I love rock ’n’ roll girls


I love rock ’n’ roll girls

suzi quattro rock

Pendant les années de plomb du rock, les épouvantables eighties, ce sont essentiellement les filles qui ont maintenu la flamme. Alors que les  Dépêche Mode, Cure, et autres Cocteau Twins à la con pensaient avoir enterré le genre sous les synthés, les pulsions suicidaires, les jabots en dentelle et les lotions pour l’acné, les filles ont fait le job. 

Qu’on ait affaire à des génies habités (Chrissie Hynde, Joan Jett, Wendy O., les sœurs Wilson) ou à des artistes très doués (Bangles, Bananarama, Gogo’s, Cindy Lauper, la Madonna des débuts, Nena, Pat Benatar –et, chez, nous, les délicieuses Calamités- elles ont toutes, à leur façon, sanctuarisé les fondamentaux du rock (riffs et chœurs, rythme et mélodie, énergie et ironie)

Pourquoi ? Parce le Bon Dieu, c’est sûr, ne voulait pas qu’on soit privé de rock à la radio (c’était avant Internet, hein). Peut-être aussi parce que, à l’instar de ce qu’on disait pendant mes études sur le catholicisme des Bretons (leur foi est plus vivace qu’ailleurs parce qu’ils ont été évangélisés après tout le reste du pays) les filles du rock, arrivées tard sur le marché, n’avaient pas eu le temps d’être blasées par A-wop-bom-a-loo-mop-a-lomp-bom-bom! .

Certes, de Sister Rosetta Tharpe à Janis Joplin en passant par les Ronettes, il y a eu avant les eighties bien des filles dans le rock, mais elles n’étaient pas au cœur du truc, c’étaient des-filles-qui-font-du-rock des poissons volants, contrairement aux genres connexes (R n’ B, folk, country, jazz) où les Joan Baez, Carole King, Supremes, Aretha Franklin, Dolly Parton, Linda Ronstadt, Bette Midler et autres Billie Holiday n’avaient vraiment rien des meufs de service.

L’irruption des filles dans le rock, le vrai c’est quand, alors ? Pour moi, bien sûr, ça commence avec Suzi Quattro. On méprisait – à tort, rétrospectivement – la musique pour drogués (Grace Slick, notamment). On connaissait mal les girl groups de Tamla ou du Spector Wall of Sound- on s’est rattrapé depuis, et pas qu’un peu, mon neveu !

Suzi, c’était miraculeux, parce que ce fut la première, avec « Can the Can », à faire du rock de mec mieux que les mecs. La brèche était ouverte, viendront vite ensuite, dans la deuxième moitié des seventies et dans la foulée du revival swing initié par le pub rock, la powerpop et le punk, la miraculeuse Patti Smith, la délicieuse Debbie Harris, l’astucieuse Lene Lovich et les fougueuses Slits. La partie était gagnée !

Enfin disons plutôt qu’elle était gagnée pour les filles, mais pas pour le rock, qui lui, allait de plus en plus mal. On est au début des eighties : et après avoir tremblé sous les coups des Ramones ou des Buzzcocks, le système retombe sur ses pieds en tente d’imposer comme norme musicale les merdouilles synthétiques et/ou dépressives. C’est l’époque où l’on nous dit que Cure est le plus grand groupe du monde ! Et je vous parle même pas de leurs clones gogols d’Indochine…

C’est en ces temps maudits que les filles gardèrent le temple, avec des guitares et des basses, des jolis minois et des vannes graveleuses, des chœurs et du chœur. Depuis I Love Rock n’ Roll jusqu’à Back On The Chain Gang, elles créeront les rocks les plus rocks des eighties. La génération suivante, celle qui va des Pixies à Nirvana en passant par Green Day , n’aura qu’à continuer sur leur lancée, avec le bonheur qu’on sait. On est alors au début des années 90, le rock est redevenu, pour l’essentiel, une histoire de mecs. Dommage…

 

NB : Cet article ne cite pas des chanteuses des eighties que j’aime profondément comme Laurie Anderson ou Donna Summer, parce qu’elles ne relèvent objectivement pas du rock n’ roll ou de ses environs immédiats. J’ai pu par ailleurs oublier quelques dames importantes, je m’en excuse auprès d’elles et des lecteurs attentifs, qui rectifieront, j’en suis sûr. En revanche l’absence dans ma playlist de Stevie Nicks, Siouxsie ou Kate Bush ne doit rien à la distraction. 



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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