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Haute gastronomie parlementaire

Le billet politique de Philippe Bilger


Haute gastronomie parlementaire
Marine Le Pen à l'Assemblée nationale, 18 juillet 2024 © Adrien Fillon/ZUMA Press Wire/Sh/SIPA

La démocratie absente partout…


Sandrine Rousseau, après la réélection de justesse de Yaël Braun-Pivet comme présidente de l’Assemblée nationale, a eu raison de dénoncer « des tactiques qui ne sont pas dans l’esprit de la démocratie ». LFI envisage de contester cette victoire par des recours juridiques. En réalité, par cette critique ciblée et évidemment partisane, Sandrine Rousseau projette sans le vouloir une lumière crue sur la perversion nationale qui, au moins depuis la décision de dissolution, entraîne notre pays dans une dérive où la démocratie est partout absente. Et la sincérité politique nulle part.

Petites manœuvres

J’éprouve, comme citoyen, cette bizarre impression que les dés sont délibérément pipés. Comme si l’essentiel de la vie politique, depuis quelque temps, n’était plus de faire gagner ses couleurs mais de faire perdre celles qu’on abhorre. Qu’elles soient, comme d’habitude, celles d’un Rassemblement national (RN) à la fois solitaire mais revigoré ou, plus conjoncturellement, de la France Insoumise victime de ce même discrédit qui prétend trier le bon grain et l’ivraie à partir pourtant d’une même légitimité parlementaire. Au deuxième tour des élections législatives, la macronie, le Nouveau Front populaire (NFP) et les Républicains ont, sans la moindre honte, renié leurs convictions profondes pour abattre le RN. À l’Assemblée nationale, on a cherché à renouveler le processus du Front républicain et il est probable que le RN continuera à être victime d’une absence d’intégrité républicaine. Lui-même a voté pour deux vice-présidents LFI à l’Assemblée nationale! Changement de pied ! Mais fiasco et injustice absolus : rien pour le RN, 11 millions d’électeurs jetés hors de l’espace républicain, une honte!

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La macronie a pu, par des manœuvres, des tractations, sauver une fonction capitale: présider l’Assemblée nationale. Ils n’étaient plus nombreux à la désirer à nouveau à ce poste, mais Yaël Braun-Pivet a été confortée par le retrait à son bénéfice de Philippe Juvin et surtout par les instructions de soutien données par Laurent Wauquiez au groupe parlementaire de la Droite Républicaine (contre l’espérance de quelques postes après négociation avec Gabriel Attal récemment élu président du groupe parlementaire Ensemble). C’est ce qu’on appelle probablement de la haute cuisine parlementaire !

L’emploi du temps complexe de Gabriel Attal

Au sujet du démissionnaire Premier ministre qui continue à être chargé des affaires courantes – combien de temps ? -, des constitutionnalistes s’interrogent pour savoir s’il a le droit de cumuler cette double activité permanente et temporaire, en tout cas à la finalité partisane pour l’une et d’utilité publique pour l’autre.

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Au sommet de cet océan de confusion et d’hypocrisie partout – l’honneur des missions politiques au service de tous bradé au nom de desseins sans foi ni loi -, il convient de placer le président de la République qui invoquant le gaullisme se situe aux antipodes de celui-ci. On n’est pas obligé d’être forcément d’accord avec Dominique de Villepin qui aurait souhaité la désignation immédiate d’un Premier ministre NFP. Il est certain en revanche que le devoir d’Emmanuel Macron était de tirer rapidement des conclusions du résultat des élections législatives en ne procédant pas de manière dilatoire à la sous-estimation du succès de ses adversaires et à la surestimation de celui de son camp. Alors que de toute évidence, s’il y avait un vaincu, c’était lui. D’autant plus que ses manœuvres suivaient des élections européennes désastreuses pour sa cause et un premier tour des élections législatives implacablement en faveur du RN.

Même si nous avons connu un regain civique – le citoyen français était frustré de n’avoir pas eu de véritables élections à se mettre sous la dent depuis quelque temps -, je suis persuadé que ce vaudeville, aussi grave et alarmiste qu’il cherche à se présenter, va à nouveau détourner beaucoup de Français de la politique au quotidien. Comme je les comprends ! Quand la démocratie est absente partout et que le simulacre domine, on n’a plus envie de participer.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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