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Viva Nakamura

Nous lui devons plus que la lumière


Viva Nakamura
Le scientifique américain d'origine japonaise Shuji Nakamura, prix Nobel de physique, 2014, Santa Barbara © Jae C. Hong/AP/SIPA

Les LED constituent une véritable révolution technologique qui est trop peu commentée.


Opprobre jetée sur les mangeurs de viande, flygskam1, réduction de la vitesse sur autoroute2, encouragement à se nourrir d’insectes3, quasi-interdiction du pavillon avec jardin : la décroissance que nos dirigeants nous infligent au nom de l’écologie, d’autant plus violente qu’elle ne dit pas son nom et qu’elle a contourné tous les circuits décisionnels démocratiques4, est sans doute bien moins efficace que l’innovation technologique pour répondre aux défis environnementaux.

Ainsi, au pays de Descartes et de Pasteur, le nom de Nakamura devrait spontanément évoquer Shuji Nakamura, récipiendaire (conjointement avec deux autres chercheurs) du prix Nobel de physique 2014 pour l’invention de la LED bleue. Anecdotique ? Non, révolutionnaire ! En effet, auparavant les LED (Diodes Electro Luminescentes) se cantonnaient aux couleurs rouge, verte et jaune, et à des applications limitées : témoins de fonctionnement, écrans des radio-réveil ou de calculatrices notamment. Avec l’ajout de la couleur bleue, les LED peuvent désormais produire la lumière blanche utilisée pour éclairer (et également le lancement des disques Blu-Ray !), et vont connaître un développement spectaculaire qui se poursuit encore aujourd’hui. 

Ainsi la bonne vielle ampoule à incandescence de 100W est devenue une LED de 10W (voire 5W pour certains modèles) : une réduction de 90% à 95% de la consommation d’électricité !  La durée de vie a également spectaculairement augmenté (jusqu’à 50 000h, soit 45 ans à raison de 3h par jour). Les LED restituent une lumière de plus en plus qualitative (faible scintillement, rendu de couleurs élevé, choix de l’éclairage…)5, et ne contiennent que peu voire pas de métaux rares, le tout pour des prix en baisse constante. Bref les LED nous offrent un exemple de progrès technologique rapide et sans compromis (à l’image des semi-conducteurs dont elles se rapprochent par les procédés de production, l’intensité de l’effort de R&D et les cycles de progrès très rapides). 

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Au niveau macro, cette nouvelle technologie a des répercussions significatives sur le réseau électrique français : réduction de la consommation d’électricité estimée à 25 TWh/an6 (environ 5% de la consommation française) et baisse de 3 GW du pic d’appel de puissance électrique7 – l’équivalent de deux réacteurs nucléaires qui n’auront pas besoin d’être construits. Des effets d’autant plus intéressants pour l’environnement qu’ils ont lieu principalement la nuit, lorsque la production solaire est minimale (merci M. de La Palisse) : l’électricité économisée est statistiquement celle qui aurait été la plus carbonée (issue de centrales à gaz ou à charbon via des importations allemandes). 

Par ailleurs, dans les régions non connectées à des réseaux électriques (Asie et Afrique principalement), les LED permettent, grâce à leur ultra-faible consommation, de déployer massivement des solutions autonomes associant panneau solaire, batterie et LED, qui permettent d’immenses progrès sociaux (les enfants peuvent faire leurs devoirs ou lire le soir, les villages peuvent être éclairés…).

Les LED illustrent donc de façon exemplaire les trois axes du développement durable : l’environnement, le social et l’économie. 

Il est intéressant de noter que cette révolution technologique qui se passe sous nos yeux est très peu commentée – parce qu’elle se déroule loin des laboratoires européens ? Ou parce que, comme pour les crises, le propre des révolutions serait qu’elles sont largement incompréhensibles pour leurs contemporains ? Jean Fourastié remarquait déjà dans ses Trente Glorieuses que la croissance économique qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, sans doute un des changements les plus extraordinaires qu’ait connu l’humanité, était largement ignorée des historiens et économistes.

Alors que certains appellent à la grève de l’école et du savoir, que d’autres attendent le salut de l’empilement de réglementations soviétoïdo-bruxelloïdes (taxonomie, CSRD, MACF, RSE, DPE, ZFE, ZAN & Co.), saluons Nakamura et tous ceux qui ont choisi la voie du travail, de l’imagination et de la science pour faire émerger des réponses pertinentes aux défis du tournant énergétique.


  1. Honte de prendre l’avion, du suédois flyg pour avion et skam pour déshonneur. ↩︎
  2. Grâce aux gilets jaunes le sujet de la réduction de la vitesse sur autoroute à 110 km/h a été mis en veille, néanmoins cette limite s’applique déjà aux véhicules de la fonction publique (hors armée). ↩︎
  3. L’UE a déjà autorisé quatre insectes pour l’alimentation humaine. ↩︎
  4. Ainsi par exemple via la caricaturale parodie de démocratie qu’a été la Convention citoyenne pour le climat. ↩︎
  5. Attention cependant à bien choisir des LED respectant les normes européennes. ↩︎
  6. Bilan prévisionnel 2023 RTE, Annexes Consommation : réduction de la consommation de 10 TWh/an entre 2010 et 2020 (p26) puis de 15 TWh/an d’ici à 2035 (p27). ↩︎
  7. Bilan prévisionnel 2021 RTE, Annexes Techniques : l’appel de puissance de l’éclairage passerait de  plus de 5 GW en 2019 à 2 GW en 2030 (p112). ↩︎



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