l’argent public ne coûte rien ! Au-delà de leurs nuances, tous veulent continuer de biberonner les Français à la dépense publique. La cure d’austérité qui vient s’annonce douloureuse. Qui devra s’y coller?
Nous vivions déjà partiellement dans un asile psychiatrique – comment qualifier autrement une société où un barbu invité à la télé peut s’étonner qu’on le prenne d’emblée pour un homme ? S’il avait fait (discrètement) ricaner une majorité de téléspectateurs, une écrasante proportion d’électeurs paraît, en revanche, croire dur comme fer à la magie en matière d’économie. Les trois blocs qui viennent de se disputer les faveurs de l’électorat ont des visions certes différentes, mais néanmoins cousines des finances publiques. Le courant macroniste central se veut l’héritier de quarante ans de gabegie policée. Fanatiques de l’Europe, de ses « valeurs », de l’État de droit, surtout quand il s’agit d’immigration, mais pourtant jamais dans les clous européens dès qu’on aborde le budget de notre État : plus de trois mille milliards de dettes accumulées, six fois plus qu’en 1980, pour des services publics deux fois moins performants – un ratio d’endettement deux fois supérieur aux limites des traités européens qu’en d’autres domaines, on respecte à la lettre –, chapeau bas les artistes. Deux courants sont toutefois perceptibles au sein du bloc central – les crameurs de caisse épanouis canal Martine Aubry ; mais aussi les gabegistes honteux, type Bruno Le Maire, réputé gérer « à l’euro près » le budget mensonger qu’il a fait voter par l’Assemblée. Ce bloc mise en réalité sur la ruine à petit feu du pays et concentre son énergie sur le mistigri de la faillite, à discrètement refiler à la législature suivante. L’ami Bruno, probablement viré de Bercy après sept années de mauvais et déloyaux services, doit secrètement pousser un ouf de soulagement. Il devait trouver 24 milliards d’euros d’économies peu consensuelles. Remettre les clés du ministère des Finances sera pour l’inventeur du chèque rapiéçage d’inspiration cubaine autant un choc qu’un veule soulagement. Il glissera dans la poche de son successeur, avec un sourire, une serviette dans laquelle sera enroulée la patate chaude de l’austérité à venir.
À gauche, un inquiétant nouveau programme commun
Du côté du Nouveau Front populaire, les manœuvres dilatoires du bloc central paraissent depuis longtemps insupportables. Ils n’ont pas la patience des sociaux-démocrates procrastinateurs : pour le NFP, la Ruine, c’est maintenant. Une théorie exposée par le camarade Mélenchon dans Le Figaro – le ruissellement marxiste expliqué aux tout-petits : « La dépense sociale crée du bien-être, lequel permet la consommation qui, elle, produit de l’emploi et des recettes fiscales. » Si la gauche séduit autant, c’est qu’elle surfe sur une religion étatique française durablement établie – l’argent public c’est bien, ça ne coûte rien, sa source est éternelle, loué soit son très Saint Nom – et un toupourmagueulisme de bon aloi, indifférent à l’intérêt général. Plus d’allocations, moins de taxes, plus de vacances, moins de boulot, la retraite juste après le bac (voire au brevet en cas de scolarité pénible). Ses électeurs ont l’air de croire que c’est possible – c’est assez fascinant. Tenter d’expliquer qu’en Europe, nos semblables partent à la retraite à plus de 64 ans en moyenne relève a minima de l’ultralibéralisme, sinon du fascisme. Impossible non plus d’établir une corrélation entre pouvoir d’achat et temps de travail cumulé sur une vie. On constaterait que les Français travaillant moins que les autres, l’appauvrissement ressenti trouverait sans doute là un début d’explication. Pour mieux comprendre cette disette, mais uniquement si on souhaite finir au goulag mélenchoniste, on y ajoutera le poids des dépenses publiques improductives, dans le pays recordman du monde des ronds-points et qui a dû y consacrer entre 8 et 10 milliards. Des sommes folles qu’il aurait pu investir dans l’intelligence artificielle, mais non. Dommage, car l’IA figure le seul véritable espoir pour les tenants de la connerie naturelle made in France. Cette frange gauchiste de l’échiquier politique n’a pas été saisie de la moindre hésitation, alors que la perspective d’une victoire possible se dessinait. Leur programme commun, torché en une nuit, n’a plus les pudeurs d’une gauche productiviste, jadis soucieuse de vaguement réfléchir à la création de richesses, corollaire pourtant indispensable à sa redistribution. Pas une ligne n’y fut consacrée. On rasera donc gratis en se dispensant de produire tout rasoir, avec l’assentiment de millions de blaireaux. Des dingues authentiquement persuadés de vivre dans un enfer « ultralibéral » qui consacre étonnamment 58 % de son PIB à la sphère publique, record à battre.
Bardella-Le Pen : molle démagogie
Beaucoup d’entre eux votent néanmoins, et depuis longtemps, Rassemblement national. D’abord bien sûr en réaction à la démission régalienne du bloc central, mais également par adhésion à la molle démagogie dépensière du tandem Bardella-Le Pen. La retraite à 60 ans, de généreuses baisses de TVA ou des tarifs de l’énergie, tout cela financé sur le dos des immigrés et par la chasse aux allocations abusives de la fraude sociale… Il faut avoir la foi chevillée au corps pour y croire. Quelqu’un au RN a fini également par s’apercevoir que l’horrible euro de l’ignoble Europe avait permis à la France de continuer à faire ce qu’elle sait faire de mieux dans le domaine des dépenses publiques – « Citius, Altius, Fortius ». Esprit olympique, Pierre de Coubertin, médaille d’or – la France éternelle en somme. D’où la décision de ne plus renoncer à la monnaie unique. On portera toutefois au crédit de la droite nationale l’espèce de vertige qui l’a étreinte aux marches du pouvoir. Un puissant rétropédalage digne d’un sprinter désireux de franchir la ligne en marche arrière, en l’espèce, un renvoi aux calendes grecques de ses plus dispendieuses promesses. Ce qui a permis aux médias comme il faut de leur reprocher et le coût de leur programme et son abandon en rase campagne électorale – du pain bénit.
La cure d’austérité qui vient figure l’éléphant au milieu du couloir. La question est moins « quand » – là maintenant – que « qui » pour mener à bien la saignée qui s’annonce et qu’aucune hausse constitutionnellement acceptable de la fiscalité ne pourra jamais équilibrer.
Le nouveau Premier ministre a donc de quoi se faire du mouron, sauf s’il mise cyniquement sur la mise sous tutelle par le FMI du cancre français, méprisé et décrédibilisé par ses pairs. Les pays dits frugaux en ont ras la casquette de cette nation qui prétend être un acteur majeur de l’Europe tout en comptant sur le travail de ses petits camarades pour financer le train de vie d’un État-providence devenu fou. Sa seule excuse, c’est la folie de ses électeurs et la lâcheté de ses élites.