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Une tigresse en Roumanie

“Tigresse”, un film d'Andrei Tanase, en salles le 7 août


Une tigresse en Roumanie
Tigresse, un film de Andrei Tănase © Photos Condor Films

Pour son premier film, Andrei Tanase s’égare un peu (et avec lui, le tigre déjà vu dans L’odyssée de Pi)…


Un ours va-t-il dévorer la tigresse baptisée Rihanna qui s’est carapatée du zoo ? Danger public, le fauve erre dans la nature… La directrice du zoo est en vacances en Grèce : à charge de Vera, la vétérinaire en poste, de prendre l’affaire en main. Sur un coup de stress elle a, par mégarde, mal refermé la cage où Rihanna prend sa pitance. Problème supplémentaire, le félin appartient à une bande de sicaires bodybuildés, tatoués de la tête au pied, avec qui ça ne rigole pas. Il est vrai que Vera a des excuses : la veille, elle a surpris Toma, son mari (théâtreux au civil) en plein adultère avec une fille de 19 ans, alors qu’elle, Vera, vient de perdre son bébé trois jours après sa naissance. En plus, comme ce dernier n’est pas baptisé, la religion orthodoxe interdit de le voir enterré dans le cimetière chrétien : Vera tentera de convaincre un prêtre de déroger à la règle… Dans cette accumulation de tracas, la traque du tigre s’organise autour d’elle, armée d’un fusil à lunettes pour tenter d’endormir la bête sans avoir à l’abattre, les policiers quant à eux prêts à le tenir en joue, au cas où… 

On sent bien qu’Andrei Tanase, pour ce premier long métrage, a tenté d’agréger à l’argument central – la chasse au tigre en cavale – nombre d’éléments disparates : le deuil du bébé, le couple en crise, le fonctionnement même du zoo (en panne de médocs), la menace sourde des gangsters qui exigent leur dû, etc., etc. Imbrication improbable de plusieurs entrées, soit beaucoup d’éléments adventices qui, pour construire un scénario à la fois plausible, émouvant et accrocheur, se raccordent maladroitement entre eux. 

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Paul, l’époux infidèle, à un moment donné au cours de la battue, se fait mordre la cheville par un serpent alors qu’il s’est égaré dans la forêt avec sa femme en colère ; pour s’orienter, ils grimpent tous deux sur un arbre. Dans l’entretien avec le réalisateur, pièce maîtresse du dossier de presse, Andrei Tanane commente ainsi la séquence : « L’arbre, le serpent. Paul a été mordu par le serpent et quand il se retrouve avec Véra dans l’arbre, c’est l’arbre de la connaissance ». Pourquoi pas ? À un édifice narratif qui manque de solidité, les symboles offrent parfois l’avantage de servir de tuteurs. Reste que le parallèle entre le fatum de la tigresse et Vera piégée par son destin, manque singulièrement de consistance. 

De même, le nappage d’une B.O. à la tonalité inquiétante (signée Jean-Benoît Dunkel, du groupe Air) peut avoir son utilité pour souligner le climat – fût-ce au prix du poncif formel – quand l’ambiance mollit. Savoir que l’animal dressé, désormais en fin de carrière, qui campe à présent Rihanna fut naguère, en 2012, le héros carnassier du chef-d’œuvre d’Ang Lee L’odyssée de Pi, rendra-t-il Tigresse plus captivant ? Pas sûr. Cela dit, réussir un premier film n’est pas simple. Andrei Tanase, 41 ans, peut mieux faire.         

Tigresse. Film de Andrei Tanase. Avec Catalina Moga, Paul Ipate. Roumanie, Grèce, couleur, 2023. Durée : 1h20. 

En salles le 7 août 2024. 




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