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«Möbius Morphosis»: parfaitement beau

Rachid Ouramdane & la Compagnie XY, au Panthéon


«Möbius Morphosis»: parfaitement beau
© Quentin Chevrier

Avec le Ballet de Lyon, la compagnie d’acrobates XY et la Maîtrise de Radio France, Rachid Ouramdane compose une fresque échevelée à dimension épique.


Une foule impressionnante (vingt-cinq danseurs du Ballet national de Lyon, une trentaine d’acrobates de la Compagnie XY, des dizaines d’adolescents de la Maîtrise de Radio France) surgissant des mille recoins du temple, entièrement vêtue de noir et magnifiquement encadrée par les quatre puissants piliers qui portent les coupoles du Panthéon ; une foule qui subitement se disloque, éclate et jaillit en gerbes à l’instar d’une vaste pièce d’eau dans laquelle on aurait lancé un énorme rocher : les premières images de « Möbius Morphosis » sont superbes.

Quand la forme se suffit à elle-même

Des corps lancés dans les airs, des colonnes humaines qui se dressent comme autant d’appels à l’envol et de défis à la pesanteur, des courses échevelées, des figures de groupes audacieuses, sinon téméraires, qui enchantent fugitivement le regard et qui s’évanouissent avec la même magnificence que des feux d’artifices : ce spectacle chorégraphique a été créé en plein air, à Lyon, au théâtre antique de Fourvière, puis repris sur une esplanade à Annecy, non loin du lac. Mais il n’y a jamais été aussi beau assurément que dans la blancheur néo-classique du temple jadis édifié par Soufflot, encadré par l’architecture puissante de ce Panthéon qui l’exalte et qu’il exalte.

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Il serait vain de vouloir donner un sens à cette débauche de tableaux. Cette chorégraphie, cette mise en scène foisonnante dont on imagine aisément à quelles difficultés prodigieuses de réalisation elles se sont confrontées, ne sont rien d’autres qu’un éblouissant exercice esthétique. Mais si solide et harmonieux, si bien mené, que la forme se suffit à elle-même. Dans cet ouragan, elle sait demeurer noble, sobre, parfois même apaisée, et sait aussi ne pas se perdre dans le superflu, quand bien même, vers sa fin, l’ouvrage se répète et s’essouffle et mériterait d’être amputé d’un bon quart d’heure.  Pour la maison de joaillerie Van Cleef et Arpels qui a soutenu financièrement l’entreprise, c’est un beau cadeau. De même que pour ce festival olympique des Arts dans lequel s’insère « Möbius Morphosis ».

Réticences dissipées

Même si l’on peut comprendre qu’il y ait eu des réticences à voir un temple comme le Panthéon métamorphosé une fois encore en lieu de spectacle (mais cela s’est déjà fait avec des formes bien moins respectables), il est si rare qu’une fresque chorégraphique emplisse si dignement une telle monumentalité que ces réticences ne peuvent, de fait, que se dissiper.

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Certes, Rachid Ouramdane reprend à l’envi des figures qu’il a déjà imaginées pour d’autres productions. Mais pour qui a le bonheur de découvrir ici son travail et pour qui tout est donc parfaitement neuf, l’ensemble est saisissant et ne peut qu’être admiré. Assez facile avec ses effets de voix trop voulus, sa féérie un peu complaisante, la composition musicale électronique de Jean-Benoît Dunckel a toutefois le mérite de n’être pas envahissante et offre même de brefs instants de grâce. Elle n’empêche pas de penser toutefois que des partitions musicales d’une tout autre envergure auraient pu porter certains tableaux à l’incandescence.

Ce n’est probablement pas très avouable dans le cadre du « politiquement correct » qui ordonne qu’ils soient encensés : mais au sein de la nébuleuse d’artistes chorégraphiques « issus de l’immigration » selon la formule consacrée, Rachid Ouramdane est bien l’un des seuls à avoir quelque envergure. 

« Möbis Morphosis » les 17 et 18 juillet à 20h. Panthéon Location Théâtre de Chaillot ; 01 53 65 30 00. Rediffusion sur Culturebox le 23 juillet 2024 en « primetime ».



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