Accueil Monde Élimination d’Ismaël Haniyeh: pas de trêve olympique au Proche-Orient

Élimination d’Ismaël Haniyeh: pas de trêve olympique au Proche-Orient

En partenariat avec la revue de géopolitique "Conflits"


Élimination d’Ismaël Haniyeh: pas de trêve olympique au Proche-Orient
Le dirigeant du Hamas, Ismail Haniyeh, tient un enfant lors d'un rassemblement de protestation contre la publication de caricatures dans des journaux européens représentant le prophète Mahomet, dans le nord de Gaza, le vendredi 3 février 2006 © AP Photo / Hatem Moussa /MIDEAST_ISRAEL_PALESTINIANS_/0602031922

Alors que le leader du Hamas a été tué mercredi à Téhéran, l’Iran et ses alliés préparent leur riposte contre Israël. Les funérailles du chef du mouvement islamiste palestinien seront présidées par l’ayatollah Ali Khamenei en Iran aujourd’hui.


Un article de Fabrice Balanche paru originellement sur son site.

En moins d’une journée, Israël a abattu deux hauts responsables du Hezbollah et du Hamas. Alors que la situation est figée dans la bande de Gaza, Israël poursuit ses manœuvres pour détruire les capacités d’action de ses adversaires.

Après Fouad Chokr, responsable des opérations armée du Hezbollah, tué le 30 juillet 2024, c’est donc Ismaël Haniyeh, le chef du Hamas à l’étranger, qui a été éliminé, le 31 juillet 2024, par Israël. Le premier a été tué à Beyrouth, dans la banlieue sud chiite. Le second se trouvait à Téhéran pour assister à la prise de fonction du nouveau président iranien. Nous sommes actuellement à un moment charnière où tout peut basculer au Moyen-Orient. Car l’Iran et le Hezbollah ne peuvent rester sans réagir. Le Hamas lui aussi a promis des représailles, mais sa capacité de nuisance est réduite.

Du côté occidental, il semble qu’Israël ait obtenu des garanties de la part des États-Unis. Le bombardement par l’aviation américaine d’une base des milices pro-iraniennes au sud de Bagdad indique que Washington est solidaire d’Israël, dans l’assassinat de Fouad Chokr tout du moins.

Six hommes à abattre

En octobre 2023, le journal israélien Yedioth Ahronoth annonçait que six personnalités du Hamas étaient dans le collimateur de l’État hébreu en tant que responsables du massacre du 7 octobre. Trois d’entre eux ont déjà été tués : Ismaël Haniyeh, le chef du Bureau politique, installé à Doha, Saleh Al-Arouri, numéro 2 du Hamas et en charge des activités de son organisation militaire en Cisjordanie, il était installé à Beyrouth, Marwan Issa, chef adjoint de la branche miliaire à Gaza. Les trois autres cibles sont Yahya Al-Sinwar, le dirigeant du Hamas à Gaza, Khaled Mechaal, responsable des activités à l’étranger, qui réside au Qatar, et enfin Muhammad Al-Deif, le chef de la branche militaire à Gaza. Israël a condamné à mort ces six terroristes et ils seront éliminés où qu’ils se trouvent et quelles que soient les conséquences. Cela rappelle la traque des organisateurs de l’attentat aux jeux olympique de Munich en 1972 qui coûta la vie à 11 athlètes israéliens.

Un soutien américain évident

La frappe contre le numéro 2 du Hezbollah, Fouad Chokr, intervient en représailles au missile sur Majdal al-Shams qui a causé la mort de 12 adolescents. Depuis le 7 octobre 2023, le nord d’Israël vit dans la peur des tirs de roquettes du Hezbollah et près de 100 000 civils ont été évacués de la bordure avec le Liban. Israël exige l’application de la résolution 1701 du conseil de sécurité de l’ONU, en 2006, qui demande le retrait du Hezbollah à 20 km au nord de la frontière israélienne, mais sans succès. Il semble donc que nous nous approchons d’une solution militaire pour restaurer la sécurité du territoire israélien. La diplomatie américaine a échoué à obtenir ce retrait et Joe Biden ne peut que soutenir l’action militaire israélienne en espérant éviter une guerre ouverte avec l’Iran.

L’élimination de Fouad Chokr intervient également au retour du voyage aux États-Unis de Benjamin Netanyahou. Ce dernier a forcément discuté avec le président américain de sa stratégie à l’égard du Liban et récolté des garanties de sa part. Il faut noter que quelques heures après la frappe israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth, Washington bombardait une base des milices pro-iraniennes au sud de Bagdad, pour signifier à l’Iran leur solidarité avec l’État hébreu et tenter ainsi de neutraliser sa réaction. Cependant, Joe Biden était-il au courant de l’opération contre Ismaël Haniyeh à Téhéran ? Car elle est d’une tout autre ampleur que celle qui a visé le numéro 2 du Hezbollah au Liban.

Les conséquences de la double frappe israélienne

Tout d’abord sur le front de Gaza, il est clair que les négociations pour un cessez-le-feu et la libération des derniers otages israéliens sont interrompues. La capacité militaire du Hamas est très réduite désormais et Israël n’a guère à craindre de ce côté, en revanche il faut s’attendre à une escalade sur le front nord. La crédibilité de la République Islamique est gravement atteinte : un invité étranger tué sur son propre territoire à l’occasion de la prise de fonction du nouveau président iranien, c’est beaucoup plus sérieux que la frappe contre le consulat iranien à Damas en avril 2024. L’Iran avait alors envoyé une salve de missiles sur Israël, mais en faisant en sorte que cela ne cause pas de dégâts pour éviter une guerre totale. Le dôme de fer et les alliés occidentaux d’Israël avaient joué leur rôle protecteur.

Qu’en sera-t-il après la mort d’Ismaël Haniyeh ? A minima l’Iran va soutenir les représailles du Hezbollah contre Israël, ce qui va logiquement déclencher une offensive de Tsahal au Liban et des bombardements massifs sur les routes iraniennes en Syrie, par lesquelles provient l’armement de la milice chiite libanaise. Le Proche-Orient n’aura donc pas attendu la fin de la trêve olympique pour s’embraser de nouveau.

Source : Conflits

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est directeur du Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient à l’université de Lyon-2.

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