Ultime épisode : La Femme, instrument mais contre-pouvoir
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Jaloux de son aîné, qu’il détestait, « le roi sans royaume ne faisait rien sans raison, ni sans calcul ». C’est sous ces traits cruels que l’historien Matthieu Mensch décrit le comte de Provence, futur monarque de la Restauration, au seuil de l’ouvrage qu’il consacre aux Femmes de Louis XVIII – c’en est le titre. A Louis XVI, le cadet de la dynastie Bourbon enviait aussi son Autrichienne, dont il pensait que lui-même l’aurait mérité davantage : « la haine de Monsieur envers son infortunée belle-sœur avait fini par devenir de notoriété publique », au point que sur le tard, il cherchera à se dédouaner. Instrumentant la mémoire de la reine martyre, il fera même construire, en 1826, une chapelle expiatoire : « Marie-Antoinette semble correspondre parfaitement à la vision cynique de Louis XVIII, pour qui les femmes n’étaient que des outils politiques ou de simples faire-valoir ». Quel garçon sympathique…
De ces figures de femmes gravitant autour de Louis XVIII à l’entour d’une monarchie sans avenir, la postérité n’aura jamais retenu que leur demi-obscurité : la personnalité de Marie-Antoinette, les décors dont elle s’est entourée, le romanesque de ses liaisons et la tragédie de son destin vouent, par comparaison, ces femmes à un oubli relatif, de surcroît « victimes d’être associées à une période longtemps méconnue, la Restauration » et à un Louis XVIII essentiellement « pur produit de Versailles, soucieux de la mise en scène de sa propre majesté ».
Mais justement, au-delà de ces portraits hauts en couleur si bien peints par Matthieu Mensch, le prix de cet ouvrage tient, pour une large part, à ce qu’il explore dans son détail les rouages d’une société fondamentalement inégalitaire dont, au XXIᵉ siècle, les stratifications, les codes, les usages, les charges symboliques nous sont devenus parfaitement étrangers. Le poids de l’étiquette, par exemple, dans l’économie curiale, la force des affrontements claniques et de ses intrigues (perçues comme dérisoires par le seul regard contemporain), et par-dessus tout la prépondérance des stratégies d’alliances matrimoniales sur toute autre considération dans les enjeux de la politique extérieure, voilà, souterrainement, l’autre sujet de l’ouvrage Les femmes de Louis XVIII : certes instrument du pouvoir masculin, l’autre sexe en est aussi le contre-pouvoir occulte, à travers les coteries qui s’y agrègent. Influenceuse avant la lettre, la Femme n’est pas de toute éternité la victime du mâle dominant.
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