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Haro sur le baudet !


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Le Touquet, 7 juillet 2024 © Mohammed Badra/AP/SIPA

Dans sa dernière lettre aux Français, le chef de l’État a contesté la victoire de la gauche aux législatives (« Personne ne l’a emporté ») avant de défendre un « large rassemblement » sans RN ni LFI.


Dans la fable Les Animaux malades de la Peste, La Fontaine raconte une maladie terrible, protéiforme, la peste « qui fait aux animaux la guerre ». Pour en venir à bout, rien de tel, politiquement, qu’un bouc émissaire : cet ennemi fictif désigné comme victime expiatoire. Manu-la-Grenade, comme dit Onfray, aurait tort de se priver —ça marche à fond la caisse— qui donne du temps au temps pour « répondre » —quel cynisme ! — « aux angoisses des Français » ainsi qu’aux forces républicaines. Oui, a dit le petit prince, machiavélique, je vous laisse le temps de « refléchir » comme disait Escartefigue dans Pagnol. « Refléchir » pour faire, d’une folie politique d’un soir, un bijou républicain. Et c’est reparti ! Plus que jamais, haro sur le baudet ! Belle continuité, soit dit en passant, que ce haro, cette vieille coutume juridico-politique qui, venue de Normandie, et désignant un ennemi fictif, dispense de désigner des coupables et de remédier au mal lui-même.

Et rebelote, après les élections ! Sus, donc, au RN en vue de 2027, ce pelé, ce galeux d’où vient tout notre mal ! Depuis A jusqu’à Z, analphabétisme, immigration, insécurité, islamisme, misère, c’est la faute au RN ! Fanatisme, homophobie, viols en veux-tu en voilà, tout ça, c’est le RN. Le dérèglement climatique ? Le RN. Sus à la bête tapie ! Un fiché S entre à l’Assemblée aux côtés d’un ancien président de la République recalé aux élections présidentielles.

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Macron est un disciple de Machiavel. Il a l’art, y a pas à dire. De ce vote historique, il a fait un vote hystérique. On sait que l’hystérie est dans nos gènes depuis les lois sociétales. Ceux qui s’opposaient aux lois étaient des hystériques. D’où l’absence de débats pour ne pas « hystériser les débats ». À mots couverts —des oreilles sont partout— entre amis, entre voisins, secret défense oblige —on évoque, avec un sourire entendu, d’un clin d’œil complice, le mal auquel on a échappé. Antiparlementaire, antiflic, antisémite, elle était bien là, tapie, la bête immonde, la mangouste du Livre de la jungle. Une députée inspirée, Manon Aubry, a dit qu’on n’avait pas le choix : « C’est Hitler ou le  (Nouveau) Front populaire ». Manon Aubry parle d’or.

Ca tiendra, le temps que ça tiendra. C’est toujours ça de pris, pense Manu-la-Grenade. Je suis le maître des horloges. Sont-ils facilement manipulables, ces Français, avec leurs idéologies et leurs disputes stériles, leur ignorance et leur sang chaud ! Et ces Républicains qui, noyés au fond de la piscine, croient ressusciter en sirènes, sous l’onction d’un nouveau maître-nageur ! Peu me chaut leurs indignations, les analyses qui n’en finissent pas ! Peut me chaut également la colère de mes proches. Je parle, on commente : j’ai du temps devant moi. Et j’ai encore, que je sache, le pouvoir de censurer, de faire et de défaire. Quia ego nominor Leo.

Alors, j’ai pensé — il faut toujours penser à nos Anciens— à la colère de Démosthène  dans les Philippiques, haranguant les Athéniens, au moment où le roi de Macédoine, Philippe, est aux portes d’Athènes. Les Athéniens —ce peuple ultra démocratique— beaux parleurs, chicaneurs et inconstants, à l’esprit civique affaibli —qui aimait se bercer d’illusions, prêtait l’oreille à une histoire sans intérêt, au lieu d’écouter l’orateur lui montrant le danger. On connaît la fin. La faute à qui ? Au RN bien sûr !

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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